Chapitre 2 - 1

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Une lueur perça le feuillage et éclaira le visage d’un homme endormi. Le guide ronchonna, se tourna une ou deux fois sur lui-même. La lueur resta dérangeante et malgré les diverses positions entreprises pour échapper à la luminosité l’homme quitta son doux songe. Il se réveilla.

Le bruit de l’eau qui l’avait bercé s’était tut. Il ouvrit les yeux et vit la sorcière. Assise sur une large pierre en surplomb, elle pelait une sorte de fruit. Elle en découpait mécaniquement des tranches et les avalaient sans les regarder. Ce qu’elle regardait, c’était l’amont du torrent ou plutôt l’amont de ce qui avait été le torrent. Il n’y avait que quelques flaques et un mince filet d’eau les reliant. Rien à voir avec le tumulte d’eau de la veille.

L’homme se releva mais une aigreur dans la bouche et l’estomac faillit le faire régurgiter . Il se rappela de cette espèce de poisson marcheur qu’il avait mangé pour diner malgré la désapprobation de la sorcière. Il aurait dû s’en tenir aux fruits qu’elle conseillait. Il se décida à faire bonne figure, cependant son teint blafard parlait à sa place. Ça et les grosses gouttes de sueur qui parcourait sa peau.

La sorcière se tourna vers lui et eut un petit sourire hautain.

Mince, elle a compris se dit-il, elle va surement me dire de suivre ses conseils à l’avenir. Il fit un petit sourire épuisé et maladif en réponse.

« J’espère que ça ne nuira pas à notre marche du jour, guide. » Lança-t-elle sans bouger de son rocher.

« Un fruit et un peu d’eau pour noyer ce goût dans mon gosier et je serais bon pour une petite balade. » Annonça-t-il plus ou moins fièrement.

Elle plissa les yeux, eut un air mauvais pendant un seconde. Elle bondit en bas du rocher pour se retrouver devant son compagnon de voyage. Elle répéta le même regard intimidant et coupa avec « Tu mangeras en route, j’ai assez attendu. » Elle se tourna lui jeta son demi-fruit et repris sa marche.

Il récupéra le fruit avec difficulté et en croqua un bout avec un petit côté rageur et agressif. Elle lui tournait déjà le dos et traversait l’ancien torrent.

Très vite, il déchanta. Le fruit se révélant avoir un goût de patate crue. Croquant, suintant un jus terreux. Surement une racine plutôt qu’un fruit. Le guide ne se priva pas de cette nourriture et il s’aperçut que ce goût calmait l’aigreur du matin. Une chance, car il fallait suivre un rythme imposé par la jeune fille brune qui traçait à travers les fourrés.

Ils traversèrent la journée en une seule marche en avant, sans pause le midi. Le soir arrivant, le guide flancha, la faim prenant le pas sur l’envie de tracer son chemin dans la forêt. Epuisé, il ne pausa aucune question et suivit les recommandations.

Ce qui l’épuisait c’était aussi le nombre d’informations à retenir. Il regardait chaque geste de la sorcière, il décortiquait chaque hésitation, chaque changement d’orientation, chaque petite évaluation de la zone. Elle sentait, touchait nombre de choses. Un nombre élevé de micro-actions assez peu perceptible et qui demandait une grande attention au jeune homme pour les voir, les décryptés et les comprendre. Il devait engranger toute cette analyse du terrain pour avoir une chance de fuir.

Ils traversèrent la journée en une seule marche en avant, sans pause le midi. Le soir arrivant, le guide flancha, la faim prenant le pas sur l’envie de tracer son chemin dans la forêt. Epuisé, il ne pausa aucune question et suivit les recommandations.

Ce qui l’épuisait c’était aussi le nombre d’informations à retenir. Il regardait chaque geste de la sorcière, il décortiquait chaque hésitation, chaque changement d’orientation, chaque petite évaluation de la zone. Elle sentait, touchait nombre de choses. Un nombre élevé de micro-actions assez peu perceptible et qui demandait une grande attention au jeune homme pour les voir, les décryptés et les comprendre. Il devait engranger toute cette analyse du terrain pour avoir une chance de fuir.

Plusieurs jours s’écoulèrent avec le même rythme de marche. Toujours du matin au soir, sans pause. Toujours dans le même paysage verdoyant. Toujours en suivant les conseils de la sorcière et en décodant les moindres gestes. Toujours aussi épuisant.

L’homme avait beau essayé de s’habituer, il faiblissait, de jour en jour. Cette cadence tuait tout espoir de liberté. Il devait emmagasiner de l’énergie, plutôt que la perdre. Alors commença un nouveau jeu, celui de la perte de temps et des petits repos. Des petits incidents, jouer au maladroit, à celui qui s’était perdu.

L’homme s’était aperçu que malgré son indéfectible envie d’avancer la sorcière s’occupait de son compagnon de voyage. Elle semblait se soucier et parfois comprendre les limites physiques de son guide. Il avait donc appris à abuser de cette attention. Il devait toutefois jouer serré, car la compréhension et la patience de la sorcière était des choses fragiles qu’il fallait ménager. Lire en elle n’était pas aisé. Etait-ce de la bienveillance ou un acte pragmatique ?

Il prit le parti de penser qu’aucune bienveillance n’était présente, et qu’elle l’analysait tout autant qu’il l’analysait. Retarder la sorcière, feindre l’épuisement, la maladresse, tout n’était qu’une accentuation d’une faiblesse et pas un simple jeu d’acteur.

Ces petits temps de repos accumulés eurent un effet positif sur le moral et la fatigue du jeune homme. Il se remit à préparer sa fuite.

Il avait repéré le fameux rituel de l’arrêt pour la nuit. Partir pendant la nuit était sans doute une erreur. Il s’endormait avant elle et elle était réveillée avant lui. Il vint à même douter qu’elle dorme vraiment. De plus, l’obscurité ne posait aucun problème à ces yeux animés de magie.

La seule issue était dans le moment où elle s’absentait pour partir chasser ou ramasser quelque chose de comestible. Ce moment de solitude possédait une caractéristique, un endroit calme légèrement dégagé sans risque d’attaques. L’homme avait compris qu’avant l’arrêt, la sorcière déterminait une zone, où elle était plus proche que le plus proche des dangers. Ainsi, plus la sorcière s’éloignait pour chercher de la nourriture, plus les animaux susceptibles de manger son guide était loin. Une information importante qui donnait presque une localisation des risques.

Elle pouvait partir dix minutes comme une heure. L’homme avait compris la nature des écarts de cette chasse ou cueillette. Un endroit calme pour s’arrêté la nuit était souvent une zone avec peu de ressources. La présence d’un point d’eau proche voulait dire : ressources proches. A l’inverse, un lieu sans eau évoquait un moment de solitude plus long.

De plus, certains arrêts pour la nuit se faisaient plus tôt et étaient liés au temps qu’il passerait seul. S’arrêter plus tôt et sans point d’eau voulait dire qu’il disposait d’une heure.

En plusieurs fois, il testa cette solitude. Il se balada à proximité du camp, s’éloigna. Rien. Elle ne revenait pas à la course ou plus tôt. Il aurait pu s’enfuir à ce moment-là, mais il décida à chaque fois qu’une ou plusieurs variables étaient défavorables. Celle qui revenait constamment était l’orientation, bien qu’il est compris comment la sorcière déterminait sa route, il ne voyait pas où il était et où il allait. Un point élevé n’était pas rare, mais un point élevé avec une vue dégagée sur un ou plusieurs sommets environnants ayant l’air accessibles était une chance qui ne s’était produit qu’une fois au début du voyage.

On pouvait apercevoir des sommets visibles mais très escarpés, trop hauts, enneigés. Des fois, une colline donnait à voir de très grands espaces de forêts, sans points de repères évidents. Le plus souvent, on ne voyait que des arbres donnant sur des arbres, et ne laissant envisager, que toujours plus d’arbres.

Des fois, on devinait des grands cours d’eaux, mais comme ils les évitaient et que souvent des bruits bizarres provenaient de leurs alentours, le voyageur comprit que ces lieux n’étaient pas accueillants. Surtout pour un humain en fuite.

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