Chapitre 2

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 La cantine… C'est là que tout a commencé.

Camille y est peut être retournée. Au pire il y aura peut être mon sac. Il faut bien commencer par quelque part.

La salle est vide. L'odeur de bouffe froide me rappelle que je n'ai pas mangé. Il y a un sac abandonné. Pas le mien. Je le prends et je le retourne. Une fois vide je le remplis de pain et de clémentines. C'est tout ce qu'il y a de transportable.

 Je reviens en salle de sciences. La porte est fermée de l'intérieur. Je le savais. Tout à l'heure, quand je suis sortie quelqu'un s'était précipité pour refermer derrière moi. Je toque.

 « C'est moi, Léa. C'est calme, vous pouvez sortir. »

 Personne ne répond. C'était les consignes , en cas d'attaque terroriste : confinement, se cacher et faire les morts. De toute façon, mon sac n’est pas là, Camille non plus.

 Mille élèves et j'ai la sensation d'être seule. Tout le monde se terre ou a fui. Les grilles sont fermées. Mais sortir du lycée en douce n'a jamais été un problème. Je fais les étages. Toujours le même cirque. Des salles ouvertes mais vides ou des salles fermées et personne qui ne répond. Si Camille est dans une salle, je suis mal barrée.

 Le téléphone…Toujours hs… Derrière les toilettes de la cours. C'est l'endroit où le téléphone passait le mieux quand tout était normal… il y a deux heures…une éternité.

 Il faut que j'y aille.

 Camille est là! Assise par terre. Elle se balance d'avant en arrière en serrant son sac. Non, pas son sac, le mien!
- Je t'ai cherchée. J'ai trouvé ton sac. »

 Elle a la voix blanche et sans expression. Je m' m'asssieds à coté d'elle et je passe mon bras sur ses épaules. Elle se met à pleurer.

 - Il faut qu'on rentre à la maison. »

 - J'ai reçu un message de papa.Il faut récupérer Lucas au collège et aller chez papy et mamie. Il a laissé la voiture sur le parking du centre commercial. Et les clés sont dans mon sac. »

 Elle se lève.

 - On y va alors. »

 Elle n'a pas posé de question. J'aurais pu lui dire qu'on allait sur la lune, elle m'aurait suivi.

 Partir d'ici, c'est tout.

 Il faut sortir du lycée.

On peut passer par la "sortie de secours". C'est un trou dans le grillage, derrière le stade. Il a sauvé la mise à bien des lycéens arrivés après la cloche. Ou à ceux qui voulaient sortir avant la cloche. Mais il faut repasser par le gymnase et les deux abrutis qui montent la garde.

 Et le pendu.

 On peut passer par la porte principale. Où la tête du proviseur monte la garde. Il posera moins de questions...

 Mais il faut la clé.

 - On doit pouvoir trouver la clé à la vie scolaire…

 Va pour la porte principale.

 Dans le bureau de la vie scolaire il y a Géraldine. C'est une des pionnes. Elle est assise derrière le bureau. Les mains bien à plat sur le bureau. Les doigts écartés Comme si elle faisait sécher le vernis de ses ongles.

 - On voudrait sortir…

 - Ils ont pendu Hakim.

 C'est lui qui se balance sous les poteaux de rugby. C'est un pion comme Géraldine. Elle en pinçait pour lui.

 - Il a essayé de les raisonner mais ils l'ont pendu. Ils ont pendu Hakim. Ils ont pendu Hakim.  

 La télé est allumée mais il n'y a qu'un point blanc qui clignote au milieu de l'écran.

 Il y a le téléphone sur le bureau.

 - Je peux téléphoner ?

 - Ils ont pendu Hakim

 Je prends le combiné. Rien. Le fixe ne fonctionne pas non plus.

 - Il faut qu'on sorte…

 - Ils ont pendu Hakim.

 Il y a le râtelier ou sont accrochées les clefs derrière elle. Je fais le tour du bureau et je me sers.

 Il y a un groupe d' élèves dans le hall. Ils commencent à quitter l'abri des classes. Je serre la clé dans mon poing et je me dirige vers le portail. Camille me suit. Le groupe aussi. Du haut de la grille le proviseur semble nous suivre du regard. Je regarde mes pieds. Dans le groupe derrière nous, une fille se met à hurler. Puis deux. Puis des garçons. Certains repartent en courant vers le bâtiment. D'autres restent sur place tétanisés par la peur. D'autres encore continuent à nous suivre quand j'avance. Toujours en regardant mes pieds. Camille à posé sa main sur mon épaule. Elle doit regarder ses pieds aussi. En approchant je vois que le penne de la serrure n'est pas enclenché.

 Le portail n'est pas verrouillé.

 Pas besoin de cette putain de clé. Je l'ouvre en grand. Ceux qui suivaient nous bousculent et partent en courant vers le parking des bus. Un réflexe… sur le parking, la carcasse d'un bus calciné...  

 Le centre commercial est de l'autre côté. Il faut traverser la rue. Le magasin brûle toujours. Il n'y a pas trace des pompiers. Sur le parking, des voitures brûlées, aussi. Pas toutes. Je ne vois pas la notre. Elles n'ont pas toutes brûlées mais il n'y en a pas une intacte. Les vitres cassées. Les pneus crevés.

 La notre est là. Un peu à l'écart. Trois pneus crevés.

"Ça fait trente ans que je conduis et je n'ai jamais crevé. Normalement tu ne devrais pas crever mais je vais quand même t'apprendre à changer une roue. Ta mère crève une fois par an !"

Ok, je sais changer une roue. Mais là, y'en a trois de nazes. Et une seule roue de secours. Il faut en trouver deux autres. Ça doit être possible de trouver deux roues intactes sur les bagnoles du parking.

 Compatibles avec la notre?

 Les vitres sont cassées. L'intérieur a été fouillé. Il y a un tube de Doliprane sur le siège. Je l'ouvre. Sous deux comprimés il y a des billets roulés. Je compte pas. Je mets le tube dans le sac.

 D'abord la roue de secours. Et deux autres. Pas si simple de trouver deux roues à quatre écrous compatibles.

 On y est arrivé.

 Il n'y a personne sur le parking à part nous. Des colonnes de fumée montent du centre ville. Du centre ville et d'un peu partout aux alentours. Chaque village semble avoir son incendie. Et pas de pompier. Pas de gendarme. Et ce silence. Non, pas du silence... Juste un bruit différent de d'habitude... Un murmure...

 Comment, ce qui n'était, il y a trois mois, qu'un mouvement social de protestation contre la hausse du prix de l'essence a-t-il pu se transformer en… En quoi d'ailleurs ? Une guerre civile ? Je ne sais pas comment les historiens appelleront cette période de notre histoire....

 Pour moi, c'était l'année du bac. Mais je doute que le calme soit revenu d'ici juin…

 Quelque chose a explosé dans l'incendie du centre commercial…

 Lucas.

 Il faut aller chercher Lucas.

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