28

3 minutes de lecture

48 heures plus tard, les forces gouvernementales faisaient une descente à l’hôpital de Zuydcoote.

On dit que Luc s’est emparé de l’arme d’un soldat et en a tué plusieurs avant de tomber sous leurs balles. C’est peut-être la vérité. C’est peut-être juste une histoire. De celles qu'on raconte aux veuves et aux mères éplorées pour leur faire croire que celui qu’elles chérissaient est mort en héro. Comme si cela pouvait changer quelque chose à leur peine.

Maxime est revenu me chercher. Je ne pouvais pas rester à l’hôpital de Berck. Ce n’était qu’une question de temps : l’armée allait débarquer.

Alex n’a pas voulu venir avec nous. Je soigne des êtres humains, je ne fais pas la guerre. Mais la guerre l'a rattrapée. Elle a été emprisonnée et est restée incarcérée jusqu’à la libération.

J’ai repris le combat.

J'ai encore tué des gens et, indirectement, je suis responsable de la mort de dizaines d'autres. Comme je suis dans le camp des vainqueurs, on ne m'en tiendra pas rigueur. On ne juge que les vaincus. J'ai reçu une médaille et la reconnaissance du nouveau Président pour solde de tout compte.

Ironie de l’histoire, c’est un bataillon allemand qui est entré en libérateur dans Paris. Mais les Russes étaient déjà rentrés chez eux, abandonnant les pantins qu’ils avaient porté au pouvoir et tous ceux qui croyaient au monde nouveau pour lequel ils se battaient. Il n’y eu quasiment pas de combat. Le régime s’écroulait de lui-même, nous avions fait tout le boulot.

Comme beaucoup de résistants, j’ai intégré la police nationale : il fallait remplacer les morts, les déserteurs et les traitres. J'ai le grade de lieutenant. Sans avoir le bac, ce n’est pas mal. Il a juste fallu que je passe le permis de conduire...

Papy et Mamies sont rentrés en France sain et sauf. Lucas s'est installé chez eux. C'est compliqué avec papa. Il lui en veut de nous avoir abandonné pour une cause qui nous dépassait. Il m'en veut aussi, mais moins. Il me parle encore.

-Tu es le portrait craché de maman... C'est dommage que tu ressembles autant à papa.

Je prends ça pour un compliment.

 Il s’investit corps et âme dans la recherche de la dépouille de maman. Quand il l'aura retrouvée il retrouvera un peu de paix intérieure et tout ira mieux... Peut-être.

 Camille est restée en Espagne où elle a passé le bac... Elle poursuit des études de médecine.

Elle ne pourra pas sauver toutes les mamans du monde, mais elle fera de son mieux

Maxime a été élu député dans la nouvelle assemblée. Les choses n'ont pas beaucoup changé : il n'y a que 30 % de femmes dans cette assemblée.

Notre fille va naitre dans trois mois. Max pense que c’est un garçon, mais il se trompe. Elle s’appellera Sylvie. C’est vieillot et démodé, mais c’était le nom de sa grand-mère.

Pasquier est mort pendant la guerre. Rattrapé lors de la chasse à l’homme déclenchée à la suite de l’opération Elysée, il a été emprisonné. On dit qu’il est mort sous la torture sans avoir donné son réseau. La rue ou nous habitions porte son nom.

Les historiens, journalistes, chroniqueurs et tous ceux qui ont un avis à donner, semblent être tombés d’accord sur le terme de “Grande déchirure” pour qualifier ces trois ans de notre vie. 

Même si l’histoire officielle majore le rôle des Russes et voudrait les faire passer pour seuls responsables, réduisant les gilets jaunes à de simples victimes d’une manipulation étrangère il nous faudra bien du talent pour reconstruire l’unité nationale.

Nous y arriverons, pour nos enfants.

Papa, je ne l’'ai revu qu'à la fin de la guerre. Lui aussi a combattu dans la résistance...

Souvent, je m'en suis douté. Je pensais reconnaître sa prose dans des notes ou des journaux clandestins.

Mais pendant tout ce temps, j'ai fait comme s'il était mort.

Je ne l'ai pas reconnu. Il ne m'a pas reconnue non plus. Il a fallu attendre que le hall de l’aérogare se vide pour nous retrouver.

Il avait beaucoup vieilli. Moi aussi sans doute.

Il m'a serrée dans ses bras. Il a juste murmuré un mot. À peine audible. Mais je l'ai bien entendu : Je t'aime.

Je n'avais pas pleuré depuis si longtemps...

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Khia ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0