Chapitre 35 : Sernos, de nos jours (2/3)

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Sous la direction de Beldel, le groupe sortit de l’ambassade et traversa Sernos en direction du palais royal. Les soldats se disposèrent autour d’eux pour les protéger. Ils n’empruntèrent pas le boulevard. Au lieu de ça, ils coupèrent au plus court vers le promontoire par les ruelles. Dans ce quartier aisé, même les plus étroites venelles étaient propres. Ils arrivèrent en moins d’un calsihon au pied de l’immense masse rocheuse, devant ce qui semblait être une plaque métallique enchâssée dans la paroi. Beldel regarda autour de lui pour s’assurer qu’ils étaient seuls. Aussi tard dans la nuit, les rues étaient désertes. Il posa sa paume droite dans un renfoncement, aussitôt une plaque lisse comme du verre s’illumina. Le contour de sa main se dessina dessus.

— Identification confirmée, dit une voix sortie du néant, bienvenue capitaine Beldel.

La plaque métallique coulissa, révélant une petite pièce aux parois lisses, apparemment dépourvue de porte. Deirane sursauta, de même que les Frakerseny, toutefois ni Vespef, ni Saalyn n’avaient l’air surprises.

— Je constate que l’Helaria n’est pas le seul à utiliser du matériel feytha, remarqua la pentarque.

— Il était en place et il fonctionne. Il aurait été dommage de ne pas s’en servir, répondit Beldel, après tous, vous avez bien quelques armes de poing feythas et si je ne me trompe quelques autres objets plus puissants encore.

— Peut-être, mais nous ne savons pas les réparer quand ils tombent en panne. Et encore moins en construire d’autres.

— Nous avons le même problème. Sur les huit ascenseurs d’origine, seuls cinq fonctionnent encore.

Quand tout le monde fut entré, les portes se refermèrent. Aussitôt, la pièce se déplaça vers le haut. Deirane fut déséquilibrée par le mouvement. Ce fut la poigne solide d’Öta qui la redressa. De leur côté, ni les Yrianii, ni les Helariaseny habitués aux ponts mouvants de leurs navires, ne bronchèrent. Quelques vinsihons plus tard, la cabine s’arrêta et la porte s’ouvrit, du côté opposé à celui de leur entrée.

Comme le promontoire était en surplomb, ils n’étaient pas au bord de la falaise, mais en était éloigné de plusieurs douzaines de perches. Devant eux, se dressait le palais royal d’Yrian. Il était constitué d’un cercle de sept dômes d’une centaine de perches de diamètre situés au centre de l’esplanade et de plusieurs autres dispersés un peu au hasard. Entre les dômes et la pointe du promontoire, un bâtiment plus récent en pierre avait été ajouté, le palais proprement dit, la demeure du roi de l’Yrian. Le domaine était complété par un poste de garde qui servait à protéger l’accès routier au palais.

Le capitaine guida les voyageurs jusqu’à l’un des dômes. L’intérieur étonna Deirane, elle n’avait jamais rien vu de tel. Les matériaux lui étaient inconnus, lisses et brillants, loin d’être froids cependant. Ce n’était pas du verre, ni du métal ou du plâtre. La lumière émanait de plaques dépolies encastrées dans le plafond. Les portes n’avaient pas de poignées, il suffisait de se placer devant pour qu’elles s’ouvrent. L’endroit manifestait une connaissance qui dépassait de loin ce dont les actuels Polinseny étaient capables. Même les champions de la technologie qu’étaient les Helariaseny étaient incapables de reproduire ces miracles, ils ne parvenaient même pas à comprendre les bases de leur fonctionnement.

L’aménagement des lieux était adapté à sa forme hémisphérique. L’entrée s’ouvrait sur un couloir qui aboutissait à une pièce centrale ronde. Au centre, un escalier en spirale montait vers les étages supérieurs. Plusieurs portes donnaient sur les différentes pièces, dont une salle de bain. C’était la résidence des anciens tyrans feythas. Ou plutôt, de leurs domestiques préférés. Ces monstres n’auraient jamais pu introduire leur corps gigantesque dans ces couloirs étroits. Le roi d’Yrian n’habitait pas là, il vivait dans le palais de pierre, plus majestueux. L’endroit était réservé aux invités à qui la loi interdisait de dormir au château, quel que soit leur rang. Il ne manquait cependant pas de confort. Si les feythas n’aimaient pas le luxe ostentatoire, ils aimaient la vie facile.

Les chambres attribuées, le capitaine Beldel se retira. La porte se referma derrière lui. Ils n’étaient pas prisonniers ainsi que pu le constater Vespef en essayant de sortir. Elle examina un instant la végétation luxuriante avant de rentrer. Elle explora ensuite les lieux. La vue de la salle de bain lui arracha une exclamation. Chez elle, elle en avait une plus belle à sa disposition, mais les Yrianii n’étaient pas réputés pour leur art du bain. Toutefois, le capitaine Beldel n’avait pas menti. La baignoire, presque une piscine, était suffisamment grande pour accueillir quinze personnes. Elle était pleine d’une eau fumante et parfumée qui semblait constamment renouvelée par un léger courant.

Elle rejoignit ensuite les autres dans la pièce centrale. Ils étaient en compagnie des domestiques qui venaient d’arriver pour se mettre à leur disposition.

— Réunion d’état-major dans mon bureau dans six stersihons, annonça-t-elle, Saalyn, Öta, Deirane, Hester, Aster et Gonrak.

— Où est ton bureau ? demanda Saalyn en regardant vers le haut de l’escalier.

— Là-bas.

Du pouce elle désigna la porte de la salle de bain dans son dos.

— Génial, un bain, c’est ce qui me manquait depuis le début de cette expédition.

— Il n’y a pas un autre endroit ? demanda Deirane.

— Gonrak d’accord avec guerrière blonde. Tous puer, bain nécessaire.

— Je n’aurai jamais cru les bawcks si propres, remarqua Saalyn.

— Tu serais surprise, répliqua Deirane.

— Nous en profiterons pour faire disparaître ça, dit Vespef en désignant le visage tuméfié de Deirane.

— Ce n’est pas bien grave, répondit l’intéressée.

— Demain, nous allons mener un combat dont dépend l’avenir de nombreux Helariaseny. J’utiliserai toutes les armes à ma disposition. Ton visage en est une, dit Vespef d’un ton sans réplique.

La pentarque leur tourna le dos pour aller dans sa chambre.

— J’avais toujours cru comprendre que Vespef était réputée pour sa douceur, remarqua Deirane.

— Elle l’est, répondit Saalyn, en temps normal en tout cas. Ce qu’elle a fait à l’ambassade ne lui ressemble pas du tout. Je suppose qu’elle a bien dû en chier ces douze derniers monsihons.

Quelques vinsihons plus tard, tous ceux convoqués par la pentarque se retrouvaient plongés dans l’eau jusqu’au cou. Hester était un peu gêné au milieu de toutes ces femmes, mais ni Öta ni Gonrak ne semblaient s’en formaliser.

Les domestiques avaient été exclus de la pièce. L’un d’eux parlait certainement helariamen, Vespef préférait que leur discussion ne revienne pas aux oreilles de Menjir. Même en les empêchant de sortir jusqu’à leur départ, il n’était pas exclu que les feythas aient laissé derrière eux tout le nécessaire pour qu’un espion puisse contacter le roi.

Après s’être délassée un long moment, Vespef ouvrit le bal.

— Demain le roi d’Yrian nous recevra pour dîner. Nous voulons tous obtenir quelque chose de lui. Je veux son assistance dans la guerre contre Shaab, Gonrak veut la reconnaissance de leur frontière occidentale et l’arrêt de la guerre et je suppose que Aster voudra sauver ce qui reste de son pays. Je me trompe ?

— Gonrak ne sait pas négocier, remarqua Saalyn, les bawcks n’ont pas les connaissances pour cela.

— Deirane pourra le faire pour lui, elle est la seule qui n’ait rien à demander à Menjir, elle a déjà atteint ses objectifs.

Le bawck acquiesça d’un mouvement de la tête.

— Te voila investie d’une lourde responsabilité, lui lança Saalyn.

— N’aie pas peur, je saurai m’en tirer.

Vespef tourna son regard vers la jeune femme noire qui tentait d’attirer son attention d’un geste de la main.

— Je ne sais pas s’il reste quelque chose de mon pays. Et si c’est le cas, suis-je habilitée à négocier ?

— Il reste beaucoup. On ne peut pas déporter la population entière d’un pays comme ça d’un simple claquement de doigt. J’ai reçu un rapport il y a quelques jours qui donnait sa situation. Une résistance s’est mise en place, elle se montre assez efficace. Ils n’ont pas encore réussi à chasser les envahisseurs, faute d’organisation, néanmoins ils ont bien limité le trafic d’esclave. Le gouvernement étant défaillant, c’est au plus apte à le prendre en charge jusqu’à normalisation de la crise. Le plus apte, c’est toi. Enfin, disons que tu es la mieux placée pour ça.

— Mon royaume résiste toujours ?

Ses yeux pétillaient de joie.

— D’accord, je prends cette responsabilité. Et que puis-je obtenir du roi d’Yrian ?

— L’intégration de Fraker à la Confédération Yriani par exemple. La seule route pour atteindre Fraker rejoint la grande route du nord près d’Ortuin. Le blocage de cette ville mettrait fin au trafic.

— Je ne suis pas sûre que mes compatriotes apprécieraient l’intégration à la Confédération.

— Ils apprécieront encore moins la perte de leur liberté. L’alternative étant d’intégrer les Frères de la Mer et de négocier un traité avec l’Yrian pour autoriser les armées de l’Helaria à traverser ses terres.

— Nasïlia ne pourrait pas…

— Nasïlia n’a pas les forces nécessaires pour ça. C’est une cité état. Ce royaume est l’un des plus grands ports du continent après Kushan. Il est très convoité, facilement accessible par la terre et ne bénéficie pas de la sécurité d’un grand royaume autour. Envoyer ses armées au loin serait un suicide.

— Je croyais que Nasïlia était un grand pays, remarqua Hester, similaire à l’Yrian.

— En dimension c’est exact, répondit Deirane. Seulement il est en grande partie stérile. On dit qu’il brille dans la nuit. J’ai pu vérifier de visu et c’est vrai. Seule la capitale est habitée. Le reste est mortel si on y réside trop longtemps.

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