4. L'envol

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Grâce à de longs efforts et surtout beaucoup de patience, Adeline était parvenue à décrocher pile ce qu'elle voulait. Elle avait été acceptée dans la filière d'études de son choix, et le logement à proximité de la fac l'avait acceptée dans les plus brefs délais. Fière de la première étape de son succès pédagogique, elle ne tenait plus en place sur sa chaise, littéralement. Après avoir testé plusieurs positions et cassé pas mal de mines de crayons, sa liste était enfin terminée. Tout ce qu'elle devait emballer et emporter d'un côté, et tout ce qu'il fallait acheter au préalable au verso.

Adeline l'avait dit, elle s'organiserait comme il le fallait, et sans l'aide de ses parents. En revanche, elle n'était pas contre un coup de main pour faire les cartons. Une chose à la fois.

En ce jour ensoleillé, la jeune fille et ses parents se rendaient sur une aire commerciale très réputée, et très grande. Ils espéraient trouver tout ce dont elle avait besoin pour mener sa vie de grande fille. Quand elle serait dans sa chambre étudiante, elle devrait gérer ses repas, seule. A l'internat, ils étaient servis au self, mais le changement était un risque à prendre, et Adeline adorait l'aventure. Elle chercha tout d'abord de quoi cuisiner : plaque de cuisson, micro-ondes, poêles et casseroles, machine à café et four éventuels...

Depuis combien de temps n'avait-elle pas retrouvé ses parents pour faire du shopping ? C'était une activité qu'ils adoraient faire ensemble, avant leur déménagement. Et lorsqu'Adeline rentrait le week-end, ils optaient pour des passe-temps calmes et reposants, comme des jeux, des films ou des promenades. Ils avaient désormais deux mois entiers avec leur fille, mais celle-ci ne pensait qu'à sa future rentrée. Ils lui avaient pourtant dit qu'elle avait du temps devant elle, que rien ne pressait, qu'elle devrait profiter, mais elle n'écoutait déjà plus. Elle avait trop hâte pour patienter sagement. Si elle avait pu, elle aurait fait un voyage découverte dans la future ville de ses études, mais elle fut contrainte d'attendre son inscription sur les lieux.

Depuis qu'Adeline avait rempli sa chambre d'affaires scolaires et la cave de tout le nécessaire en ustensiles, elle se sentait plus sereine. Elle devait contenir son impatience jusqu'à l'inscription, et c'était une épreuve aussi douloureuse pour elle que pour ses parents. Ces derniers, la voyant aussi excitée à l'idée de partir, étaient fiers et inquiets à la fois. De toute manière, plus rien ne pouvait atténuer l'ardeur de la jeune fille.

Alors qu'Adeline ouvrait sa boîte mail, son avenir se concrétisa sous ses yeux ébahis. Enfin. Elle avait enfin reçu la date d'inscription officielle pour sa faculté. Malheureusement, ses parents n'étaient pas là lors de cette journée si importante ; son père devait se rendre à la réunion de l'année, et sa mère avait un rendez-vous chez un ostéopathe prévu depuis plusieurs mois et impossible à décaler. La future étudiante devait se repérer seule dans ces mystérieux lieux, mais cette aventure lui plaisait plus qu'elle ne le pensait. Evidemment, le campus prévoyait toujours quelques étudiants en retard parce qu'ils s'étaient perdus, même malgré les nombreuses cartes disposées un peu partout. Adeline n'était pas du tout inquiète, contrairement à ses parents. Après avoir déposé ses papiers d'inscription, elle décida de visiter la ville pendant une heure, le temps dont elle disposait avant de devoir prendre le train du retour.

Le paysage urbain dans lequel se retrouva la jeune fille était beaucoup trop étendu. Capitale renommée pour son côté culturel et imposant, mais également pour quelques quartiers desquels il valait mieux ne pas s'approcher. Adeline avait déjà prévu un carnet dans lequel elle avait mis en avant les différents lieux intéressants et nécessaires à sa survie. Les magasins de nourriture, de fournitures, les bibliothèques, les papeteries, etc... Elle avait également prévu une partie « Culturelle » où elle avait répertorié les musées, les parcs à visiter et même quelques bars. Tellement obnubilée par ce nouvel environnement, elle oublia de feuilleter ce fameux carnet, et laissa simplement ses yeux dériver sur la beauté du paysage urbain. Rapidement, il fut temps de rentrer à la maison, à contrecœur.

Adeline décida d'agrémenter ses vacances de lecture. De cette manière, le temps filerait certainement entre ses doigts. Du moins, elle l'espérait. Ne voulant pas lire une énième fois sa bibliothèque encore trop petite à ses yeux, elle fila en centre-ville, et passa tout un après-midi à se décider. Beaucoup de livres lui semblaient très intéressants, mais il y avait également de très jolis carnets, ou encore de nombreux manuels favorisant l'apprentissage d'une discipline ou d'une autre. Finalement, après avoir débattu seule avec son propre esprit, elle arriva à une conclusion digne d'un compromis équitable. Elle revint chez elle avec deux trilogies et un livre, un manuel dit « Tout sur les sciences au lycée », et un sublime petit carnet décoré avec harmonie. Elle ne savait pas encore à quoi lui servirait ce dernier, mais la solution se montrerait occasionnellement.

* * *

Lorsque le temps fut venu, toute la famille s'activa en collaboration incroyable et presque naturelle. Chacun avait été assigné à un rôle particulier et devait s'y conformer. Le père portait les cartons très lourds et les empilait de manière convenable dans le coffre de la voiture. La mère, elle, s'organisait pour sortir les affaires de la chambre et les amener jusqu'à la voiture à l'aide d'un diable trop vieux pour fonctionner correctement. Et enfin, la fille, tout autant excitée que nostalgique à l'idée de partir, exténuée par tous ses allers-retours, s'occupait de finir les cartons et de vérifier que rien n'avait été oublié pour une quelconque raison.

L'organisation se montra plus qu'efficace, et Adeline et ses parents furent prêts à partir plus tôt que prévu. L'heure du déménagement arriva enfin. Dans le modeste appartement, une chambre restait vide, sans animation, et sans luminosité. Pour l'instant, c'était comme l'année précédente, mais bien vite la mère se rendit compte que se vide ne ferait que s'intensifier, tant sa fille était loin et indépendante. A l'instant où le dernier carton fut déposé dans la voiture, celle-ci réclama au moins un coup de téléphone par week-end, et si possible un dans la semaine. Adeline rit, puis répondit innocemment qu'elle n'était même encore partie.

Le voyage sembla durer beaucoup plus longtemps dans cette petite voiture que dans le train, il y avait deux mois de cela. Pourtant, la détermination de la jeune fille n'avait pas flanché d'un pouce. Celle-ci eu la désagréable impression que la scène face à elle se jouait pour la dernière fois, et qu'elle n'était que comédie. Pourtant, ce n'était pas comme si elle partait pour toujours, elle savait qu'elle reverrait ces visages le plus souvent possible. Elle jouait la dure, mais au fond, tout le monde savait que ses parents finiraient par lui manquer, un jour ou l'autre.

La route fut agrémentée d'un fast-food, de musique et de quelques fou-rires, puis il fallut remettre en place la répartition des tâches une fois arrivés devant la résidence étudiante. Plantés tous les trois devant le bâtiment, aucun n'en croyait leurs yeux : c'était désormais là que résiderait Adeline, pour au moins trois années consécutives. Bientôt, la vie dont elle espérait tant commencerait, et elle comptait bien y mettre toute son âme.

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