Chapitre 15 - 1

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Hélène passait en revue les stations de radio. Elle n'en pouvait plus d'entendre parler de l'élection présidentielle. Elle en mangeait à toutes les sauces. Dans le journal le matin, au marché, à la télé... Ça lui passait au-dessus de la tête de savoir qui de Sarkozy ou de Royal serait président. Elle avait bien d’autres choses en tête ! À force de tourner le bouton, elle tomba sur une musique légère qui correspondait davantage à ce qu’elle avait envie d’écouter.

La vitre ouverte, les doigts laissant filer l’air, seule dans sa voiture lancée sur une départementale, Hélène profitait des derniers kilomètres qui la rapprochaient de Martin. Elle avait mis la radio à fond, chantait à tue-tête, dansait sur son siège malgré la ceinture. Elle était heureuse. C’était dur de contenir autant de joie.

Tout lui semblait merveilleux. Ce nid de poule ? Pas grave. La chaleur étouffante ? C’était l’été après tout ! Le moustique qu’elle ne parvenait pas à chasser ? Aucun problème ! Son quotidien terne dans la maison familiale prenait un nouvel éclat. Hélène s’était organisée pour être complètement libre : Irène devait rendre visite à sa mère, et ne la contacter qu’en cas d’absolue nécessité.

Elle avait longuement hésité devant son miroir. Décontracté ou plus habillé ? Un jean tee-shirt ou une robe légère ? Hélène était habituée à porter des vêtements plus confortables, qui la protégeaient des insectes, du soleil et du froid. On ne pouvait pas dire qu'elle était féminine. Non pas qu'elle ne le désirait pas, où soit réfractaire. Seulement la féminité demandait du temps, et de l'espace. Elle n'avait eu jusqu’à présent ni l'un, ni l'autre. Ses premiers essais de maquillage avaient été catastrophiques. Devant le miroir qui l'avait vue grandir, elle ne se reconnaissait pas. Hélène possédait ce genre de beauté naturelle qui ne supporte pas les artifices.

En glissant sur sa peau bronzée la robe qu'elle avait empruntée à Irène, le contact soyeux du tissu l'avait fait frissonner. Elle avait rarement porté un vêtement si doux, si aérien. Son amie lui avait mis le vêtement entre les mains en lui assurant qu’elle serait parfaite. Elle même s'était sentie étonnamment légère. Hélène avait attrapé le bas de robe et avait improvisé quelques pas d'une valse. Elle avait dansé devant son miroir, avec cette robe, avec le reflet d'une femme nouvelle. L'image lui avait plu.

Elle ne s'était finalement pas maquillée. Seul un baume à lèvres rosé avait trouvé grâce à ses yeux. Elle ne souhaitait pas se travestir.

***

Bon sang, pourquoi Tony ne fait-il jamais sa vaisselle ? Martin pesta contre son colocataire, en frottant les assiettes dans l’évier. Ensuite, après un rapide état des lieux, il s’attaqua au salon. Les coussins retrouvèrent leur gonflant, les magazines furent rassemblés et disposés sur la table basse, les vêtements ramassés et mis dans le bac à linge. Cette pièce manque d’harmonie. Il fallait qu’il attende la visite d’Hélène pour que ce détail lui sautât aux yeux. Aucun meuble n’était coordonné à l’autre, les deux copains s’étaient concentrés sur le pratique et le fonctionnel, sans se soucier de l'esthétique. Même la chambre d’un hôtel miteux aurait plus de charme, mais il était trop tard pour changer quoi que ce soit. Hélène n’allait pas tarder. Martin s'empressa de continuer le nettoyage. À défaut d'être joli, ça sera propre !

Martin jeta un œil au frigo. Trop de bières, sérieux, faut que je me calme avec ça ! OK, des fleurs et des jus de fruits à acheter. Il vérifia ensuite sa chambre en se demandant si Hélène serait amenée à y pénétrer. Sait-on jamais. Peu d’affaires traînaient. La pièce était même assez austère : un lit simple, une table de chevet, une commode, un bureau. Pas de photo. Quelques herbiers encadrés décoraient sobrement les murs.

Martin rangea ses livres laissés en vrac sur le bureau, il en fit tomber par terre dans sa précipitation. En remettant en place le tiroir de la table de chevet qui se fermait mal, son regard s’attarda sur un paquet de préservatifs. Il rougit.

Il finit par la salle de bain. Le pire. Je vais tuer ce gros dégueulasse de Tony dès qu’il revient de son week-end ! Il en profita pour se regarder dans le miroir. Pourquoi ai-je l’air toujours si coincé ? Il esquissa un sourire. Une grimace ! Deuxième tentative. C'est mieux. Il n'avait jamais prêté attention à son reflet, encore moins à ses expressions. Hélène n'avait pas dû beaucoup changer. Pouvait-il en dire autant de lui ? Il avait quatorze ans à l'époque. Ce n'était plus un ado — un homme, alors ? Martin avait du mal à assumer cette part de masculinité, de virilité. Il avait juste grandi. Certes sa voix était plus grave, ses traits plus marqués, moins joufflus. Si son enveloppe corporelle avait subi des changements il n'en restait pas moins lui-même. Il n’était pas sûr d’avoir suffisamment changé, et le désir de voir son amie le rendait fébrile. Il n’avait senti aucune transformation autre que physique. Était-il devenu un adulte sans s’en apercevoir ? Dans son imaginaire, Martin devait passer une sorte de frontière qu’un âge seul ne pouvait définir. Peut-être qu’Hélène était la frontière ?

Son mal de ventre le reprit.


Martin sortit faire quelques courses avant l’arrivée d’Hélène. Il ne pouvait plus rester chez lui à tourner en rond.

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