L'école buissonnière de Xanthie (un chapitre pour @J. Atarashi@).  

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Elle connaissait parfaitement Aquilata et ici elle n’était plus Xanthie mais Chienne, la petite putain du port.

De cette ancienne cité aux fastes antiques qui plongeait dans un passé mystérieux, elle ne connaissait que le port et les quartiers mal famés. Elle croisa des êtres de races étranges, cela ne l’étonnait plus, blasée, elle pensait avoir déjà baisé avec presque toute l’humanité ainsi qu'avec pas mal d'animaux.

Dans les sombres rues étroites et les venelles où la poussait sans cesse une ardente curiosité, elle entendit à un carrefour parler Norique, Dominien et même le Phrygien. Elle admira des hommes minces, de haute taille, à peau noire et scarifiée qui allaient et venaient entièrement nus, malgré les malédictions que leur jetaient au passage des prêtres aux longues tuniques de laine grise. Elle vit des mercenaires à la peau jaune, aux toques de feutres vertes, aux yeux bridés, aux faces plates ricaneuses, avec de longues moustaches tombantes, brillantes de graisse. Ils ne regardaient personne, paraissaient mépriser tout citadin, c’était des Naburmans à n’en pas douter.

Elle gambada sur les quais dallés de calcaire blanc, elle reconnut au mouillage la masse insolente d'une galère noire, on disait que son capitaine était une pirate qu'on appelait Saavati la rouge. Chienne découvrait avec délice les joies de l'école buissonnière.

Le soleil était encore haut dans le ciel. Elle retira quelques has de sa bourse et acheta, à l'étalage d'une baraque, trois énormes brochettes de cœur d'agneau. Elle alla les déguster, allongée sur un amoncellement de filets de pêche, elle était là, oisive, heureuse, repue, la graisse lui coulant sur le menton.

Quelques minutes plus tard, il fallut bien bouger.

Elle musarda autour des cabanes du port aux planches disjointes. Partout où elle allait, elle se heurtait à une cohue puante de brigands de toutes races, elle rencontra même un moine de Salamandragor et un prêtre de Cybèle en grande conversation. Elle se déroba à leur vue, elle n’aimait pas ces religieux. Elle se passa la main dans ses cheveux qui commençaient à repousser, elle aimait ce contact nouveau pour elle qui lui rappelait une brosse. Aquilata, porte des grandes plaines, carrefour des fleuves, sentait les épices des pays lointains, les vins aromatiques, la sueur aigre et tous les parfums connus, des plus subtils aux plus frustes.

Des courtisanes gouailleuses se promenaient partout avec insolence, sous l’œil protecteur de leur leno. Et souvent, aux prêtres qui leur envoyaient des exorcismes, elles montraient un sein, ou pire. Parfois même, ceux-ci, par des mimiques furtives, répondaient à leurs appels. Il y en avait de très belles qui arboraient des robes fendues sur toute la longueur des côtés, laissant ainsi libres leurs hanches. Ainsi, tout leur corps apparaissait durant leur marche déhanchée. Elles portaient des éventails en plumes de paon ou de papyrus.

« Pourquoi moi ? » pensa t-elle, pourquoi elle, petite putain de rien du tout était-elle si heureuse ? Elle prit une rue sinistre qui parfois n'était plus qu'un tunnel.

Elle marchait pieds nus sur des déchets gluants, les murs transpiraient une humidité mêlée de salpêtre, elle buttait dans des courges pourries, elle glissait parmi des détritus qui sentaient le musc et l'ordure. Soudain. Elle s'arrêta devant une porte ouverte dans un mur démesuré, quatre formes rapides jaillirent d'un renfoncement et l’encadrèrent quand elle rentra dans la cour qui était un jardin.

  • C’est bien les gars, vous pouvez retourner à vos postes. En haut d’une volée de marches, les bras croisés, Garm attendait.
  • Xanthie, ne devais-tu pas être dans ta chambre avec ton précepteur le grammairien Valerinus ?
  • Il m’ennuie, Maître.
  • Combien de fois t’ai-je demandé de ne pas m’appeler maître ?
  • Je sais mon époux, mais l’habitude.
  • Monte dans ta chambre, tes caméristes t’attendent. Tu sembles oublier que tu dois être présentée à la mère de l’Empereur.


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