Chapitre 2

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Il se dégagea de l'étreinte de son amie, cachant au mieux un rougissement sous-jacent derrière un petit rire nerveux. Il ne put s'empêcher de la détailler : de longues jambes élancées soulignées d'un collant noir, un décolleté dévoilant une poitrine blanche et généreuse, de jolies mitaines en dentelle... Avec son eyeliner accentuant ses iris saphir et ses fins cheveux blonds tombant en cascade sur ses épaules, on aurait vraiment dit un ange. Le fait qu'elle était déguisée en sorcière de contes de fées ne changeait rien à sa beauté naturelle, même si cet accoutrement allait se montrer très inapproprié pour la suite des évènements. Devant les œillades appuyées de Madame Dove, Casey détourna le regard.

— Merde, Nerin, pouffa le garçon, avec une pointe d'embarras. C'est pas Mardi Gras !

La jeune fille mit l'index devant sa bouche en fronçant les sourcils.

— Et toi Casey ? Tu n'as pas de costume ?

Aïe. La question en or. Nerin se tourna vers sa mère, les poings sur les hanches en une gestuelle volontairement théâtrale, et se hâta de trouver une explication.

— Haha ! C'est une sacrée histoire, n'est-ce pas Casey ? Son chat a fait ses griffes dessus. Du coup, il n'a plus de déguisement.

— Vous avez un chat, maintenant? demanda Cory (sa voix traduisait une certaine perplexité). Ta sœur n'était pas censée être allergique à ces boules de poils ?

Nerin se figea sur le seuil. Putain de merde. Trouve quelque chose, n'importe quoi !

— Euh, non. En fait, si ! répondit le jeune homme, mal-à-l'aise. C'est que...

— Ils lui ont aménagé une pièce spéciale. Le garage.

— À Maria ? interrogea la quadra, incrédule.

— Mais non ! À son chat ! se tordit Nerin, empêtrée jusqu'au cou dans son mensonge.

Heureusement, l'héroïque Casey sortit son portable de sa poche, coupant court à la conversation :

— Mince, le temps passe vite ! On ferait mieux d'y aller ! Chris et les autres doivent nous attendre !

Ce que la mère de Nerin n'avait pas besoin de savoir, c'était que le dénommé Chris n'était en rien un ami ; au contraire, il s'agissait de l'ancien chef d'un gang de racketteurs de Santa Ann, du temps où ils étaient au collège. Et qu'il n'y avait aucune "Halloween Party" de prévue ce soir, naturellement.

— Bien. Je vais vous laisser partir, sourit Cory en replaçant une mèche derrière son oreille. Faîtes attention en voiture. Et ne buvez pas trop d'alcool. Je t'aime, Riri.

***

Les deux femmes s'enlacèrent, et Nerin suivit son meilleur ami jusqu'à son 4x4, feignant de ne pas avoir entendu sa mère l'appeler "Riri" une fois de plus.

L'adolescente détestait ce surnom. Déjà à l'époque, il lui faisait penser à Rihanna, idole absolue de la petite sœur de Casey, qui passait tous ses tubes en boucle à chaque soirée pyjama. Car oui, les filles peuvent aussi organiser ce genre d'événements avec les membres de "l'autre espèce", comme Maria se plaisait à les qualifier, dans le seul but d' embêter son frère.

Entre Nerin et Casey, il n'y avait jamais rien eu d'autre que de l'amitié, même si ce dernier espérait secrètement beaucoup plus. L'amitié garçon-fille était un sujet sensible pour la plupart des personnes que Nerin côtoyait, mais elle, savait très bien faire la différence entre l'amitié et l'amour. Du moins, c'est ce qu'elle répétait, aux autres ainsi qu'à son propre cerveau. En réalité, la jeune fille ignorait tout de ce sentiment si complexe qu'il peut faire déplacer des montagnes et commettre le meilleur comme le pire.

En dix-neuf ans d'existence, Nerin Alina Dove n'avait jamais éprouvé une quelconque forme d'attirance pour qui que ce fût. Ni fille ni garçon ne lui avait jamais provoqué le moindre frisson. Il lui arrivait quelquefois de se questionner. Peut-être était-elle tout simplement hermétique à l'amour ? Elle ne voulait pas finir comme ces vieilles filles, à éplucher les sites de rencontres en compagnie de leurs chats !

Ce n'était pas comme si Casey n'avait rien pour lui, pourtant : débrouillard, intelligent, drôle, franc... Il avait tout de l'homme idéal. Et son physique, n'était pas en reste : des cheveux bruns en bataille qui donnaient parfois l'impression qu'il s'était coiffé avec un pétard, de magnifiques yeux d'un gris profond, le corps svelte mais néanmoins ferme et bien sculpté (il avait beau prétendre ne jamais faire de sport, Nerin était convaincue que l'abonnement à la salle de gym qu'elle avait un jour trouvé sous son lit n'était pas une coïncidence)...

Malgré ses innombrables qualités, Casey Flickerman ne se hissait qu'au rang de meilleur ami dans l'esprit de la jeune fille. Elle ne parvenait à l'imaginer en prétendant potentiel, cette seule idée lui donnant envie d'éclater de rire.

***

— Hé ho ! Y a quelqu'un ?

La voix fluette de Maria, seize ans, ramena soudain Nerin à la réalité.

— Oh, désolée. Salut Maria. Tu disais ?

Perdue dans ses pensées, c'était tout juste si elle avait vu Casey lui ouvrir la portière.

La brune se mordit la lèvre, s'abstenant de tout commentaire concernant la tenue de son amie.

— Je t'observais depuis la bagnole, déclara-t-elle finalement. Ta mère a toujours pas l'air d'avoir compris que t'es plus un bébé. J'veux dire, t'attends quoi pour t'acheter un scooter et enfin avoir la paix ?

Comme elle fumait, Nerin arracha la cigarette des mains de Maria pour la jeter par la vitre.

— Et toi ? T'attends quoi pour arrêter ces conneries ? De choper un cancer ? (elle soupira) Tu sais très bien que j'ai pas l'argent pour me payer un scooter. Depuis que mon père a arrêté de verser la pension, Maman compte la moindre dépense.

— Oh, c'est bon, la coupa la brune. Vous n'êtes pas pauvres, non plus.

— C'est pas une raison pour tout claquer dans un scooter, marmonna l'autre. Ou dans des clopes...

Cette répartie soudaine laissa Maria bouche bée. D'ordinaire, c'était elle, la reine du sarcasme. Nerin était plutôt du genre intello coincée. Scrutant le ciel nocturne d'octobre, la jeune fille sourit : cette nuit était bien partie pour restée gravée dans les mémoires.

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