Chapitre 4

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— Alors ? interrogea Nerin en se tournant vers son amie. Elle a marché ?

La brune la dévisagea un instant, avant d'hausser les sourcils.

— Tu peux être plus explicite ?

— Mais enfin, rétorqua la blonde. Ta mère !

— Quoi, ma mère ?

Nerin adressa un regard désapprobateur à Casey, lequel feignait de ne rien voir dans le rétroviseur.

— J'hallucine ! Tu lui as rien dit ?! Et notre contrat, dans tout ça ? J'étais d'accord pour venir à une condition !

Voyant que son frère avait apparemment décidé de se lancer dans une partie improvisée du Roi du silence, Maria adressa un regard interrogateur à Nerin.

— Je peux savoir de quoi il est question, au juste ? Quel contrat ? Et qu'est-ce que Maman a à voir là-dedans ?

Roulant des yeux, l'adolescent s'avoua vaincu :

— Bon, ok. J'avoue. C'était pas malin de ma part. Tu avais raison, j'aurais dû t'écouter. Contente ?

Posant son chapeau de sorcière sur ses genoux, la blonde grommela un « comme toujours » qui eut le mérite de faire rire la cadette.

— Et sinon ? Vous allez m'expliquer ce qu'il se passe ou je suis censée attendre encore longtemps ?

Le regard fixé sur la route, Casey soupira :

— Pourquoi crois-tu qu'elle soit habillée comme ça, hein ?

— Je sais pas, répondit la brune. Pour le porte-à-porte ?

— À ton avis, crétine ? Cory ne l'aurait jamais laissé sortir si elle lui avait donné la vraie raison de notre escapade.

Nerin hocha gravement la tête, visiblement gênée.

— J'ai prétexté une fête chez Chris.

— Chris ? Le Chris ?

— Oui, le Chris.

— Mais personne ne peut le saquer, ce type.

— Sauf que ma mère ne le sait pas. On devait venir déguisé pour l'occasion, alors...

— Ah. Ça explique le costume, ricana Maria. Mais quand même, t'aurais pu trouver quelque chose de plus pratique. Les Ghostbusters, par exemple. Ou Indiana Jones. Histoire d'être en accord avec...

Nerin l'interrompit d'un geste de la main :

— J'ai fait comme j'ai pu, ok ? On n'a pas tous la panoplie d'Indie chez soi, ironisa-t-elle.

— Bien, bien. J'arrête de t'embêter. Mais, rassure-moi : t'as pris des affaires de rechange, au moins ?

La blonde fixa ses mitaines, ravalant ses envies de meurtres.

— C'était à ton frère de s'en occuper, dit-elle plus sèchement qu'elle ne l'aurait voulu.

Casey sourit, triomphant :

— Dans le coffre. Et non. Désolé pour toi, j'ai pas oublié.

Nerin opta pour le silence. Elle s'en voulait d'avoir si mal jugé son ami. Elle sentit ses joues virer au cramoisi et baissa le nez, trouvant un intérêt soudain aux froufrous de sa robe.

— Bon, reprit Maria de sa voix de gamine. Et pour la suite ? Je suppose que tu as dit à ta mère que tu dormirais chez nous, je me trompe ?

Casey adressa un sourire à sa sœur dans le miroir central.

— Je ne me trompe pas, en déduisit la brunette, sortant un chewing-gum de la poche de sa veste. T'en veux ?

L'autre secoua négativement la tête.

— Il paraît que c'est mauvais pour les dents.

Devant la maturité exagérée dont faisait preuve son amie, Maria leva les yeux au ciel.

— Quelle rabat-joie.

***

La voiture se gara devant le portail des Hollow à vingt heures vingt-cinq. La lumière à détecteur de mouvement s'activa dès que Casey foula le trottoir, dévoilant deux silhouettes sous le porche.

— Eh ben ! C'est pas trop tôt ! On a failli attendre ! s'exclama Nicky, fidèle à son caractère.

La jeune fille s'étira, faisant craquer son dos au passage. C'était son truc, à Nicky : se contorsionner dans tous les sens. Elle prenait un malin plaisir à admirer la réaction des gens à l'entente des bruits de ses os.

— Content de te voir aussi, sourit Casey en ouvrant le coffre du 4x4, y fourrant deux énormes sacs-à-dos.

Patrick, qui était jusqu'alors resté en retrait, toqua à la vitre du véhicule, ses yeux espiègles brillant au clair de lune.

  • Sympa la tenue ! siffla-t-il à l'intention de Nerin.

Pour toute réponse, la fille leva son majeur, encouragée par Maria. Le garçon lui renvoya une grimace idiote, le ramenant aussitôt de vingt-trois à quatre ans et demie.

— Il est toujours aussi con ? interrogea la blonde à son amie.

Cette dernière opina du chef, avant de la questionner en retour :

— T'es vachement en forme aujourd'hui. T'as mangé du lion ou quoi ?

— C'est l'adrénaline, ricana doucement Casey.

Nerin déglutit faiblement. Appréhendant la suite des événements, elle n'avait pas vu son ami d'enfance arriver. Ni les autres, d'ailleurs : Patrick était déjà installé sur le siège passager, tandis que Nicky était postée devant la portière, attendant patiemment que la blonde daigne lui céder la place.

— Tu ne préfères pas te mettre au milieu ? Je suis plus grande, alors, il faudrait...

La nouvelle venue haussa les épaules, l'air de dire « Tant que tu me laisses m’asseoir... ». Nerin se hissa hors de la voiture –ce qui ne fut pas une mince affaire compte tenu de son habillement– et contempla le ciel automnal. Son téléphone vibra, et l’espace d’un instant, elle pria pour ne pas voir s’afficher le numéro de sa mère. Cory vivant seule avec sa fille chérie depuis quinze ans, pas étonnant qu’elle se montre ultra-protectrice. Cela avait parfois tendance à étouffer l’adolescente, mais elle ne voulait pas déclencher de dispute. Elle comprenait parfaitement les angoisses de sa génitrice, en partageant même certaines. Mais elle ne pouvait se complaire plus longtemps dans cette image de petite fille sage ; elle éprouvait un profond besoin de briser ses chaînes, de s’évader.

Et elle faisait tout le contraire, en rappelant les règles élémentaires du code de la route à ses amis au lieu de simplement profiter, comme n’importe qu’elle ado normale ! Je vais encore tout gâcher, songea-t-elle, anxieuse.

— Bon alors, tu viens ? l’interpella Nicky, ses longs cheveux vert pomme relevés en queue-de-cheval.

Soupirant, Nerin monta dans le 4x4. Elle ferma la porte avec autant d’assurance que possible, alors que Casey montait le volume de l’autoradio.

— Et c’est parti ! s’exclama gaiement Maria.

Prenant une grande inspiration, la blonde sentit son pouls s’accélérer. Elle se sentait enfin libre, le poids des responsabilités s’envolant à mesure que la ville s’éloignait. Elle regarda ses amis, réprimant une grimace à la vue du non-port des ceintures de sécurité de la majorité d’entre eux. Elle ouvrit la bouche pour leur faire remarquer leur inconscience, au lieu de quoi elle ferma les paupières, se contentant de savourer tandis qu’ils étaient en route vers l’inconnu.

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