Chapitre 35

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Illusion

• Erin •

Avant que nous partions de la maison, les plans pour la soirée avaient changés. Ce qui devait être au départ un verre avec quelques copains dans un bar, c'était vite transformé en fête de retour en plein air. Cette idée m'avait ravie, pour une fois il serait bon pour moi et mon estomac fragile d'être dehors plutôt qu'enfermés.

L'euphorie du moment s'était mélangée avec mon appréhension désormais. J'avais peur de me retrouver sur un terrain inconnu avec tout autant de gens inconnu. Mon seul repaire, mon seul soutiens et ma seule barrière dans cette cohue serait Logan . Cela ne me rassurait pas et pourtant j'avais hâte.

Logan était à la fois beaucoup trop bavard et même temps très flou sur ce que nous allions faire. Il ne cessait de me parler de ses amis sur le chemin, je ne les connaissais pas et il avait beau m'en dire tout le bien du monde, cela ne changeait pas la situation pour autant.

Si je n'étais pas entourée de toute la bande de marginaux que j'adorais, mon courage devenait plus fuyant. Une pensée qui était douloureuse, mais moins que je ne l'aurais prévu. Pourtant il y a quelques jours à peine j'étais partie dans la boîte de nuit la plus proche, à pied ne me dégonflant pas une seule seconde. J'étais bien trop en colère pour penser à ce genre de petits détails ce jour-là. Un souvenir qui encore une fois, fut moins saisissant que dans mes souvenirs.

C'était sûrement l'effet des champotes qui arrivait. Je les avais pris derrière le dos de Logan . Ils étaient cachés depuis des jours dans la poche de ma veste. Que Tyron les aient trouvé et confisqué de chez moi, m'avait appris la leçon. Si Logan l'apprenait, s'il le voyait, il ne ferait pas semblant de ne rien comprendre cette fois.

Heureusement, le garçon était déjà bien éméché par les verres d'alcool pur et les joints qui avaient tournés. Cependant, je devais faire gaffe à ne pas avoir l'air trop défoncé, c'était bien la première fois d'ailleurs. La bouteille à la main nous avons continué de marcher dans les bruits de campagne s'élevant dans la nuit.

  • On arrive bientôt. Fit Logan , entre deux halètements.

Oui, je pouvais sentir les odeurs de feuilles mouillées depuis que nous étions entrez dans la forêt, et désormais, une lumière au loin montrait le bout de son nez.

Tout avait bien commencé. La musique, les gens, l'ambiance et ma défonce.

  • Comme la fois où Logan c'est fait piqué par une méduse ! hurla de rire Andrew .

  • Arrêtez de me foutre la honte ! se plaignit mon ami blond. Tandis que depuis une heure je riais des anecdotes croustillantes qu'on me racontait. Erin va me prendre pour un taré.

  • C'est déjà le cas Dis-je amusée.

  • En même temps quelle idée d'aller se baigner dans l'océan à poil. Renchérit le trentenaire prénommé Nam.

  • Quoi ? Pourquoi il a fait ça ? Demandais-je.

Je pouvais voir Logan faire de grands signes silencieux à côté de moi. J'en sourie. Son ami eu l'air de compatir.

  • Et toi des histoires amusant avec notre bon vieux Logan ?

Le concerné était à deux doigts de pleurer tellement les humiliations étaient grandes.

  • ...Je te le dirais plus tard ! Dis-je euphorique.

Oui, tout avait bien commencé. Logan me traînait dans chaque petits groupes qui s'étaient formés autour du feu de camps géant. Autour du crépitement des flammes, certains jouaient d'autres dansaient sur une musique psychédélique.

Moi, j'étais obnubilée par les flammes. Lumière dansant au gré du vent et des mouvements de foule. Je n'écoutais même plus les voix. Le verre dans ma main était plein ou vide, je ne le savais même plus. La musique que je n'aimais déjà pas à la base, devint alors la source d'un bruit affreusement déplaisant, mais j'étais bloquée sur ce feu si beau, si apaisant. Je voulais le toucher, avancer ma main dedans, me faire entièrement aspirer par cette chaleur tendre, mais mes mains étaient fermement agrippées à ma boisson. Impossible de les bouger.

Je rassemblais mes forces pour être un minimum objective sur la situation. J'avais envie de danser...enfin il me semblait. Je me suis mise debout après plusieurs minutes de concentration. J'étais dans un état d'exaltation et d'allégresse absolument fabuleux. au milieu de tous ces gens, mes mouvements semblaient cosmique.

Enfin, je planais. Enfin, la défonce.

Elle qui me permettais de survivre, d'oublier et de ressentir chaque chose autour de moi. Comme si le monde prenait enfin un sens tellement profond que je trouvais mes problèmes d'une futilité déconcertante. Même si cela faisait seulement quelques heures que j'étais clean, je ressentais le manque comme des années. C'était peut-être le moyen le plus facile, mais c'était le seul moyen que je voyais pour m'empêcher de voir les conséquences de ma vie. J'étais devenue experte. Une experte de la fuite en avant.

  • Logan ? Appelais-je sans conviction. Seule parmi tous. Bordel il est où ce con. Eh Logan ! Hurlais-je agacée de son absence.

Comme un chien qui revient à son maître, le blond me sauta sur le dos et me renversa de l'alcool plein les mains. Aucune importance.

  • Pourquoi tu ris ? Me dit-il riant sans comprendre.

  • La vie est belle mon pote !

  • Ah ! J'aime entendre ça !

  • Verre vide ! Criais-je. Incapable de former plus de deux mots.

  • Viens !

Je suivis Logan dans la foule. C'était non sans mal, du monde était arrivé avec les heures qui défilaient et je ne savais plus vraiment où donner de la tête. Heureusement, le blond était reconnaissable parmi les autres. Un peu plus grand que la moyenne je suivais la traînée lumineuse que sa chevelure laissait derrière lui. Une traîné lumineuse....Ma défonce grimpais. Merci à toi alcool, de m'aider. Nous arrivâmes, enfin, hors du plus gros de la foule. Plusieurs personnes étaient là, dont le fameux Nam . Quel nom de merde.

Qui pouvait prendre un surnom pareil au sérieux ? Damon , ça c'était cool comme prénom. Cela inspirait la crainte, la méfiance.

  • Tiens ton verre. Chantonna l'Hughes .

Je le pris sans vraiment faire gaffe. J'étais beaucoup absorber par le séduisant crétin. J'avais l'impression qu'une légère lumière sortait des pores de sa peau. Cela lui donnait un air d'ange. Logan Hughes . Mon unique option comme il m'avait dit. Peut-être était-ce vrai.

  • Ça va ? Me demanda le jeune homme.

J'acquiesçais, un sourire béat collé au visage. A chaque minute tout était de plus en plus brillant atour de moi. Je bu mon verre cul sec. Pas une bonne idée. J'attrapais mon paquet de cigarette et je m'allumais un joint roulé au préalable. Pas une bonne idée non plus. Je devais tout essayer pour rester dans cet état le plus longtemps possible. Bien, que ma lucidité tombait dans la noirceur, ma vue elle, était toujours fragmentée, colorée et au ralentit. Une neige synthétique, comme un voile c'était installée devant mes yeux. Si je faisais un mouvement sur ma gauche la lumière bougeait avec moi comme une vague aux couleurs éblouissantes. Un pas sur ma droite, elle me suivait toujours. Combien de temps encore ? Suffisamment j'espérais.

Au bout d'un moment, d'un très long moment. Le sang qui battait si fort dans mes tempes se calma. Un prénom me sortit quelque peu de mes songes.

  • C'est dommage que Damon ne soit pas venu.

  • Tu le connais plutôt les études que le plaisir ! Répondit Logan heureux de pouvoir parler de son ami.

  • Bof, c'était cool quand on réparait la moto du vieux ! il est pas idiot !

  • Il a réussi à la revendre pas mal.

  • Heureusement, Dean connais du monde.

Conversation inutile, ennuyeuse et agaçante. Entendre parler de la famille Atkins maintenant, non merci. Je ne voulais, ni ne pouvait me permettre de penser à ce garçon. Il était une épine dans mon pied depuis un moment déjà, ma kryptonite à moi. Je préférais rester dans ce halo lumineux et rassurant qui émanait désormais de la moindre chose autour de moi. Comme j'étais bien. Comme j'étais calme.

  • Tu vas ou ? Demanda Logan

  • Pisser.

Piètre excuse, je ne pouvais plus parler correctement alors le plus court était le mieux. Je marchais, c'était une certitude. Pour le reste j'étais submergée de bien trop d'images pour le comprendre. La couleur des feuilles au sol, la lumière de la lune, les flammes du feu de joie. Toutes les couleurs étaient plus intense, plus aveuglante. Pour la première fois je voyais les choses telles qu'elles étaient, ou du moins je le pensais.

Je réussi à me percher sur une grosse roche détachée de la montagne au loin. Je ne sais même pas comment j'ai fait. Tout tanguait et en même temps tout était au ralentit. Cela ne me laissait pas beaucoup d'option pour trouver mes appuis sur mes pieds.

Oui, j'étais bien. Les choses devant moi se distordaient. Le mouvement des personnes quelques mètres plus bas, étaient hypnotisant. Je pouvais voir les sons, entendre le bruissement des arbres nus malgré le sifflement permanent. Voir les lumières des étoiles illuminées si bien le ciel, que j'étais incapable de savoir si il faisait jour ou nuit. Rien n'allait, rien n'était normal et pourtant je me sentais plus entière que jamais.

Et puis, elles sont arrivées par surprise. Sans prévenir, tels des lionnes affamées, l'angoisse et la redescente ce sont emparées de moi. Encore. Un cercle vicieux, que je connaissais pourtant par cœur.

Le bourdonnement dans ma tête augmenta avec force. Mon rythme cardiaque accéléra. J'avais chaud, je sentais les gouttes de transpirations sur mon front, le vertige et l'étourdissement laissaient place à une vision qui me tétanisa d'horreur.

Je clignais des yeux. La vision cauchemardesque toujours présente. Sans une seconde de plus, mon corps jusque-là endoloris et amorphe s'éveilla.

  • Maman...Soufflais-je ne voulant pas croire mes yeux.

C'était elle je reconnaîtrais ma génitrice entre milles. Ses yeux, sa bouche ses joues, ses cheveux...son sourire... Elle était loin derrière la foule, silhouette a part des autres, je savais que c'était elle. Un rêve, une hallucination, un souvenir ? La vision était bien trop parfaite pour que je veuille la comprendre.

  • Maman...

Je sautais de mon roché et je courais. Si vite, si intensément. Je bousculais beaucoup de monde sur mon passage Je n'avais pas le temps pour passer gentiment en m'excusant. Elle était là, elle était bel et bien là. Maman.

Une bouffée de chaleur emplit mon cœur et pendant une seconde je le sentis de nouveau comblé. Quand j'arrivais à son endroit elle n'était plus là. Aussitôt je balayais du regard les alentours. Elle était parmi les arbres de la forêt, pourquoi je n'arrivais pas à m'approcher ?Ma course folle reprit. Je m'enfonçais dans la pénombre de cette nature morte. C'était la galère, il n'y avait pas d'autre mot. Mes jambes me paraissaient si lourde, mes sens beaucoup trop en alerte et ma vue beaucoup trop flou. J'étais au paroxysme de ma défonce et courir était la seule pièce que je pouvais assembler dans ma tête.

Elle était belle et bien réelle, me répétais-je, sourire aux lèvres. Les branches me fouettaient, l'une d'elle arracha même mon pull. Mes jambes ne voulaient plus s'arrêter. J'ai courais encore et toujours plus vite. Mes pieds, qui étaient mal accordés à mon cerveau, me laissèrent tomber juste un instant et je chutais sur le sol humide et terreux. Les images se brouillèrent un moment, puis revinrent dans une quasie normalité. Je me relevais temps bien que mal, me foutant de ce qui se passait autour de moi. J'étais presque certaine que ma mère était partie droit devant. Alors je me remis à courir de plus bel espérant revoir ce mirage.

Deuxième chute. Cette fois, un peu plus violente. Les genoux écorchés, les larmes aux yeux. Je commençais à comprendre que je courais après une illusion.

  • Maman ! Hurlais-je au milieu des bois noirs et silencieux.

Rien. Non, non, non ! Impossible tout mais pas ça. Cette image était trop parfaite trop réelle pour que je sois en train d'halluciné. L'anxiété me gagnait. Non, elle était là !

  • Reviens ! Hurlais-je un peu plus fort.

Elle ne pouvait pas m'abandonner dans ces bois, au milieu de nulle part. Pas encore. J'avais chaud bordel ! Les larmes commençaient à me coincer la gorge.

  • Maman. Répétais-je faiblement la gorge serrée.

Je sentis une main se poser sur moi, aussitôt je bondis de deux mètres.

  • Tu cours vite. Dit, un Logan bourré et haletant par cette course poursuite folle.

Je ne comprenais pas. Pourquoi lui ? Ce n'est pas lui que je voulais voir. Je regardais autour de moi à nouveau. Elle était partit. Elle n'était plus là. Elle n'est plus là, répétais-je en boucle dans ma tête.

  • Erin ? Qu'est-ce qui ne va pas ? Demanda le blond définitivement inquiet

Ses mains encadrèrent mon visage brûlant. Elle n'était plus là. Oh bordel c'était de pire en pire à chaque fois. Les larmes au coin des yeux, je cherchais une réponse. Le visage recouvert de traces de terre, les pupilles dilatées, quelques feuilles dans ma tignasse emmêlée, aucun doute que j'étais ironiquement pitoyable.

  • Tu veux t'assoire ?

Non.

  • Je veux....articulais-je avec beaucoup de difficulté.

Qu'est-ce que je voulais dans le fond ? Des amis ou être seule ? Aimé ou détesté ? Détruire où accepter ?

  • Je veux que ça s'arrête. Dis-je dans un soupir.

Je voulais que la douleur cesse, qu'elle me laisse en paix juste une fois. C'était de la torture, je n'en pouvais plus. J'attrapais ma poitrine comme pour contenir cette souffrance qui me brûlait les organes, je m'accroupis près d'une souche d'arbre.

  • Erin ...

Je pus entendre dans mon prénom à quel point Logan ressentait ce que je ressentais. Il souffrait avec moi à l'instant même et c'était en quelques sortes rassurant. Il vint s'assoir à côté de moi. Et d'un seul bras m'agrippa tout entière. Son étreinte faisait presque mal. Il me serait si fort, que je crus qu'il essayait d'aspirer tous les tourments qui pouvaient me passer par la tête.

  • On rentre.

Ni une ni deux, je me retrouvais sur son dos, pleurant à chaude larme comme une gamine capricieuse. Ce n'est qu'à la lisière de la forêt que je me calmais.

  • Tu te sens mieux ? Me demanda enfin le garçon.

Je ne pris pas la peine de répondre, ma joue calée sur son épaule j'étais dans une position agréable.

  • Tu es en colère ?

Toujours pas réponse, il tentait tant bien que mal de nouer une conversation que je n'étais pas en état d'avoir. Logan cessa les questions, Il n'était pas comme Damon. Où du moins tout les différenciait. Cependant un petit détail les liait et j'arrivais enfin à mettre le doigt dessus.

  • Vous avez le même regard.

  • De qui tu parles. Soufflais-je

  • Toi et Damon .

  • Ah ouais ? Et quel regard ont a ?

  • Celui des gens qui ont vu la mort de trop prêt...

Pendant un instant le jeune resta neutre.

  • Toi aussi.

  • Je sais.

Je me suis endormie trop étourdie et épuisée.

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