Chapitre 2-3 (Tempête acte 1)

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La somnolence devint plus lourde.

Son corps refroidit soudain. Ces yeux entrevirent un changement de luminosité, le rouge orangé passant à rouge assombri, puis à gris noir. Une bourrasque souffla dans ses cheveux. Un vent tournoyant jeta des feuilles et de la terre sur son visage. Cette désagréable impression lui fit ouvrir les paupières. Il leva la tête. Le ciel presque bleu était devenu gris et sombre, les nuages blancs filaient remplacés par des nuages de plus en plus massifs et de plus en plus sombres.

L’histoire de cinq minutes et le ciel avait changé. Un orage violent, une tempête ? Peu importe, il avait toujours aimé voir la météo changée brusquement. Un sentiment joyeux provenant de l’enfance raviva sa curiosité. Il se releva et toisa les gros rochers. Le rocher sur lequel il s’était adossé, le plus haut n’offrait pas de bonnes prises et de la mousse le rendait glissant. Le troisième en arrière était rond, plus petit et trop éloigné. Le second était attenant au plus haut, il présentait des faces et des fissures. Ce rocher perpendiculaire au premier était la meilleure solution pour grimper. Il faudrait une fois en haut prendre de l’élan et sauté sur le plus haut. Il ne fallait pas s’attendre à un coup de main de la sorcière.

Il entreprit l’escalade. Au deux tiers de la montée les prises devenaient moins bonnes, friables, glissantes. Il dût s’y reprendre à plusieurs fois pour passer l’un des endroits les plus fastidieux. Son corps en s’étirant lui rappela ses vieilles blessures, mais emporté par sa curiosité et le défi de cette escalade il oublia cette sourde douleur. Ce n’était toutefois pas un exploit, le chemin qu’il avait parcouru n’était pas abrupt et difficile. En arrivant, en haut du second rocher une vive brise crachant du sable et de la poussière le fit se recroqueviller, il évita ainsi d’être déséquilibré.

Le vent était fort et la prise d’élan pour sauter sur le plus haut des rochers se révéla moins facile que prévue. Son bond le propulsa moins haut que ce qu’il désirait et il glissa lentement sur la face du rocher. Mais ces mains tenaient une bonne arrête de pierre. Ses pieds raclèrent la paroi avant de trouver des appuis. Il tira de toutes ses forces sur ses mains, ces pieds aidant comme ils pouvaient.

Il lança son bras droit vers une fente dans le roc, sa main s’écorcha un peu en s’agrippant. Il trouva un appui correct pour son pied droit. Il regarda sous son épaule s’il apercevait une prise pour sa jambe gauche. Un petit renfoncement à hauteur de son genou. Il se colla à la paroi en tirant sur les trois autres membres pour permettre à sa jambe d’avoir l’espace nécessaire pour atteindre le renfoncement. Une fois la prise atteinte, il disposa de suffisamment d’appui pour s’élever d’un bond et passer le buste au-dessus de l’arrête du rocher. Il força sur ces coudes pour passer les hanches sur l’arrête. Il pivota sur lui-même pour ramener ses jambes. Il souffla un bon coup, le voilà sur le haut du rocher. Il dût avancer accroupit jusqu’à la sorcière qui malgré un vent puissant se tenait debout, impassible, le regard vissé dans ce ciel noir.

L’homme arrivant près de la guetteuse eut toutes les peines du monde à se mettre sur ses deux jambes et à maintenir cette position. Les genoux pliés, les jambes arquées, les bras tendus se balançant pour garder l’équilibre, il encaissait un souffle continu transportant brindilles et feuilles.

Fouetté et secoué de toutes parts le funambule ne parvenait pas a quitté le ciel des yeux. Oubliant l’existence de la personne droite comme un « i » à ses côtés, il admirait le spectacle.

L’horizon était couvert d’un voile noir, comme un drap recouvrant peu à peu la vaste et immense forêt verte, gommant sommets et vallons sous une chape inquiétante et tumultueuse. Des nuages gris et blancs se faisaient balloter. Tournoyants, effilochés, déchiquetés par de puissants vents, puis furent projetés dans ce ciel sombre. On voyait de vastes courbes se dessiner, comme si le ciel tournait sur lui-même, ondulant, s’élevant pour mieux retomber sur la forêt. Une lourde pluie couvrait la ligne d’horizon, elle avançait, dévorant toujours plus de verdure. Noyant la forêt sous elle avec une telle force que la forêt disparaissait. Des kilomètres de vert se fondait dans un gris sombre homogène, l’horizon reculait peu à peu et de plus en plus vite.

Magnifique et oppressant, une chape de plomb arrivait vers les trois rochers. Un vent toujours plus violent se mit à siffler dans les oreilles des deux guetteurs. De la fine pluie commença à perler sur leurs visages. Une humidité annonçant l’imminence de la tempête.

Le vent se renforça. Bientôt il fut difficile de parler et de s’entendre sans crier, mais les deux guetteurs restaient là. Puis une branche de la taille d’un homme virevolta, tapant le rocher et se brisa à un mètre d’eux. Ils pouvaient voir les arbres se vouter sous les rafales, ils pliaient sous le poids d’une forme invisible. A demi-assis, l’homme sentit une main se poser sur son épaule. La sorcière fit un mouvement de tête proposant une redescente. Sous le regard franc de la sorcière, il accepta. Il lança un dernier regard vers l’horizon. Il n’y avait que cinq à dix kilomètres de visible, là où se déployait peu de temps avant un tapis végétal immense. Dans ce dernier coup d’œil vers la tempête, il aperçut des arbres de trente ou quarante mètres de haut voltiger à des centaines de mètres du sol, comme des brindilles dans le courant d’une rivière.

Ils commencèrent leur descente. Lui, à quatre pattes, et elle, stoïque tout juste poussé par les à-coups de la tempête. La pente qui lui avait donné du fil à retordre, entre le premier et second rocher, il l’a parcouru en glissant sur les fesses. Elle le rejoignit d’un bond sur le deuxième rocher.

Il descendit aussi vite qu’il put en se collant à la paroi du second rocher, l’humidité ambiante rendait délicat le retour. Il arriva deux ou trois mètres de hauteur quand une branche frappa le premier rocher et ricochât dans la direction. Il vit arriver une grosse masse marron, il ferma les yeux, ne pouvant esquiver le coup. Un bref courant d’air lui rafraichit le visage. Il ouvra les yeux.

Ne comprenant pas, il chercha autour de lui.

L’instant d’avant la sorcière était en haut de la pente qu’il descendait. Elle n’y était pas. Il porta son regard vers le bas et aperçu la vive jeune femme, le pied sur une grosse branche. Elle regardait dans sa direction. Il lui fit en petit signe de tête en guise de remerciement.

Il dévala les quelques mètres qui le séparait du sol avec difficulté, car la pluie commençait à tomber lourdement. Il n’eut pas le temps de faire grand-chose avant d’être trempé, les vêtements gorgés d’eau. Une fois au sol, il s’assit là où il avait somnolé. Les bras posés sur les genoux en se cachant le visage derrière ses mains et ses avant-bras pour éviter la sèche claque du vent et le cinglement de la pluie. Il perçut un mouvement, la sorcière se posa à côté de lui. Elle s’adossa contre son épaule. Il se tourna et furent dos-à-dos. La position avait le mérite d’être confortable et simple.

Il sentit la chaleur provenant du dos humide de la sorcière. Cela avait quelque chose de réconfortant, ça changeait de l’impression de solitude. Même en parcourant à deux l’immensité des terres reculées, il se sentait souvent seul. Pour une fois, cette proximité lui parut plus humaine.

La pluie redoubla alors qu’elle semblait à son paroxysme. Des projections de terres s’élevèrent de plus en plus haut et les couvrirent de particules et de grains de sables. Bientôt l’eau commença à ruisseler du rocher en un flux interrompu. Des feuilles s’arrachaient et virevoltaient ensemble en de large panache. Des petites branches roulaient parmi les flaques d’eau en s’éloignant toujours plus.

Protégés du vent par les rochers, ils ne recevaient que des bribes de la tempête qui s’abattait. Pourtant au abord de la clairière les arbres ployaient, grinçaient, craquaient et se maintenaient tant bien que mal dans la tourmente.

Tout était gris et on ne voyait pas loin. On devinait simplement toute la forêt partir de cette météo.

Des sifflements aux hurlements, le vent jouait toute sa gamme sur tous les éléments à sa disposition, sans arrêt.

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