Ridicule Tentative

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Honte. Si je devais choisir un mot pour décrire ce que je ressens, à ce moment précis, ce serait celui-là. Pourquoi ?

Savez-vous à quel point cela peut être difficile de manier correctement une queue ? Cela fait une bonne quinzaine de minutes que je me ridiculise. Je ne trouve pas le trou. Ça y est, vous comprenez mon embarras ?

Je m'acharne, je m'obstine, mais je la fous toujours à côté ! Ça a pourtant l'air si facile quand on regarde les autres faire. Je commence à me dire qu'un être maléfique m'a flanqué une putain de malédiction.

J'aurais dû me stopper là, mais mon fichu caractère m'en empêche. Il faut que j'y arrive ! Même si ce tableau n'a plus rien de séduisant. Je retente, un nouveau coup de langue. J'essaye de manipuler mon organe avec souplesse, je me concentre, je tâte l'ouverture. Toujours rien ! Satanée queue de cerise ! Moi qui pensais réussir ce tour de séduction haut la main ! Je dois ressembler à une pauvre vache qui rumine son foin. Rien de sexy. Je me rends bien compte du regard gêné qu'Ykar s'efforce de cacher.

Une ultime tentative, ma dernière chance. Je suis au bord du gouffre, le désespoir s'empare de moi. Enfin ! Je me lève, d'un bond, victorieuse en poussant un cri aigu. Ce mouvement abrupt se révèle avoir de fâcheuses conséquences. J'avale de travers et commence à m'étouffer.

Les larmes me montent aux yeux, je suffoque. Ykar met quelques instants à saisir ce qui se passe. Je lui fais des signes qui ne ressemblent à rien, mais il semble les comprendre. Il se lève du canapé, passe dans mon dos, place ses bras autour de ma taille, et me serre plusieurs fois avec force afin de déloger l'objet coincé dans la gorge. Vive la manœuvre d'Heimilch !

Au bout de la troisième tentative, je recrache au loin la queue de cerise qui virevolte dans la pièce. Je ne prends pas la peine de remercier mon sauveur. Je détale dans la salle de bain, je me sens déconfite.

Je verrouille soigneusement la porte derrière moi. La salle de bain est spacieuse, une double vasque en granit se trouve au milieu de la pièce, dans un ilot central. Je m'approche de la grande glace, avec appréhension, en regardant mes pieds. Quand je relève le regard vers le miroir, je constate l'ampleur des dégâts. Mon mascara a coulé le long de mon visage, mes yeux sont boursouflés et des restes de bave parsèment mon menton. Quel beau spectacle je lui ai offert pour notre premier véritable rendez-vous.

Je me regarde avec dégout. J'avais pourtant nourri tellement d'espoir dans cette soirée, choisi avec soin ma tenue. Une robe à bustier rouge bordeaux, mettant en valeur ma poitrine. Des escarpins noirs afin d'allonger ma silhouette et de jolies pendants en argent à mes oreilles.

Je m'essuie rapidement le visage, attrape dans mon sac à main mon nécessaire à maquillage, et essaye de camoufler le désastre.

Je ressors de la salle de bain avec beaucoup d'appréhension. Je ne sais pas du tout comment je vais pouvoir gérer la situation. J'arrive dans le salon, mais je ne vois Ykar nulle part. L'ai-je fait fuir ? J'ose l'appeler d'une toute petite voix.

- Ykar ?

- Je suis sur le balcon.

D'un pas timide, je le rejoins. Il est penché sur la balustrade, les coudes posés sur la rambarde, et regarde le ciel étoilé. Dieu qu'il est beau ! Une légère brise me fait frissonner, mais je dois reconnaitre que pour un quatorze février, il fait particulièrement bon.

Je l'admire un moment en silence. Il ne s'est pas beaucoup apprêté pour la soirée, mais c'est ce qui fait son charme ! Un jean à coupe droite, un tee-shirt blanc et une chemise noire par-dessus. Je suis presque déçue par ce dernier vêtement me cachant la vue de ses magnifiques bras bien musclés. Ses cheveux bruns, aux reflets mordorés, sont en bataille, balayés par le vent. Je me décide à le rejoindre, et m'appuie maladroitement contre le rebord, je ne sais pas quoi faire de mes mains. Mes doigts pianotent sur la surface de pierre malgré moi. Mon stress est à son paroxysme. Tout va-t-il s'achever ici ? Notre romance tuée dans l'œuf par ma bêtise !

- Je n'ai jamais rien vu d'aussi beau.

Je lève les yeux en l'air. La nuit est effectivement magnifique. Le ciel est parfaitement dégagé et la lune est pleine. L'astre scintille de mille feux, jalousé par ses sœurs, les étoiles. Il danse dans les ténèbres noires et est si lumineux qu'il m'éblouit presque. En contrebas, j'aperçois les fleurs de Lune éclosant doucement, répondant à son appel et disséminant leur flagrance épicée dans le vent.

- Tu as raison, finis-je par souffler. C'est un spectacle magnifique.

- Non, tu ne comprends pas.

Ykar pose sa main sur mon visage et me force à me tourner vers lui. Il plante ses yeux noisette dans les miens, et reprend, d'une voix rauque.

- Je n'ai jamais rien vu d'aussi beau. Répète-t-il. D'aussi beau que toi.

Je fonds littéralement sur place. Mes joues me brûlent et mon cœur bat à cent à l'heure. J'ouvre la bouche pour lui répondre une banalité, mais aucun son n'en sort. Tel un poisson hors de l'eau, je reste plantée là, sans savoir quoi dire, quoi faire.

Ykar rit alors, un rire franc et contagieux. Je devrais lui en vouloir de se moquer de moi, mais je le rejoins dans ce petit moment de complicité.

- Ykar, je voulais...

Ce dernier ne me laisse pas le temps de finir et pose un doigt sur mes lèvres, m'intimant le silence de la plus douce des manières. Lentement, il rapproche son visage et ses lèvres charnues atterrissent sur les miennes. Elles ont un goût sucré. Notre baiser est langoureux et tendre. Je prends le temps de m'en délecter. Il commence à jouer avec ma langue et devient plus pressant. Son odeur musquée éveille chacun de mes sens.

Je ne peux pas résister et réponds à son appel. Je colle mon corps contre le sien et laisse mes mains le parcourir avidement. Je sens ses muscles parfaitement dessinés sous mes doigts à travers son tee-shirt. Mais ce n'est pas assez pour moi. J'ai envie de sentir sa peau. Doucement je relève son vêtement, mais Ykar suspend notre échange sensuel en s'éloignant de moi. Un grognement rauque de frustration m'échappe. Je le vois sourire en coin.

- Pourquoi as-tu agi ainsi tout à l'heure ?

Ça y est, nous y voilà. Je vais devoir m'expliquer. Il me pose la question sans détour, je ne peux trouver aucune échappatoire.

- Je... je....

J'ai beaucoup de mal à m'exprimer, à mettre des mots sur ce sentiment qui me torture depuis trop longtemps déjà : La jalousie.

- Je voulais... tenter de te séduire.

- Me séduire ? Tu es consciente que le suis déjà ? Et que la charmante scène que tu m'as faite tout à l'heure aurait plutôt eu pour effet d'effrayer une personne moins attachée à toi que je ne le suis ?

- Tu... tiens à moi ? me risquais je d'une toute petite voix minaudante.

- Ne change pas de sujet princesse. Je veux avoir le fin mot de cette histoire.

Je soupire bruyamment.

- Je... depuis que tu m'as présenté Kiana... Comment veux-tu que je rivalise ? Oui je savais que c'était une elfe... je me doutais qu'elle devait être sublime... Mais, je ne sais pas... pas à ce point. Elle s'est pointée, avec ses somptueux yeux émeraude, surréalistes, et ses cheveux roux flamboyant cascadant dans son dos... Je ne peux pas rivaliser avec ça. Regarde-moi !

Je finis ma phrase en criant presque. Penaude, je me mis à tourner sur moi-même.

- Je te regarde. Et ce que je vois est magnifique. Tes yeux céruléens n'ont rien à envier à ceux de Kiana ou au plus bleu des lagons. La première fois que je t'ai vue, emmitouflée dans ce vieux plaid, ta chevelure dorée recouvrant tes épaules dénudées, je suis tombé fol amoureux. Tu ne me connaissais pas, tu ne m'avais même jamais vu et je pense que tu aurais été horrifiée de savoir que je t'épiais depuis l'extérieur. Être en charge de ta protection a été le plus beau cadeau que le destin ait mis sur ma route. Alors oui, Kiana est une elfe, oui, elle est magnifique. Je l'ai aimé, mais c'était une autre époque. J'étais différent, et elle aussi. À présent, les pétales de notre amour se sont évanouis. Une rose sans corolles n'a plus que des épines, elle ne vaut rien de plus qu'un vulgaire cactus. Il soupira longuement. Ce que j'essaye maladroitement de te dire, c'est que, entre Kiana et moi, il n'y a plus d'amour. On est amis, on partage certains souvenirs. Celle que j'aime aujourd'hui, c'est toi.

« Celle que j'aime ». J'ai bien entendu, il a dit qu'il m'aimait ? Sans réfléchir, je lui saute au cou et l'embrasse avec ferveur. Mon désir doit être communicatif, car Ykar me soulève dans ses bras tout en pressant mon corps contre le sien. J'enroule mes jambes autour de sa taille. J'ai envie de lui. Il nous emmène à l'intérieur de la chambre et me fait tomber dans le lit. Je sens son loup intérieur m'appeler. Au-delà de nos deux âmes complémentaires, nos deux animaux intérieurs se sont liés, bien malgré nous, dès notre première rencontre. Depuis que j'ai été mordue, ce soir-là, dans parc, ma vie à basculé. Je ne maitrise pas cette force qui réside en moi, ma transformation n'a pas été complète, mais cela n'a pas empêché une connexion de Gaurhoth de se créer. Pour résumer, nous sommes liés par cette bête sauvage qui nous habite. Vous l'avez bien compris, je ne suis plus totalement humaine. Et Ykar, lui est un vrai Gaurwaith, un homme-loup.

Accolés l'un à l'autre, nos caresses se font plus pressantes, plus aventureuses. Sans aucune cérémonie, Ykar arrache chacun de mes vêtements avec violence dans un acte presque bestial. Je suis complètement nue devant lui, sans défense, à la merci de son jugement, mais je me sens belle. Je n'ai plus aucune crainte quant à son amour pour moi. Il regarde chacune de mes courbes avec envie.

- Je te veux.

Ce sont les seuls mots que j'arrive à articuler. Je me sens fiévreuse. Mon bas ventre pulse avec force. Je me redresse et l'aide à se déshabiller. J'observe avec délectation son corps. Tout en lui est parfait. Ses abdos sont admirablement dessinés, ses fesses bombées laissent entrevoir deux petites fentes sur le côté, et son membre... Son membre ferait perdre la raison à toute femme saine d'esprit.

Il s'allonge sur moi, je sens le poids de son corps, mes doigts s'égarent dans son dos en un million de caresses.

Il plante son regard dans le mien, comme pour me demander ma permission. Même maintenant, dans une telle situation, cet homme est un parfait gentleman. Pour lui signifier mon approbation, je lui murmure timidement, au creux de l'oreille, ces trois mots que lui-même m'a dits plus tôt « Je t'aime ».

Je le sens alors rentrer en moi. Il est, dans un premier temps, doux. Puis, ses coups de reins se font plus vigoureux, plus profonds. Il semble en alerte du moindre frisson parcourant mon corps. Il lit en moi, comme dans un livre ouvert, et comble chacune de mes attentes. Notre ébat amoureux se fait plus sauvage, on se griffe, on se mord. Chacun de mes soupirs le remplit d'une fougue nouvelle. Je tente de le renverser afin de le dominer, mais il ne me laisse pas faire et plaque mes mains derrière ma tête. Il sort de moi et parcours mon corps avec sa langue habile. Je me retiens désespérément de hurler son nom. Après un premier orgasme qui me fait chavirer la tête, il me retourne d'un geste ferme, mais doux, et revient me pénétrer sous un angle nouveau. Il malaxe mes seins tout en baisant mon cou. Il sait précisément où me toucher et quoi me faire pour me procurer un maximum de plaisir. Quand celui-ci arrive à son paroxysme, nous nous embrassons une dernière fois, avant de nous séparer, complètement essoufflés.

Je reste un moment à contempler le plafond, encore hagard par notre étreinte, puis me blottis dans ses bras.

Je repense à ce début de soirée de Saint-Valentin catastrophique et rit malgré moi, la tête enfouie contre le torse de mon amant. Le lit est sens dessus dessous. La couette est en boule dans un coin et tous les oreillers ont volé aux quatre coins de la pièce.

Honte. Ce n'est plus du tout le mot approprié pour qualifier ce rendez-vous et ce que je ressens actuellement. Le bonheur, voilà ce qui semble plus juste, la jouissance et l'amour.

On dit qu'une soirée peut virer en un instant du rêve au cauchemar, mais l'inverse est aussi juste. Ne pas baisser les bras face à l'adversité, et ne jamais douter de votre beauté face à l'élu de votre cœur. À travers ses yeux, vous serez toujours la plus belle.

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