IV - Premiers doutes (4)

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 Stylos, gomme, crayons. La panique me gagne.

Je fonce en direction de ce sac et tombe à genoux en le voyant. Effleurant le tissu, les images défilent dans ma tête. Elsa fonce à mes côtés, les gens de notre classe se regroupent. Barbara et Géraldine arrivent de l’extérieur.

Ma peur gagne en intensité, progressivement, l’horreur continue son bout de chemin. Un bruit nous interpelle et on voit une forme violette descendre à toute vitesse. Roulant et sur le ventre. Elle finit sa course au sol.

Quelques petits rires sont entendus et des chuchotements. La classe entière s’avance vers la chose tombée après le sac, même si je sais au fond de moi ce qui s’est passé. Agenouillé face à elle, je lui pose ma main dessus et les élèves m’aident à la retourner.

Je bascule dans l’obscurité la plus profonde, ça y est, elle est partie. Comment pourrait-elle survivre à une pareille chute ? La colère envahit mon âme et je sens la peine faire aussi son chemin. Ma voix résonne à en faire trembler les murs, mais je m’en cogne. Ils me l’ont prise, cette seule étincelle de bonheur qui était arrivée dans ma vie.

 « QUI A OSÉ FAIRE CA ! Criais-je des larmes dans la voix

  • Calme toi Ben ! Emmène là à l’infirmerie » me dit Elsa.
  • NON ! Je vais déjà régler mes comptes. C’est toi n’est-ce pas ? Avoue que c’est un de tes putains de tours, sale garce » fis-je furieux en désignant Barbara et sa comparse venue d’on ne sait où.
  • Moi ? Oh ! Mais je suis ce qu’il y a de plus innocent. Ce n’est pas ma faute si ta « copine » ne sait pas marcher droit.

La rage m’envahit et je me lève d’un bond me frottant à l’Altesse Glaciale. Elle va sentir mes poings la traverser, mais pas qu’imagé cette fois. Je vais vraiment l’atomiser une bonne fois pour toutes. Mon coeur se brise en voyant Elsa et Mathilde soulever Mélanie. Je n’ai pas envie de la laisser seule.

Je pars avec les filles mais Barbara, nous n’avons pas terminé notre conversation. Mais qu’est-ce qui a bien pu se passer ? Et pourquoi je l’ai laissée seule pour aller chercher mon putain de fantôme, cette sœur inexistante qui me torture l’esprit.

 Mon appétit définitivement enterré, je traîne des pieds dans la cour, les autres élèves sont choqués en nous voyant. Mon inquiétude augmente car elle ne se réveille pas, ne marmonne rien. Mathilde a de la force pour soutenir quasiment à elle seule Mélanie.

Elsa nous conduit à l’infirmerie, un grand bâtiment blanc, il n y a que ça ici. Nous pouvons y voir à l’intérieur, l’infirmière, Madame L. Dangern. Celle-ci est assortie au bâtiment avec sa blouse albâtre et son pantalon blanc. Le noir ne se retrouve que dans ses cheveux bouclés, ses yeux et ses bottes. Elle a l’âge de ma mère, à peu près.

« Bonjour madame Dangern » commence Elsa

  • Oh ! Bonjour Elsa, bonjour jeunes gens » répond la soignante en se tournant vers nous.

Je vois son regard illuminé disparaître, faîtes qu’il ne soit pas trop tard. Le destin ne peut pas mettre sur ma route, mon ange gardien et me le retirer aussi vite. Il m’a bien enlevé ma sœur, donc il en est capable. Madame Dangern referme la porte, histoire d’avoir plus d’intimité.

« Placez là sur le lit. Je vais l’examiner ».

Elsa ouvre la porte et sort de l’infirmerie. Je ne comprends pas sa réaction, Mathilde et moi nous installons Mélanie sur le lit pour qu’elle ait son confort. La femme se lève de son siège et s’avance vers l'inconscience. Elle nous demande d’attendre à l’extérieur, c’est ce qu’on fait.

« Bah alors Elsa, tu t’enfuis comme ça sans prévenir ?

  • Désolée ! Je n’aime pas trop l’infirmerie, tout est blanc, ça me rend malade. Et ne parlons même pas des hôpitaux.
  • Je comprends ta réaction. Après l’accident, c’était comme ça pour nous aussi. Me confiais-je involontairement.
  • L’accident ? » répète Elsa incrédule.

 Zut ! J’ai totalement oublié de me taire, personne n’est au courant de mon secret. A part le directeur, ma famille et le saboteur. Mathilde à côté est perdue, il va falloir que je trouve une astuce pour ne pas en dévoiler autant.

« Bah en fait quand j’avais six ans, j’ai foncé dans une vitre et ça explique pourquoi cette cicatrice me défigure » expliquais-je tout sourire

— Elle a l’air pourtant assez récente » me coupe Mathilde.

Merde ! Pourquoi elle s’en mêle, elle. Changeant de sujet, je parviens à discuter un peu avec la nouvelle et lui propose de revenir à l’intérieur. Quelles autres surprises réservent ce pensionnat. Je me demande aussi si Damien et Léo ont remis le couvert.

« Sinon c’est bien toi qui est arrivée en retard avec Léo et une autre fille ?

— Mais vous allez tous vous y mettre, en fait ? Ouais c’est moi. Mathilde Dreford enchantée, alias la Fille Tête en l’Air.

— Haha ! Salut ! Benoît Péruwelz, alias Ben, alias moi-même.

— Oh ! Joli ! Pas de petit surnom ?

— Pas encore, mais ça ne saurait tarder. Bon ! Vous venez les filles ? » conclus-je

— Partez devant. Je vais rester au cas où Madame Dangern me prévienne du réveil de Mélanie. Et allez manger aussi, le réfectoire risque de fermer avec tous ces imprévus » nous conseille Elsa.

— Oui chef ! » répliquais-je imitant un soldat.

 Je pars en riant avec Mathilde, mon analyseur personnel est de sortie. Il est prêt à étudier ce nouvel individu. Alors que nous marchions en discutant, mon regard en profite pour collecter toutes les informations nécessaires à connaître sur Mathilde Dreford.

Il faut croire qu’il y a un terminal informatique greffé dans mon cerveau, saturé de dossiers sur mes fréquentations. Ça en devient presque flippant. Est-ce légal ?

Mes yeux ont du mal à suivre son regard puisqu’elle est plus grande de dix centimètres, je dirais qu'elle a dix-sept ans. Son visage est celui d’une princesse des océans, sa peau blanche s’assortit à la beauté de son regard. Transperçant, deux yeux bleus semblables à des aigues-marines.

Ses cheveux longs et ondulés caressent ses joues, ils descendent jusqu’à sa taille. De couleur châtain clair, ils sont doux et poétiques quand le vent les envoie frapper ses pommettes.

 Habillée d’une veste ouverte en daim bleue marine, un t-shirt noir uni et fin, un jean gris foncé et des converses de la couleur de sa veste.

En accessoires, j’observe un pendentif doré qui suspend un coquillage noir, orné d’une perle bleue ciel en son centre. J’y vois deux initiales rouges gravées : M et L, étrange, peut-être son deuxième prénom.

Au poignet droit, elle a un bracelet violet composé de fils qui tiennent trois diamants pyramidaux, d’autres cordons mauves pâles et gris forment aussi une étoile.

La beauté des habits des pensionnaires est toujours aussi remarquable. Mathilde sait se mettre en valeur sans paraître superficielle, comparé à une certaine personne que je ne citerais pas.

L’élément qu’elle représente se comprend rien qu’en voyant ses oreilles, des boucles en forme de goutte d’eau d’un bleu pâle s’y trouvent.

« Et donc tu es arrivée quand très exactement ? » lui demandais-je

  • Bah tu es bête ou quoi ? Ce matin, en retard. Tu n’as rien écouté de ce que j’ai raconté ou quoi ?
  • Ah mais oui. Désolé ! Je pense à plein de trucs en ce moment.
  • Tu t’inquiètes pour ton amie ? Ne t’en fais pas, Mélanie va s’en sortir. Le destin n’est pas aussi brusque pour une rentrée.
  • Oh non ! Tu ne commences pas avec tes histoires de destin, il y a déjà Damien pour ça.
  • Hein ? Quoi ? »

 Nous venions d’arriver dans le bâtiment, la scène de crime si je puis dire. J’avance jusqu’à ma précédente position et n’en croit pas mes yeux, ils ont bien remis le couvert les petits cochons. Mathilde a la bouche ouverte en voyant ce spectacle. Les cris de Léo transcendent le ciel, et ils ne sont pas de plaisir.

« Alors, tu aimes ça hein. Le round 2, je vais t’immobiliser jusqu’à ce que tu acceptes de m’écouter.

« T’es un grand malade toi. TU VAS ME LÂCHER TOUT DE SUITE. Ah ! Salut mec, elle va bien ta copine ? » me dit Léo en me regardant.

Un sourire faux se dessine sur mon visage, à ton avis imbécile ? Elle a dévalé au moins vingt-quatre marches de l’escalier, si ce n’est plus, car je ne sais pas à quel étage, elle se trouvait. Son sac s’est éparpillé entièrement, d’ailleurs, personne n’a eu la gentillesse de ramasser ses affaires. Quelle bande de cons. Aussi pathétiques que l’autre pouffiasse, si je la retrouve, je l’exécute.

« Ouais ! Elle a fait un vol plané d’un escalier d’une vingtaine de marches, voire plus, son sac s’est renversé et PERSONNE n’a osé ramasser par dignité ses affaires. Elle se trouve inconsciente sur un lit de l’infirmerie, entre la vie et la mort probablement. Et toi avec ton taré affalé sur toi, tu oses me demander comment elle va ? »

Les élèves me regardent sans mot, je sais que Léo n’a rien fait, mais là j’en peux plus. Cette journée est un vrai cauchemar, on dirait que Dieu joue avec mes nerfs, tantôt il met de la joie : l’arrivée de Mélanie dans ma vie ou l’accueil musical des professeurs. Puis TADAM, ça vire au drame, au chaos, au sanguinolent : retour d’une sœur qui est apparemment morte, chute de Mélanie.

« Ben ! » crie Mathilde en me voyant quitter le bâtiment

Elle court derrière moi me demandant de me calmer, que Léo est innocent dans cette histoire. Je m’arrête sur les marches dans la cour, et m’assois désespéré. Me prenant la tête dans mes mains, Monsieur Morris et Madame Cresson surgissent, je les vois avancer au ralenti et se stopper devant nous.

« Calme toi. Ça ne sert à rien de t’énerver, Léo n’a rien fait.

— Je sais ! Mais il ne comprend pas la situation, comme si elle irait bien après sa grave chute.

— Arrête ! Tout le monde est inquiet de ce qui est arrivé à Mélanie. Tu veux que j’aille à l’infirmerie voir si elle va bien ?

— C’est gentil Mathilde, mais je préférerais que tu restes avec moi. Je ne pense pas que je pourrais aller manger après ça.

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