chapitre 4

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Et maman…

- Elle est toujours à l'hôpital…

- Il faut aller la chercher.

- Elle est peux être mieux là bas.

- On sait même pas où c'est.

- Chambre 106. Je m'en souviens. On a pris un fou rire, la dernière fois, parce que ça faisait "saucisse".

Oui, on avait bien ri. C'était nerveux, mais on avait bien ri. Mais je me souvenais aussi du service : Les soins palliatifs.

J'ai essayé de lui expliquer que parfois, dans les hôpitaux, on ne soignait pas les malades.

Il a pleuré, ma donné un coup de pied dans le tibia en me traitant de menteuse. Je lui ai expliqué que je ne mentais pas mais que je pouvais me tromper.

On est resté sur ce compromis.

Il a encore pleuré un peu, puis il s'est redressé en se mouchant dans sa manche.

- On va chercher maman!

Ce n'était pas une question.

J'ai pris la voie rapide parce que c'est fléché jusqu'à l'hôpital. Il y a des carcasses de voitures partout. On passe quand même. Parfois ça frotte un peu.

- Tu vas te faire engueuler par papa si tu abîmes la voiture.

- Je dirais que c'est à cause de toi.

Et puis au niveau de l'échangeur ça ne passe plus.

L'hôpital est tout proche. On voit le bâtiment. Au moins il n'a pas brûlé. Nous n’irons pas plus loin en voiture.

J'hésite à l'abandonner. Finalement, je recule de 200 mètres. J'ai peur de rester bloqué si d'autres voitures arrivent. On démonte une roue qu'on va cacher sur le bas côté.

Si quelqu'un a besoin d'une bagnole, il en prendra une autre !

Il n'y a personne dans les voitures. Les gens ont fuit et les ont abandonnées sur place.

Sur le rond point, il y a une voiture brûlée. Il y a un cadavre carbonisé au volant.

J’entraîne Camille et Lucas, les arrachant au spectacle morbide.

L'hôpital, enfin.

La foule. Tous les gens que nous n'avons pas croisés semblent être ici.

Il y a comme une lamentation continue ...

Des militaires tentent d'organiser une file d'attente sur le parking.

Éviter les Urgences.

L'entrée principale est dans le même état.

On tente le parking souterrain. Il doit bien y avoir un accès au bâtiment...

- Je peux vous aider ?

Nous avons sursauté tous les trois. Lucas à crié.

- Pardon, je ne voulais pas voulait pas vous faire peur.

Elle a une blouse blanche. Elle regarde la cigarette sur laquelle elle tire nerveusement. Quand le filtre s'enflamme, elle la jette.

- C’était ma dernière.

Vous êtes blessés ? Il faut attendre sur le parking.

- Non, on vient chercher maman !

- Quand est ce qu'elle est arrivée ?

Je lui explique.

Elle nous regarde en silence un long moment.

Venez, je vais essayer de vous faire passer.

-Taisez vous et suivez moi.»

Il y a des gens partout, couchés, assit. Morts, vivants ? C'est un bordel absolu. Personne ne fait attention à nous. Il suffit de faire attention à ne pas marcher sur quelqu'un.

Par l'escalier.

Sixième étage, je m'en souviens. Ici c'est calme. Jusqu’à quand ?

Chambre 106...

Maman est là. Elle est inconsciente. Ou elle dort. En la voyant je comprends qu'elle ne repartira pas avec nous. Je regarde l'infirmière, ou le docteur ou la femme de ménage, je sais pas, dans un hôpital, tout le monde a une blouse blanche !

Elle me regarde.

- Je vais lui faire sa piqûre. C'est pour ne pas qu'elle souffre.

Elle parle à Lucas.

- Tu sais pourquoi elle est ici ?

Elle a fait la piqûre ; Le visage de maman semble se détendre mais elle ne se réveille pas.

Lucas s'est assit sur le lit et lui a pris la main.

L’infirmière, j'ai décidé que c'était une infirmière, me regarde en sortant, m'invitant à la suivre d'un clin d’œil discret.

Dans le couloir elle sort son paquet de cigarettes vide. Elle le regarde un moment puis le froisse et le jette par terre.

- Je m'occuperais d'elle, je te le promet, mais elle ne peut pas partir .

Elle s'approche de la baie vitrée.

On voit la ville.

Qui brûle...

Et la banlieue d’où nous venons.

Des dizaines de colonnes de fumées qui se rejoignent en un nuage qui cache le soleil.

- Qu'est ce qu'il se passe ?

- L'armée s'en est mêlée. Elle a pris le partis des gilets jaunes. Ou elle a profité du bordel pour prendre le pouvoir. Y'a eu des bombardements dans certaines villes. Le président se cache. Ou est mort. Ou en fuite. Ça dépend des sources. C'est la guerre. »

Elle désigne les colonnes de fumée une à une.

- Là bas, c'est l’hôpital sud, là bas la mairie, Là, la mairie annexe. Celle-là, c'est le commissariat central. Le commissariat nord, le commissariat ouest...

- Papa était policier.

- Était ? Il est mort ?

- Non, mais je ne sais pas s' il est toujours policier. La police est dans quel camps ?

- Je ne sais pas... Il y avait deux policiers qui gardaient un prisonnier au troisième quand ça a éclaté. Ils se cachent dans les vestiaires. Tu veux aller les voir ?

Elle n'attend pas ma réponse.

- C'est au troisième. Avec ça tu pourras entrer.

Elle me tend son badge.

- Met ça.

Elle me tend sa blouse. Sur la gauche en sortant. Y'a écrit interdit au public. Tu frappe trois coups, Ils t'ouvriront. Je vais parler à ton frère si tu veux en attendant. Elle me passe la main dans les cheveux et elle rentre dans la chambre. J'y vais ; Je sais bien que ce n'est pas papa qui se cache au troisième. En fait je n'en sais rien ; Peut être que si...

je reprends l'escalier. Troisième : le badge fonctionne.

Je frappe. Pas de réponse. La porte est verrouillée. J'essaye le badge. Ça ouvre.

Il n'y a personne. Ils sont partis. Mais ils étaient là. Ils ont tout abandonné : leurs uniformes, leurs chaussures, mêmes leurs armes et leurs papiers. Ils tiennent vraiment à passer inaperçu. Ils ont forcé les vestiaires pour trouver des vêtements civils.

« Des gens pourraient t'en vouloir simplement parce ce que ton père est flic. »

Je renifle les vestes d'uniforme comme si je pouvais y déceler une odeur familière. Mais non.

Il y a une carte de police. Ce n'est pas celle de papa.

Il y a un paquet de cigarettes entamé, aussi.

Quand je remonte, l'infirmière est dans le couloir devant la chambre avec Lucas et Camille.

- Maman s'est réveillée. Elle a dis que papa a raison. On reviendra quand ce sera plus calme. .

Je rentre dans la chambre. Elle dors. Elle a le visage détendu. On dirait qu'elle sourit.

Malgrés des mois de chimio, elle n'a pas perdu ses longs cheveux et quand je la regarde j'ai l'impression de me voir dans un miroir... avec mille ans de plus...

Je lui caresse la joue et je l'embrasse sur le front .

- Je t'aime .

Elle ne se réveille pas.

Je ressors.

-Les policiers sont partis ils ont laissé ça. C'est pour vous.

Je lui tends le paquet de cigarettes.

-Merci.

Elle sourit comme une petite fille devant le cadeau de Noël qu'elle attendait.

Elle reprend son badge, et sa blouse.

-Allez y, je prendrais soin d'elle, c'est promis.

Soyez prudents.

-Vous aussi.

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