Chapitre 31 - Néant

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« Lasciate ogne speranza, voi ch’intrate. »

Dante, Divina Commedia, « Inferno », canto III : « Laissez ici toute espérance, vous qui entrez ici ».

Il heurta le mur d’eau noire et un froid intense, écrasant, se referma aussitôt sur lui. Le choc expulsa l’air de ses poumons. Entraîné par le poids de ses vêtements, Eusebio se trouva paralysé, le corps vrillé de milliards d’aiguilles glaciales. Il se débattit, en proie à la panique, la poitrine et la gorge en feu, serrant convulsivement les lèvres alors que tout lui hurlait d’inspirer. Son pied toucha un fond vaseux, il donna de l’élan, battit des bras et des jambes de façon désespérée et parvint à crever la surface. Eusebio eut à peine le temps d’inspirer une goulée d’air avide, l’eau se glissa dans sa bouche, il toussa, cracha, et l’onde implacable le recouvrit de nouveau. Il coula, de plus en plus transi, embarrassé par ses vêtements lourds de fourrures et d’eau, remonta, réussit à se maintenir à l’air libre. De brèves inspirations hachées lui permirent de retrouver un peu ses esprits. Hoquetant, au bord du malaise, il avisa un affleurement rocheux et s’efforça de nager vers lui.

Le jeune homme sentit les cailloux rouler sous ses jambes et ses mains. La vase glissait entre ses doigts gourds. Il se redressa un peu, rampa sur les coudes pour s’extraire des eaux froides, puis se laissa tomber sur le flanc, à bout de souffle.

Son estomac se tordit soudain avec violence, lui arrachant un gémissement douloureux. Eusebio, pris de brusques haut-le-corps, se retourna et vomit de l’eau noire mêlée de bile. Il resta un long moment ainsi, frissonnant, les paupières fermées, attendant que les spasmes se calment, le bras replié sous son front brûlant, inspirant par à-coups, la bouche tapissée d’un goût âcre, métallique.

Lorsqu’il rouvrit les yeux, le tissu gorgé d’eau de sa tunique se teintait de minces filets de sang. Eusebio repoussa l’étoffe et constata que quelques éclats de verre et de bois étaient restés fichés dans sa peau. Ses mains ankylosées par le froid refusèrent de lui obéir ; elles tremblaient tant qu’il eut le plus grand mal à retirer les fragments, à tel point qu’en désespoir de cause, il en saisit plusieurs entre ses dents, au risque de se couper la langue et les lèvres. Certains se brisèrent net. Les entailles étaient heureusement peu préoccupantes.

Eusebio essuya ses doigts maculés de fange sur ses vêtements dégoulinants avant de gratter, de ses ongles, sa peau jusqu’au sang pour en déloger les minuscules brisures. Il retira sa tunique et déchira des lanières de tissu dans sa chemise, avant de s’en envelopper étroitement les bras.

Se concentrer sur cette tâche lui permit, étrangement, de retrouver un semblant de calme. Il s’examina un peu plus attentivement tandis que sa circulation sanguine revenait à la normale dans son corps, parcourant ses membres de picotements désagréables. Son genou pulsait, lui renvoyant en écho le martèlement de son cœur dans sa poitrine. Eusebio tâta sa jambe, devina sous ses doigts plusieurs morceaux effilés et les arracha. L’un d’eux, plus profondément fiché dans sa chair, déchira un muscle. Eusebio hurla – sa voix lui parut gutturale, éraillée, étrangère. Le sang coula le long de son mollet. Le jeune homme puisa un peu d’eau au creux de sa main et nettoya les plaies comme il le put, avant de les bander à l’aide de morceaux d’étoffe prélevées sur sa chemise. Il préféra retirer le reste du vêtement en lambeaux et enfila sa tunique détrempée. Le bout des manches avait légèrement noirci, à l’endroit où le tissu touchait sa peau. Les coupures du verre et des échardes marquaient ses doigts et ses paumes d’entailles peu profondes. Le feu aurait dû me brûler... songea Eusebio. Il ne vit pourtant aucune cloque, aucune lésion, aucune rougeur. Comme si la flamme avait été une extension de lui-même. Eusebio porta ses mains à hauteur de ses yeux et les contempla avec intérêt.

– Comment j’ai fait ça... ? dit-il à voix haute.

Sa gorge râpeuse lui faisait l’effet d’un sac de charbon. Il déglutit avec peine. Le jeune homme toucha prudemment son cou, par petites touches, crut sentir l’étau des doigts de Neser qui se resserrait. Une peur irrationnelle s’empara à nouveau de lui. Un cri rauque lui échappa.

Alors, secoué tout à coup de sanglots aussi violents qu’incontrôlables, submergé par l’émotion, Eusebio se replia sur lui-même, les poings crispés sur son pantalon déchiré, et pleura.

Loin au-dessus de sa tête, la roche se perdait dans le brouillard, d’où filtrait une lueur grisâtre, unie. Eusebio, s’aidant des coudes, se hissa sur ses jambes, le dos à la paroi. Il fit glisser ses mains, grossièrement enveloppées des derniers bouts de sa chemise, le long de la pierre, à la recherche d’une quelconque saillie – il envisageait vaguement d’escalader le mur, remonter à Nassadja. Son regard tomba sur ses bras, sur lesquels la tunique avait glissé, révélant les bandages de fortune. La douleur lui cisaillait la peau, ses jambes flageolaient, soutenant difficilement son poids. Jusqu’où serait-il parvenu – eût-il trouvé la moindre aspérité sur ce bloc de pierre ?

Il frissonnait, claquant des dents. L’eau glacée dégouttait de ses cheveux, sur sa nuque et le long de son dos. Ses vêtements trempés lui collaient au corps. Son souffle saccadé se transformait en volutes blanches devant sa bouche. Il n’osait pas songer au sort de feu, saisi d’une angoisse sourde au souvenir de l’odeur de chair calcinée et des cris incohérents de Neser. Cela n’avait été peut-être qu’un simple hasard si, face au Primat, le jeune homme ne s’était pas brûlé...

C’est pourquoi Eusebio chercha du regard de quoi s’abriter – mais seules la roche et l’eau semblaient constituer cet univers gris. Il n’aperçut pas le moindre brin d’herbe entre les galets lisses de la berge, pas un arbrisseau ne poussait sur le sol bourbeux. Le lac clapotait en ridules courtes et hâtives, recouvert d’une vapeur brumeuse, et la cime de la paroi rocheuse se fondait dans ce nuage de coton couleur de poussière.

Le jeune homme n’était même pas certain de se trouver au bord d’un lac ; il n’en voyait pas le bout, aussi loin que puisse porter sa vue. De quel côté de Nassadja était-il, d’ailleurs ? Il ne parvenait pas à s’orienter, perdu dans cet espace lisse et minéral.

Tout en se frictionnant les bras, Eusebio longea la roche, dans l’espoir de se réchauffer au moins un peu. Il éprouva le sol de la pointe du pied, prudent, attentif aux cailloux qui roulaient sous ses pas, à la boue épaisse et collante, à la souffrance fraîche dans sa jambe. Il boitilla ainsi sur quelques mètres, jusqu’au moment où son regard accrocha un faible éclat métallique.

D’abord dissimulée par la brume stagnante, la gigantesque cavité lui apparut petit à petit. Des tentacules d’acier paraissaient en surgir, comme les pattes d’une araignée monstrueuse s’accrochant à la roche pour mieux se mouvoir. Cernant les rebords, érodées, rongées par la rouille, d’autres structures encadraient la caverne, l’habillant de fer. La partie supérieure s’était depuis longtemps effondrée, et la vase avait recouvert en partie les tubes tordus, les morceaux de métal bosselé. Une sourde mélodie plaintive, lugubre, fusait du tunnel plongé dans le noir, accompagnée du lent sifflement de l’air s’engouffrant dans les pièces d’acier.

Le jeune homme s’avança d’un pas hésitant, soulagé toutefois de trouver un sol plus stable que les galets et la fange. Une obscurité totale l’enveloppa peu à peu. Gardant vainement les yeux grands ouverts afin de distinguer quelque chose, une main en avant, l’autre posée sur la paroi intérieure tapissée de feuilles de métal, Eusebio continua sa progression. Bientôt, ce fut le silence, un silence complet, absolu, abyssal. Seuls lui parvenaient le souffle de sa respiration et le martèlement de son cœur. Le jeune homme se concentra sur le contact froid du métal au creux de sa paume, du minuscule grincement sous ses ongles. Il trébucha à plusieurs reprises, tomba une fois, sèchement, sur les genoux. La douleur se fit alors si atroce, si pure, que de nouveaux sanglots lui échappèrent. Sous ses doigts, le sol s’était légèrement soulevé, découvrant un matériau qu’il ne connaissait pas.

Eusebio tenta de fredonner, pour briser l’angoisse qui lui serrait la poitrine. Il ne se rappela plus aucune chanson. Sa voix éraillée s’étouffa, absorbée par les ténèbres dès que le nom de Tora eut franchi ses lèvres. Il marchait dans l’absence, dans le vide, dans le néant. Le jeune homme n’osait pas réfléchir, de peur que la panique s’empare de lui et le pousse à faire demi-tour.

Il ne sut dire combien de temps il passa à errer dans ces limbes d’obscurité glaciale qui devaient remonter aux Anciens. Dans son esprit, une petite voix instillait la peur, tel un poison : il allait se heurter à un cul-de-sac, et il mourrait dans le noir, sans jamais trouver d’issue. Eusebio s’évertua à la maintenir aux limites de sa conscience. Sa gorge l’irritait, la soif le tenaillait, et la douleur, immense, montait toujours de sa jambe. Le jeune homme s’obstina à avancer, machinalement, s’appuyant sur le mur autant qu’il le pouvait pour décharger son genou de son poids. Il s’arrêta à plusieurs reprises cependant, chassant les engourdissements qui gagnaient tous ses membres. Il ne sentait plus le froid polaire qui s’insinuait sous ses vêtements encore humides. Il ne voyait rien, n’entendait rien, ne flairait rien. La sueur lui baignait le visage et le cou, enflammant les marques laissées par Neser.

Même le silence changea. De métallique, résonnant faiblement de l’écho de l’acier, il devint minéral, séculaire, immuable. Sous sa paume, la roche humide succéda aux lisses aspérités des Anciens. Eusebio s’arrêta, gagné par l’épuisement. Il se laissa glisser au sol, le dos contre la paroi, et lâcha une plainte lorsque sa hanche heurta durement une saillie pierreuse.

Son esprit harassé était incapable d’aligner des pensées cohérentes. Eusebio songea à ses carnets, à Arminius, au briquet à alcool d’Abbott, à Lenneth, à Vertemer, à Mire, à Dixy. Il essaya de se représenter Tora, sans y parvenir tout à fait – ses formes demeurèrent floues, son regard pétillant et son sourire restèrent des ébauches. Cela lui laissa l’impression effrayante d’un rêve, si vieux qu’il lui filait entre les doigts comme de l’eau. Le jeune homme, au désespoir, près d’éclater en sanglots, voulut porter toute son attention à cette évocation, dévoré par le besoin d’y trouver un peu de réconfort. Il s’efforça d’écarter l’idée, d’une ténacité désespérante, qu’il ne reverrait peut-être plus jamais Tora. Il lutta contre la torpeur, s’ébroua pour se maintenir éveillé. Mais, exténué, vaincu par la soif, l’anémie, le choc et la souffrance, il ferma les yeux et finit par s’assoupir.

Il se réveilla sur un cri, la jambe déchirée en fragments incandescents. Eusebio se redressa d’un coup, la bouche pâteuse, perdu, en proie à l’angoisse. Combien de temps avait-il dormi ? Il chercha la lueur de la lucarne, tâtonna vers sa table de chevet, ne trouva pas sous ses doigts la chandelle rassurante. Rien que les ténèbres, et la pierre, et le silence spectral. Le jeune homme, tâchant de calmer les battements effrénés de son cœur, retrouva peu à peu ses esprits. Il se rappela où il était. Le souvenir de sa chute dans le gouffre lui fit courir de longs frissons. Il grelotta, transi de froid, s’obligea à se redresser. Chaque parcelle de son corps lui faisait mal ; ses tendons, ses muscles, ses nerfs protestaient sous les efforts qu’il leur imposait. Le sang pulsait à ses tempes, lui martelait fiévreusement le crâne. Eusebio déglutit, se força à avancer, sans quitter le mur rocheux du plat de la main.

Il avait besoin de lumière. Il devait savoir où il se trouvait – sinon, comment être sûr qu’il ne rebrousserait pas chemin par mégarde ? Eusebio tendit les mains devant lui, dans le noir. Il ne les distinguait pas, et pourtant il les sentait trembler.

P... P... Pa...

Miné par la crainte, il ne parvenait pas à prononcer le mot. Il n’osait pas non plus le penser. Le souvenir d’Arminius et de son tour d’illusionniste l’écœura. Il ne put cependant s’empêcher de se rappeler ses enseignements – un siècle lui semblait s’être écoulé depuis. Combustible. Comburant. Énergie d’activation. Puis la lueur avait comme jailli des doigts du vieillard pour allumer la chandelle. Dans cette froide obscurité, Eusebio ne possédait rien qui puisse brûler, à part peut-être ses vêtements humides... ou ses doigts. Toutefois, si la peau de Neser s’était consumée – Eusebio se remémora l’odeur de chair roussie avec une grimace –, celle de l’herboriste n’en avait pas souffert. Étrange...

La nécessité d’y voir quelque chose s’imposa alors brusquement. La gorge nouée, le jeune homme, s’appuyant sur le mur de roche, porta la main droite loin devant lui.

Palaminen, chuchota-t-il d’une voix rauque.

Il perçut l’onde de pouvoir traverser tout son organisme en une vague de chaleur instantanée, jusqu’au bout de ses doigts. Son corps, poussé vers l’avant, s’arqua légèrement sous l’effet de la surprise. L’air dans sa paume parut s’éclairer, formant une sphère grise qui brilla un bref instant avant de prendre feu. Fasciné, Eusebio contempla la pelote de flammèches argentées dansant dans sa main. Elles ne faisaient que lui picoter agréablement la peau, sans l’embraser. Leur ardeur se diffusait dans son bras et dans son coude. Il les éleva au-dessus de sa tête et chassa la noirceur qui l’enveloppait comme un linceul.

Il vit d’abord son ombre démesurée, jetant des spectres pâles sur la paroi de pierre humide sur laquelle il s’appuyait. Son regard balaya ensuite une immense cavité, dont la voûte se perdait sous un voile de stalactites. Certaines avaient formé de fines colonnes de calcaire en gouttant jusqu’au sol. S’il avait poursuivi sa route dans le noir, Eusebio s’y serait heurté. Derrière lui, les murs formaient une sorte de tunnel plongeant dans les ténèbres. Leurs plaques d’acier disparaissaient sous la roche suintante. Ainsi, la nature reprenait peu à peu l’espace qu’occupaient autrefois les Anciens...

Eusebio avisa un mince filet d’eau s’écoulant le long d’une fissure. Il en recueillit au creux de sa main et étancha sa soif, ferma les yeux avec un soupir satisfait et savoura la fraîcheur qui se répandait dans sa gorge.

Il reprit enfin sa route, à la lueur rassurante de la sphère de flammes, et s’engagea plus profondément dans la grotte.

Son chemin était rendu difficile par le sol inégal, crevé de cônes de calcaire et de pierres glissantes. Parfois, la voûte s’affaissait au point de l’obliger à se courber en deux, louvoyant entre les concrétions rocheuses. Gêné par sa jambe, perclus de douleurs et de crampes, Eusebio avançait lentement, les doigts repliés autour du petit incendie au creux de sa paume, concentré sur sa lumière grise pour ne pas se laisser envahir totalement par le désespoir et l’amertume.

Malgré tout, il marcha longtemps, sans savoir combien de minutes, ou d’heures, s’écoulaient – sans savoir à quelle vitesse elles passaient. Ses vêtements poisseux, couverts de crasse et de boue, adhéraient à sa peau. Les bandages autour de ses plaies pendaient, rendus inutiles par l’humidité de la caverne. Eusebio finit par les défaire et les fourra dans ses poches.

Il s’arrêta à plusieurs reprises, but l’eau ruisselant à même la pierre, somnola parfois un peu, laissant alors avec angoisse l’obscurité se reformer autour de lui. Il recréait la boule luminescente dès qu’il prenait conscience d’être éveillé, avant même d’ouvrir les yeux, pris de la crainte de ne plus distinguer que les ténèbres. La faim le tenaillait : des crampes douloureuses le mettaient au supplice, le pliant en deux. Le vertige les accompagnait pendant d’interminables minutes. Eusebio comprit que cela faisait plusieurs jours au moins qu’il s’était aventuré dans le tunnel creusé dans la montagne.

L’accablement le gagna, petit à petit, sournoisement. Eusebio ne se rendit même pas compte que des larmes de détresse amère coulaient sur ses joues, tant le découragement lui serrait le cœur. Il crut, à de nombreuses reprises, que la montagne elle-même se repliait sur lui, cherchant à l’étouffer dans ses entrailles minérales. Le jeune homme ne voyait toujours que ces éternelles parois de roche laiteuse, que ces colonnes de calcaire, que ces fragiles stalactites. Il ne trouvait pas de sortie – existait-il seulement une issue ?

Un sanglot lui échappa. L’écho rebondit entre les pierres, à l’infini. Eusebio laissa retomber sa main et les flammes s’étouffèrent. Il était persuadé de ne jamais revoir le soleil, de ne jamais plus sentir ses rayons chauffer sa peau. Le jeune homme commençait même à accepter l’idée qu’il errerait au milieu du silence minéral, accompagné de la seule rumeur de sa voix, jusqu’à sombrer dans la folie.

Elle le guettait d’ailleurs, insidieuse, aux abords de sa perception. Ne croyait-il pas voir, en effet, à quelques pas devant lui, un rai de lumière se découper sur la roche ? Eusebio se frotta les yeux. L’impression rétinienne persistait. Il poussa un gémissement et se hâta, boitant de façon lamentable, en proie à un sursaut d’espoir irrationnel. Ses pieds brisaient des fragments de schiste.

Un lourd grondement retentit, fit vibrer le sol sous ses pas, résonna dans ses os. Puis la lumière disparut brutalement.

– Non... souffla Eusebio dans une plainte.

Emporté par son élan, les yeux grands ouverts sur l’obscurité, il continua dans la direction supposée du halo de jour qu’il avait entraperçu. Il percuta quelque chose de plein fouet et perdit l’équilibre. Il tomba en arrière, se mordit durement la langue lorsque ses fesses heurtèrent le sol avec un bruit mou. Il entendit un sourd gémissement. Puis un grognement. Des sons indistincts, dans lesquels il reconnut des voix humaines.

Palaminen, fit le jeune homme, pris d’un espoir fulgurant.

La lueur grise éclaira la roche, les murs suintants d’eau. Eusebio poussa un hurlement quand son regard tomba sur ce qu’il avait pris pour des éclats de schiste – le sol était jonché d’ossements blanchis et d’esquilles brisées. Des lambeaux de vêtements traînaient ça-et-là. Le jeune homme comprit aussitôt qui étaient ces malheureux, et où il se trouvait.

Les deux êtres, surpris par son cri et la lumière grise entre ses doigts, se couvrirent le visage de leurs mains. Eusebio les détailla. Il avait percuté le plus grand – un homme de haute taille, recroquevillé sur lui-même.

Un soulagement indescriptible envahit Eusebio en le reconnaissant – soulagement aussitôt balayé par un puissant sentiment d’horreur. Le vert d’eau des iris avait laissé la place à un regard fixe, vide, incertain. Les lèvres desséchées s’étiraient en un sourire tordu.

– Lenneth... chuchota Eusebio.

La femme derrière lui émit un rire grinçant. Le jeune homme tourna la tête vers elle.

– Oh par tous les Gardiens, non, je vous en supplie... geignit-il.

Il se releva en titubant et écarta Lenneth d’un bras tremblant. Les larmes brouillaient sa vue. Il tendit la main vers le petit bout de femme, mais celle-ci recula en sifflant de surprise à la vue de la boule de flammes qui flottait dans le creux de sa paume. Ses cheveux coupés courts étaient devenus entièrement blancs. L’éclat de ses yeux noisette se teintait d’arabesques mauves.

– Tora...

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