Les projets de Pas Douée

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La nuit suivante, après une journée entière dans l’Elbereth à m’occuper de mes enfants et à profiter de la cale terraformée avec eux, Ren et Pas Douée, je me rendis de nouveau sur le Mihrendelas pour retrouver Tanit, qui m’avait donné rendez-vous. Ren ne me laissa partir qu’après m’avoir fait promettre de me montrer excessivement prudente, et il me confia même son sigil.

— Tu es douée au maniement de la lame à triple configuration, me dit-il en glissant d’office l’instrument en os de verre dans ma tunique. Pense prioritairement à cette arme lorsque tu auras besoin de donner une forme à ta lame.

Je hochai la tête.

— Compris. S’il y a un problème, tu viendras, de toute façon ? tentai-je.

— Bien sûr. Mais je serais immensément fier si, avant mon arrivée, tu arrives à aligner quelques têtes de tes adversaires à tes pieds. Ne te force pas à le faire tant que tu peux l’éviter, cela dit.

Je l’embrassai, amusée et touchée qu’il me fasse confiance à ce point-là.

— Et moi ! tonna Pas Douée en bondissant entre nous. J’ai pour mission de protéger Rika. Vous ne me donnez aucune instruction, Père ? Aucune arme, aucun artefact magique pour m’aider dans cette quête ?

À ma grande surprise, Ren sortit un autre sigil de sa tunique.

— Voici Silevril. C’est mon deuxième sigil. Comme il a été fabriqué par un autre que moi, un forgeron ruarg très renommé qui me l’a offert comme signe d’amitié, tout le monde peut le toucher. Je te le prête.

Tout excitée, Pas Douée tendit respectueusement ses mains fines pour recevoir l’arme que son père lui tendait. Il était légèrement plus long que le premier, plus fin, et brillait d’un éclat violet.

— Que me conseillez-vous comme configuration, avec ? demanda Pas Douée, fébrile.

Ren lui sourit.

— Lorsque je m’en sers, je lui donne la forme d’une lame courbe et fine, avec un cran près du manche, sans garde, lui apprit-il.

— Très bien. Je ne vous décevrai pas !

— J’y compte bien, fit Ren en posant la main sur l’épaule de sa fille. Mais n’attaque pas toute la cour d’Arawn…

Après un dernier regard, il recula et nous laissa partir. Dans le sas, Pas Douée se tourna vers moi, les yeux brillants :

— J’ai compris le message caché de Père. Il veut que je lui prouve ma valeur ! Si je remporte un combat glorieux, ou une belle réalisation, il me prendra comme apprentie !

J’acquiesçai avec bonne humeur, la laissant à ses illusions. Ren avait dit à tout le monde, moi la première, que les traditions d’Æriban, qu’il s’était mis à détester, ne devaient pas être remises au goût du jour. D’un autre côté, les avis qu’ils nous avaient donnés avaient tout du conseil de guerre. Je compris alors que, depuis qu’il avait quitté le vaisseau d’Arawn, et peut être bien avant encore, Ren avait basculé en mode tactique.

À l’intérieur du Mirhendelas, Arawn me questionna – aimablement – sur le devenir de Ren et Mana. Je lui expliquai que ces deux-là tenaient à leur indépendance, et avaient besoin de se retrouver un peu seuls sur leur cair : Mana avec ses filles, Ren avec ses deux commissaires de guerre.

— On dirait bien que, pour votre consort, ces deux terribles générales font partie intégrante de sa harde de femelles ! se moqua-t-il, touchant du doigt le point litigieux.

— Ren dirait plutôt famille, ou amis, rectifiai-je en prenant sur moi. Du reste, vous aussi disparaissez mystérieusement chaque jour, seigneur Arawn. Ren et Mana ne sont pas les seuls.

Arawn ouvrit grand ses beaux yeux ambrés.

— Oh ! Mais je ne disparais pas, douce Baran. Je vaque à mes activités.

— Et quelles sont-elles ?

Il afficha un grand sourire.

— La chasse, ma belle amie. Et je vous y convie, vous et la jeune dame Angraema. Rendez-vous demain aux aurores dans la salle de bal. Ah ! Et songez à apporter une monture, si vous en avez une.

Sur ce, il s’éloigna avec un petit rire satisfait.

Une monture ! Lorsque Pas Douée s’approcha, je lui glissai à l’oreille :

— Je dois voir quelqu’un. Toi, retourne dans le vaisseau de ton père, et demande-lui de nous prêter deux carcadanns...

— Des carcadanns ! s’écria-t-elle, avant de se précipiter. Je vais les chercher ! Je participe à la chasse, moi aussi !

Après avoir voulu « prouver sa valeur » à son père, Pas Douée s’était trouvé un nouveau projet.

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