IV - Premiers doutes

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Et c’est ainsi que cette première journée de cours commence, Madame Clyze nous expliqua ce qu’il fallait savoir, fit un bref récapitulatif pour Léo et la Fille Courant d’Air, qui n’étaient pas là.

Baissant les yeux, j’étudie librement mon emploi du temps qui est assez conséquent. Tiens, elle nous parle de lui et de la suite de la journée.

« Étant donné que la réunion a été très décalée, les cours n’ont pu être respectés. Nous nous excusons encore pour cette gêne occasionnée, mais les problèmes administratifs en rapport avec l’inscription de nos élèves sont plus importants que la ponctualité. Donc, la journée d’aujourd’hui est totalement chamboulée. Il est déjà 11 h 40. Vous auriez du avoir madame Glascow et monsieur Aguignon, vous n’aurez que madame Alvarez pour le moment. C’est déjà compliqué car toutes les classes sont impactées. Mais dès demain, l’emploi du temps sera effectif. Donc, vous avez votre après-midi, mais restez bien dans l’enceinte du pensionnat ou dans le coin. Je vous laisse, bonne journée à vous et à mercredi pour le premier cours de sciences-physiques et de biologie. Nous parlerons aussi du choix des délégués provisoires. Au revoir.

La prof prit son sac et partit claquant la porte, alors que dans la classe, c’étaient des effusions de joie.

MATHILDE

 Ma classe est dissipée, ça promet pour la rentrée, moi qui suis une élève plutôt studieuse. Cette journée me fatigue déjà, et les migraines voulant me faire exploser le crâne n’aident pas.

En attendant le prochain professeur puisque Madame Allowing est partie précipitamment, je tape mes doigts sur la table et j’essaie d’imaginer une mélodie. La prof d’anglais est excentrique, elle est marrante.

Je me sens un peu coupable, si ma migraine ne s’était pas produite, nous serions arrivés à l’heure pour la réunion et on n’aurait pas raté la station de métro. Mais non, ma maudite tête a voulu me faire passer pour une idiote, j’espère que Monsieur Morris et Madame Cresson ne m’en veulent pas.

Bon ! Pas de mélodie aujourd'hui, les diamants violets de mon bracelet me distrairont en attendant Madame Alvarez, je crois que c’est elle la suivante. Tiens la porte claque, j’ai du la faire apparaître.

« Bonjour à tous. Enfin, rebonjour. Nous avons du retard à cause de la réunion. Allez ! Tout le monde sort ses affaires ».

AÏE ! Elle crie trop fort, mes oreilles bourdonnent. Et sa mallette posée sur le bureau réveille plusieurs endormis de ma classe, je soupire, ce n’est pas avec eux que je vais exceller moi. Il a de la chance le prof principal d’être celui d’EPS, sinon j’aurais déjà quitté le navire.

« Mademoiselle Dreford. Puisque vous êtes arrivée en retard, j’aimerais que vous m’aidiez à distribuer les feuilles.

  • Oui madame! » fis-je en soupirant sans qu’elle ne m’entende.

 Pff ! Ma réputation a déjà été tracée ici. Je me lève déposant mon sac sur la chaise et m’avance vers elle, son regard froid derrière ses lunettes m’intimide, je vais faire attention à ne pas la fâcher. Reprenant une bonne inspiration, sans stresser pour un quelconque mal de crâne, je distribue aux élèves.

Les regards me croisent, ils doivent se dire: Voilà la future chouchou du prof. Ah non, je me trompe. Au premier rang, il y a un profil type: une blondinette aux cheveux tressés portant des lunettes. Cécile Fourier, c’est écrit sur sa pancarte.

D’ailleurs, je jette un regard derrière moi, au deuxième rang. Ma pancarte est droite. PFOU ! Je ne suis pas maniaque mais la moindre chose me fait angoisser. Madame Alvarez me reprend.

« Plus vite mademoiselle Dreford. Nous n’avons plus le temps. »

J’accélère la tâche et m’assois épuisée à ma chaise. La fatigue me prend, comme tout à l’heure dans la cour, ou pendant la réunion. Pourtant j’ai bien déjeuné ce matin, même si je suis partie très vite de chez moi en espérant ne rien avoir oublié.

« Merci mademoiselle Dreford. Bon ! Mon nom est Madame Alvarez, je pense que vous l’avez retenu. C’est une évaluation de connaissances sur la matière, je vous laisse vingt minutes. »

  • TOC TOC TOC !
  • Entrez ! »

La porte s’ouvre faisant apparaître un vieil homme aux cheveux blancs, il a un costume marron et des chaussures vernies assorties. L’homme rentre dans la salle et se place devant le tableau à côté de madame Alvarez. Celle-ci s’est assise à son bureau l’écoutant.

« DEBOUT! »

  • Bonjour chers élèves ! Nous n’avons pas eu l’occasion de nous présenter officiellement. Je m’appelle Bernard Vorn et je suis votre CPE. J’ai quelque chose à vous dire, comme vous êtes au courant que des problèmes administratifs en rapport avec un élève ont retardé la réunion, les horaires ont été totalement chamboulés. Donc, votre journée s’arrête à la fin du cours de Madame Alvarez, et vous reprenez demain. Merci de votre attention.

La joie s’empare de tout le monde, et c’est reparti pour du brouhaha. Je peux entendre l’enseignante discuter avec le CPE au sujet de cette histoire, c’est assez étrange, car même le directeur ne comprend pas ce qui s’est passé.

« Bernard ! Vous avez compris le problème avec la petite Poruwenz ?

  • Je ne sais pas. Isaac m’en a touché deux-trois mots mais il semblerait que nous ayons un dossier d’inscription à un autre nom. Sauf que ce nom est introuvable dans la liste d’élèves, c’est incompréhensible.
  • Monsieur Péruwelz semblait inquiet pendant la réunion. Il a cru entendre le nom de Julia Péruwelz, est-ce qu’il s’agissait d’elle ?
  • Je crois avoir entendu ce nom, mais je n’en suis pas sûr. Je vais vérifier tous les nouveaux dossiers avec Isaac et le registre numérique, également. Sur ce bonne journée à vous Caroline.
  • Donc vous pouvez disposer à la fin de cette heure de cours. Bonne journée Bernard. » rappelle la professeure

 Madame Alvarez se relève après le départ du CPE et note sur le tableau blanc, l’énoncé du cours. J’ai un petit sourire, ça parle de politique. Cécile Fourier a été appelée pour parler de l’Union Européenne et de son fonctionnement. Mes soupçons se confirment, c’est déjà la chouchou du prof. Ça ne va pas durer.

« Le thème de cette évaluation est donc sur ce sujet-ci: Union Européenne et Puissances mondiales. Nous allons faire un petit résumé pour aider à remplir le questionnaire.

  • Madame !
  • Oui Cécile. Vous souhaitez prendre la parole ?
  • Oui madame ! J’ai déjà un résumé »

 Moi j’ai une migraine, et je l’ai eue avant toi Cécile. Haha ! AÏE ! Allez Mathilde, reprends toi, tu ne vas pas nous faire un malaise le premier jour quand même. J’aurais du prendre une boîte de cachets avec moi. Oh ! Je peux passer à l’infirmerie le cours fini. D’ailleurs Madame Alvarez a sorti sa bouteille d’eau, je l’envie.

« Alors l’Union européenne anciennement Communauté Économique Européenne a été créée en… résume Cécile

  • On s’en fout ! OUUUUH »

Il ne peut pas se la fermer lui ? La voix de crécelle de Cécile me pète déjà les tympans, mais les hurlements d’idiots ne sont pas nécessaires. Le vacarme me pousse à m’enfouir la tête dans mes bras et à sombrer dans un profond sommeil.

« L’Union Européenne est une association de plusieurs pays qui ont la particularité d’avoir la même monnaie » récite un élève

  • Mais encore ? Est-ce possible de savoir quelques autres éléments afin de procéder au test ? »

Les voix me bercent pendant que des dizaines de marteaux-piqueurs me perforent le crâne. Pourquoi je n’ai pas pu arriver à l’heure ? Pourquoi j’ai été affublée de la réputation de l’élève en retard, moi qui est toujours ponctuelle. Je fais honte à ma personne.

« Et donc en 1957, le traité de Rome est signé et marque le début de… poursuit l’élève interrogé

  • Vous ne vous sentez pas bien, mademoiselle Dreford ? »

 J’imagine que Madame Alvarez me parle, à moins que ce ne soit un élève poli et aimable. Il n'y en a pas des masses ici, j’ai la tête qui tourne, j’ai envie de vomir. Même si je suis brillante, j’aimerais rentrer chez moi et disparaître sous ma couette.

Qu’est-ce que… La salle tremble ? Elle tourne. Oh mon dieu ! Je vois les murs se déplacer à une telle vitesse que je vais m’en évanouir. Le plafond se secoue, et tout tangue comme dans un bateau.

La vitesse ne fait qu’augmenter, c’est une attraction de malheur, une montagne russe. LAISSEZ MOI DESCENDRE. Ah ! PFOU ! Ça s’est calmé. Les murs grisâtres ne veulent plus m’étouffer. Oh non ! La lumière s’éteint, je ne vois plus rien, je deviens aveugle.

Un voile noir tombe sur ma vue, la pièce disparaît, je m’évapore dans les ombres. Ma voix est faible, je ne peux même pas crier un simple « Au secours » Et là, le paysage devient morbide.

 La salle est vide, pas une once de vie. Pas d’élève casse-tête qui crie, aucune remontrance de madame Alvarez sur ma lenteur. Rien. Le néant. Ma pire peur, celle d’être abandonnée, me dévore les entrailles.

« EH OH! Il y a quelqu’un ? »

Ma voix résonne dans ma tête tellement que je suis épuisée. Je regarde les alentours, le paysage est gris, composé d’ombres, de formes illogiques. Quelque chose se matérialise devant moi et sort du vide prenant mon apparence.

« Qui… Qui est là ? » criais-je affolée

Cette chose me terrorise, je cours pour lui échapper, elle a volé mon visage. Tout mon corps lui appartient. Et moi dans tout ça ? Qu’est-ce que je suis maintenant ? Une inconnue s’est emparée de mon identité.

« Je suis TOI » répond la fille qui me ressemble

 Oh non ! Elle a retrouvé ma trace, je la vois qui se tient derrière moi. Me retournant, je ne sais plus quoi dire. Cette chose lévite et me toise avec son doigt spectral, je suis au bord du malaise.

Un hurlement sort de ma bouche dès que la chose s’approche, touchant mon visage avec son ongle. Quand je rouvre les yeux, les élèves me regardent avec inquiétude, la professeure est même devant ma table, avec son regard meurtrier. Je vais me faire toute petite les trois semaines qui suivent.

« Mademoiselle Dreford ? Vous allez bien ? Qu’est-ce qui vous a pris de hurler comme ça ? Vous oubliez qu’il y a des élèves qui travaillent à côté»

  • Euh… je… je suis désolée madame mais…
  • Madame, je pense que…

 Une voix parvient à mes oreilles, c’est celle de ma voisine à côté, je la vois approcher sa tête de ma pancarte pour lire mon nom. Elle n’a sans doute pas voulu me déranger pendant cet horrible cauchemar. C’était un cauchemar ?

« Madame, je pense que Mathilde ne se sent pas bien, vous comprenez, le rang derrière nous est très bruyant et moi aussi, je commence à avoir mal à la tête.

  • C’est très gentil de votre part, mademoiselle Ilory de protéger votre camarade. Il est vrai que certains élèves du fond sont un peu agaçants. Reprenez vous, ce n’est que le premier jour. Quant à vous mademoiselle Dreford qui vous êtes déjà fait remarquer pour votre retard, je n’accepterais pas une autre frasque de votre part. »

Soulagée, la professeure s’éloigne et repart à sa place, je suis surprise, Ilory a été gentille de me couvrir. Même si la pollution auditive est sûrement un facteur de cette crise inattendue.

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