La rencontre

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L’air est très chaud, saturé d’humidité, les odeurs sont fortes. Peu importe. Ils doivent apprendre à reconnaitre et à mémoriser des milliers de senteurs. Ils arrivent dans le laboratoire. Il y fait meilleur, l’atmosphère est studieuse. Mathias, un jeune stagiaire les accueille avec le sourire. Il n’a que quelques années de plus que les deux adolescents et il est ravi d’avoir deux jeunes amis aussi passionnés que lui.

Pendant des heures, les deux amis se penchent sur les tubes, mélangent les textures, les fragrances, essaient de retenir toutes les odeurs. Ils sont épuisés à la fin de la journée. Manon a la tête qui tourne à force de respirer toutes ces senteurs, Luc a besoin de sortir de ce laboratoire.

Leur but ne semble pas facile à atteindre, une création spéciale qui leur permettrait d’avoir une bourse d’étude pour aller étudier dans la meilleure école de parfum de France, à Versailles.

Pour l’instant, c’est plutôt le découragement qui les submerge. C’est trop difficile. Manon n’est plus aussi motivée et pense que sa mère est plus heureuse dans les champs au lever du jour. La vie semble plus simple dans la nature. Luc se dit, qu’il pourrait travailler à l’usine comme ses parents et ne pas se casser la tête. L’ambiance y est familiale et vivre à Grasse est une chance. Entre la montagne et la mer, les hivers sont doux, les étés chauds.

Luc raccompagne Manon jusque chez elle. Ils marchent silencieusement. Heureusement, ce sont les vacances et ils ne vont pas au lycée. Peut-être pourraient-ils aller à la plage demain, à Cannes. Ça leur changerait les idées, qui sont assez moroses aujourd’hui.

Luc : « Qu’en penses-tu Manon?

Manon :  Pourquoi pas ? je commence à me déshydrater dans cette usine, mon nez ne sent plus rien, j’ai l’impression qu’il est rouge et gros comme une patate..

Luc - Ce n’est pas une impression, mais je te rappelle que ce n’est pas la grosseur du nez qui fait la qualité de l’odorat

Manon lui répond par une tape sur la tête. « Tu n’es vraiment pas rigolo et je pense que je vais plutôt aller faire du shopping à Nice avec Nanou !"

Luc « C’est ça, et avec quoi, tu as gagné à la loterie ?»

Manon « Nous irons dans les friperies, c’est très à la mode et on va faire sensation au lycée à la rentrée. Tu n’auras qu’à aller tout seul à la plage. »

Luc « Super tu auras l’air d’une soixante-huitarde, n’oublie pas de t’acheter un collier de nouilles peintes par des hippies !! » Il éclate de rire alors que Manon devient rouge de rage et commence à bouder.

« Bon, dis Luc, ça marche, vas te déguiser, moi je vais demander à Mélia de m’accompagner. Cette fille est chouette et elle a un tout petit nez »

Manon « Mais bien sûr, et tu as vu ses cheveux ? Délavés, jaune paille, alors qu’elle est méditerranéenne et même de l’autre côté de la mer? En plus elle triche tout le temps en classe !! Je la trouve vulgaire. »

Luc : « Ok, je ne lutte plus, allons à Cannes, plage, glaces, et pizzas le soir dans la vieille ville, mais c’est vrai que Melia a un tout petit nez……….. !!!»

Manon hausse les épaules, mais, le rendez-vous est fixé. Ils prendront le bus et passeront une journée à lézarder au soleil. Le soir, ils pourront aller manger une pizza et regarder les gens se promener sur la Croisette. C’est toujours assez marrant l’été, les looks des touristes sont un vrai spectacle et lorsque c’est le Festival du Cinéma, c’est encore plus loufoque.

La journée se passe comme prévu, le soleil est chaud, les couleurs se heurtent les unes aux autres, le bleu de la mer, les roches rouge de l’Estérel au loin, le blanc du sable, les parasols qui forment un puzzle coloré.

Manon se demande s’il est possible de mettre ces couleurs dans un flacon, de les transformer en odeurs, de les enfermer pour qu’elles rejaillissent en effluves, un petit bout de la Côte d’Azur qui se perdrait à l’autre bout du monde. Voilà, l’idée, un parfum qui représenterait cette région riche et pleine de vie, de couleurs et de charme méditerranéen.

Elle en parle à Luc. Le sujet les transporte et leur pizza refroidit dans leur assiette. Un homme les observe. Il mange tout seul à la table voisine. Il ne perd pas un mot de l’enthousiasme de Manon. N’y tenant plus, il s’approche d’eux.

« Désolé de vous interrompre, j’ai entendu sans le vouloir votre discussion. Vous êtes passionnés, il est impossible de ne pas vous écouter »

L’homme est grand, les épaules larges, des yeux d’un bleu perçant, le visage carré, les cheveux assez longs en bataille, un air de baroudeur. Il est habillé d’un jean et d’un polo noir. Il ne lui manque plus que le sac à dos et l’appareil photo pour avoir la panoplie d’un aventurier. Ce n’est pas tellement le style des soirées cannoises.

Les deux jeunes s’arrêtent net de parler, surpris. Que veut cet intrus ? Ils sont énervés de ne pas pouvoir continuer leur conversation. Mais l’homme insiste, il leur pose des questions, il a compris qu’il s’agissait de parfums, d’un projet existant.

Sans demander la permission, il tire une chaise et s’assoit à leur table.

Luc se fâche. L’homme s’excuse, il se présente. Je m’appelle Jean. Il a été sans le vouloir happé par leur discussion et il aimerait en savoir plus sur leur projet. Les deux adolescents se méfient et répondent avec agressivité. Manon veut demander l’addition et partir. Jean explique alors qu’il n’a aucune envie de les perturber, il voulait juste ne savoir un peu plus sur l’histoire emblématique de Grasse, capitale de la parfumerie.

Il a l’air honnête et sympa. Luc et Manon racontent alors leur passion, leur enfance, les fleurs, les parfums, l’école et surtout le projet de devenir des compositeurs de parfums. Mais le chemin est long et ils se trouvent dans une impasse.

Jean est très intéressé. Cependant, les deux amis sont un peu inquiets, ils se sont laissés aller à raconter leur vie, mais maintenant, ils veulent vraiment s’en aller, rentrer chez eux.

Ils se lèvent et serrent la main de Jean, qui insiste :

« J’aimerais vraiment vous aider. Votre passion est contagieuse, permettez-moi de réfléchir à votre projet et prenez mon numéro de portable. Appelez-moi dans une ou deux semaines. Je ne vous contacterai pas, je ne vous laisse m’appeler dans quelques jours, si vous le souhaitez. »

Cette fois, les deux amis sont encore plus perplexes. En quoi cet homme peut les aider à réaliser leur rêve ?

Drôle de soirée, quand même. La première impression dérangeante qu’ils avaient éprouvée est passée, mais pas totalement. Jean est sympathique, cordial et très poli mais on leur a souvent dit de se méfier des gens qui s’imposent, ils ne le connaissent pas et tout peut arriver, on ne sait jamais.

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