Chapitre 9

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C'est en voyant un de ses livres dans la vitrine brisée d'une librairie que j’ai pensé à lui.

  • Il s'appelle Gérard Pasquier...

Il était journaliste, avant. Il a même présenté le journal régional à une époque.

Il habitait dans la même rue que nous.

Au collège, il était venu nous faire une conférence sur la liberté de la presse. J'étais dans la même classe que son fils en troisième...

S'il n'a pas changé, il est forcément dan le même camps que nous.

Il a perdu son fils et sa femme dans un accident de voiture l'année d’après.

Il était revenu au lycée faire une conférence sur la sécurité routière... Ça avait vite tourné a l'importance de la démocratie ! Pour lui, le feu rouge était le symbole de la démocratie : une interdiction que tout le monde respecte pour le bien de tous, pas simplement par peur du gendarme mais par respect de la Démocratie.

Si il y a quelqu'un qui est entré en résistance c'est lui, j'en suis sûre !

Ça ne coûte rien de le rencontrer. Sans se dévoiler. J'ai plein de raison de vouloir juste lui parler : la mort de maman... et tout ça...

  • Pour un plan foireux, c'est un plan foireux !...On sait même pas s'il est encore vivant…
  • Mais on peut pas continuer à tourner en ville en espérant qu'on nous tape sur l'épaule en nous disant : si vous cherchez la résistance, j'ai une adresse !...
  • Si j'avais un ordinateur, il y a longtemps que j'aurais trouvé un contact !

Mais, nous n'avons pas d'ordinateur alors, nous avons récupéré la voiture que nous avions cachée loin du quartier et nous retournons chez moi....

Nous passons devant la maison sans nous arrêter. Elle a brûlé... Entièrement. Le toit s’est écroulé. Peut être le premier jour, peut être plus tard. C'est la seule maison de la rue qui ait brûlé.

Sur le mur, écrit à la bombe jaune fluo : « FLIC LARBIN DU POUVOIR »

« Des gens peuvent vous en vouloir simplement parce ce que ton père est flic. »

Pasquier habite quatre maisons plus loin. Nous continuons sans ralentir. Les volets sont ouverts.

Nous décidons d'attendre que la nuit tombe.

Il est 22 heures quand nous revenons à pieds.

Les volets sont fermés. Il n'y a pas de voiture devant. Mais il y a un garage. Elle est peut être dedans.

Je sonne. Pas de réponse. Peut être la sonnette ne fonctionne-t- elle pas …

Le portillon est ouvert. Je remonte l'allée. J' écoute un moment avant de frapper à la porte. Un gros chat blanc sort par la chatière et part en courant. J' étouffe un cri. Pas de réponse.

Il est là. J’en suis sûre.

    « Je suis Léa. J'étais dans la même classe de troisième qu'Antoine en 2015.

    Je crois, comme vous, que quand elle est en danger, la démocratie doit devenir enragée.

    J'habitais au n°04.

    La maison a brûlé mais je vous y attendrais toute la nuit et celles d’après.

                           LÉA »

Je glisse le papier sous la porte.

Nous retournons à la voiture. Je prends la vielle couverture. Maxime veut m'accompagner. Je refuse.

  • Et si les voisins appellent la police, et si une patrouille passe ?
  • J'ai pas cassé la gueule à un gendarme, moi ! Je suis juste une gamine qui a fugué de chez ses grand parents et qui est revenue chez elle....

Au pire ils me ramènent chez eux !

Je rentre une chaise de jardin et je m'installe aux milieux des gravats, dans ce qui était ma chambre.

Tout a brûlé. Le ciel étoilé me sert de toit. J'ai froid. Je crois que les murs se souviennent, et si je me concentrais je pourrais les entendre qui me chuchotent leurs souvenirs.

Je pense à maman. Elle est morte. Je le sais. Peut être de son cancer. Peut être dans l’incendie de l’hôpital. Peut être que l’infirmière a eu pitié d'elle et qu'elle lui a injecté une surdose de morphine juste après qu'on soit partis...

  • Tu es morte ?
  • Oui,
  • Comment ?
  • Je ne sais pas, je suis morte c'est tout.
  • Papa n'est pas avec toi ?
  • Non.
  • Alors il est toujours vivant ?
  • Oui, sans doute...

Un bruit interrompt mon dialogue imaginaire et maman disparaît.

Je n'ai pas attendu toute la nuit. Il est là. Ou quelqu'un d'autre...

Une ombre s'approche. Allume une torche.

Je me lève.

De sa lampe de poche l'ombre m'éclaire de haut en bas puis de bas en haut. Se fixe sur mon visage pour m'aveugler. Je mets le bras devant mes yeux pour me protéger. Je ne vois rien.

  • Je suis Léa...
  • Je sais, je t'ai reconnue. C'est dangereux ce que tu fais. Tu ne sais pas dans quel camps je suis...

Je reconnais sa voix. C'est bien lui !

  • Vous non plus.
  • Tu as un téléphone ?
  • Non, papa m'a conseillé de m'en débarrasser dés le début et je l'ai fait...
  • C'est bien . Où est ton père ?
  • Je ne sais pas.
  • Il était flic ?
  • Oui
  • Beaucoup de flics ont fait allégeance nouveau pouvoir...
  • Pas lui !
  • Et ta mère ?
  • Elle est morte.
  • Elle était très malade.
  • Ça arrive aussi aux gens en bonne santé.

Je vais te donner un téléphone. Si on a besoin de toi on te contactera. Si tu ne répond pas, on rappellera un quart d'heure après. Si tu ne répond pas il ne sonnera plus jamais.

  • Quand ?...

Je ne sais pas. Dans trois jours, dans 6 mois. Ne t'en sépare jamais. Veille à ce qu'il soit toujours chargé. Reste en zone couverte par le réseau. Ne contacte personne avec. Adieu.

Il éteint la lampe et il disparaît sans rien ajouter. Je suis aveugle.

Je laisse mes yeux se réhabituer à l'obscurité.

C'est mon premier entretient d'embauche ! On vous rappellera...

Le téléphone est posé sur la boite à lettres, je le prends.

Max me rejoint. Il ne m'a pas écoutée et s'est caché dans le jardin, il a tout entendu.

Nous rejoignons la voiture.

Sur la route, je pense à Mistral, mon chat, il n’était pas là… Il a peut être trouvé une autre maison…

J’ai les larmes aux yeux et je m’en veux d’avoir envie de pleurer en pensant à lui alors que je ne pleure pas en pensant à maman et à papa.

C’est bizarre les émotions...

Ou c’est moi qui suis bizarre...

Je me sens perdue.

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