1. Présentation

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– Faux ! répondit précipitamment le professeur enjoué devant l’étonnement général de l’auditorium. C’est totalement faux, continuait-il en prenant soin de laisser planer le suspense.

Tandis que Cynthia faisait ses ongles et que Jordan finissait sa barre de céréales les yeux rivés sur son mobile, le professeur prenait un malin plaisir à faire des allers-retours sur l’estrade en arborant ce sourire satisfait dont lui seul avait le secret. Quand le silence devint suffisamment gênant pour attirer même l’attention des plus dissipés, le professeur reprit la parole et revint sur la question initiale.

– Une plante est vivante, tout autant que vous et moi, seulement, elle, elle ne se demande pas comment elle va s’habiller le matin. Tous comme les cellules, les bactéries… Ce n’est certes pas la même manière de vivre que la nôtre, mais elle est non négligeable. Car, après tout, la vie existe uniquement grâce à des molécules parfaitement agencées et des phénomènes biochimiques équilibrés à merveille. En revanche, je vous l’accorde, les cailloux ne sont pas vivants.

Les rires qui s’élevaient suscitaient finalement l’attention générale des élèves présents. Plus aucun chuchotement ne se faisait entendre, et plus aucun œil ne louchait sur le voisin. Désormais, le professeur avait la capacité de convertir une centaine de gamins à sa passion première.

– Les plantes. Oui, les plantes. Elles naissent, grandissent, se reproduisent, s’adaptent à leur environnement et communiquent entre elles. Alors, dites-moi, si ce n’est pas une forme de vie, qu’est-ce ? Certaines plantes sont bien plus actives qu’un étudiant à la fac.

De nouveau, des rires se firent entendre. Cette fois-ci, le sourire visible sur le visage du professeur illustrait de la fierté. Tous ces petits yeux curieux plantés sur lui semblaient faire surgir de lointains souvenirs où il se trouvait à notre place, à l’époque où il découvrait sa future occupation. Et soudain, comme un élan de motivation sérieuse, il reprit son récit :

– L’homme n’aime pas lorsqu’il ne comprend pas. Il n’aime pas perdre le contrôle et se sentir inférieur. Il se place au sommet de la chaîne alimentaire, mais un requin blanc comme un cochon sont aptes à manger un être humain. D’ailleurs, l’homme doit redoubler de créativité pour se défendre et se nourrir, car ses capacités naturelles ne le lui permettent pas. La chaîne alimentaire devrait, tout compte fait, être un cercle.

« Cependant, l’homme se dit supérieur aux plantes. Un arbre, c’est facile à couper. Un fruit, c’est facile à attraper. Une fleur, c’est facile à cueillir. De plus, l’homme n’a rien à craindre d’une plante, il ne se fera pas manger, mais elle peut tout de même l’empoisonner avec facilité, certaines en sont même mortelles. C’est petit, mais coriace quand il s’agit de défense ! Si on regarde au niveau cellulaire, c’est en fait la cellule végétale qui est plus évoluée. Elle est plus complexe par son organisation et ses mécanismes.

« Rien que la photosynthèse, par exemple. Un métabolisme capable de maintenir en vie un organisme, du moment que celui-ci capte la lumière du soleil. C’est ce qu’essaie de reproduire l’homme dans les machines qu’il crée jour après jour. De l’énergie à l’infini. Même si le mécanisme a été compris après de nombreuses études, il n’est pas aisé à reproduire. En fait, l’homme est jaloux des plantes. D’ailleurs, un grand nombre de toxines végétales sont utilisées dans la médecine, substances que les laboratoires sont incapables de synthétiser.

« L’agencement moléculaire est très important pour une plante. Même si elle peut s’adapter à son environnement à sa manière, il lui manque parfois un peu de mobilité. C’est là qu’elles sont extraordinaires. Leurs mécanismes de défense et de métabolisme doivent être efficaces à 200%. La prochaine fois que vous verrez un chêne, demandez-vous comment peut-il être plus vieux que votre arrière-grand-mère, et pourtant au top de sa forme.

« Ma présentation est terminée, merci de votre attention. Si mon discours vous a inspirés, j’espère vous revoir en septembre. Bonne journée à tous.

Un sourire charmeur était à nouveau visible sur le visage du professeur. Il avait annoncé son nom au début du cours, mais personne n’avait écouté les cinq premières minutes. Néanmoins, les élèves qui descendaient les marches de l’amphithéâtre n’étaient pas mécontents de les avoir montées il y a une vingtaine de minutes. Même si la majorité de ces élèves de terminale n’envisageaient pas de continuer leurs études en biologie végétale, ils pouvaient au moins assurer qu’ils s’étaient divertis.

Tous, sauf Adeline, qui s’était retrouvée là par hasard. Elle qui, depuis la cinquième, se passionnait pour la littérature, n’était plus aussi sûre d’elle à cet instant. Ce changement d’idée n’avait pas été uniquement provoqué par le charme incontestable du professeur, mais surtout à sa passion inébranlable pour ce sujet. Il semblait en parler comme s’il en connaissait le moindre détail, tout en souhaitant en apprendre davantage. On pouvait presque voir les plantes briller dans ses yeux vert sapin.

Adeline avait toujours aimé les plantes, elle aussi, mais elle n’avait jamais pensé une seule seconde qu’elles pouvaient se révéler si fascinantes. Dans sa chambre, à l’internat du lycée, elle prenait soin de son petit jardin. On y trouvait deux petits cactus, et trois jolies roses en pot. Plus précisément, le rebord de la fenêtre abritait une Escontria chiotilla et une Opuntia ovata, deux genres de cactus différents, et un pot contenant un bouquet de Rosa gallica, Rosa acicularis et Rosa chinensis. Mais ça, Adeline ne le savait pas avant ce jour. De retour chez elle, à la suite d’un long voyage en car peu confortable, elle ne prit même pas le temps d’enlever ses chaussures et commença immédiatement ses recherches sur ses plantes personnelles. Elle voulait connaître leurs noms.

Elle eut comme une vision, ou bien une lueur d’espoir. Allongée sur son lit, la jeune littéraire devint scientifique à la recherche des caractéristiques et spécificités d’une plante nouvellement découverte. Et ce rôle semblait énormément lui plaire, car elle s’endormit peu de temps après, un large sourire aux lèvres.

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