Chapitre 33

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Absence 2

• Damon •

Je réussissais presque, j'étais à deux doigts d'oublier le siège vide non loin de moi. Deux semaines que je n'avais aucune nouvelle. Ses cheveux roses, ses yeux verts, son tempérament ... j'arrivais pratiquement à l'annihiler de mon existence. Tant que je la savais loin, cela était simple. C'était tellement simple, que je ne pouvais m'empêcher d'être fier de moi.

Il faut dire, j'étais passé maître dans l'art d'enfouir au plus profond de moi tout ce que je voulais oublier. Avec la pratique, c'était un jeu d'enfant. Tout d'abord, toujours réfléchir, ne jamais se laisser aller. Les études étaient de nouveau ma priorité. Je pouvais également remercier mes amis qui ne m'en avaient pas touché un seul mot. Ensuite, le contrôle total de mes émotions. C'était tout de suite moins facile, je pouvais vite retomber dans mes angoisses quand je remarquais aussi l'absence de Logan. Je ne pouvais m'empêcher de m'inquiéter pour mon ami, si bien que mon inquiétude pouvait vite se transformer en paranoïa. Cependant, dès que mes pensées s'attardaient sur la rose, j'adoptais la technique honteuse de l'insulter intérieurement. C'était ma seule façon de me protéger. Pourtant, je faisais attention, si bien que je ne prononçais même plus son prénom. Cette fille, elle, l'autre conne... toute astuce mentale me permettant de m'éloigner d'Erin me convenait.

Deux semaines paisibles en outre. En revanche, une autre contre qui j'arrivais parfaitement à extérioriser, c'était Hailey. Oh que oui ! Cette nana en prenait plein la figure dès que j'en avais l'occasion. Au fil des jours, elle s'était mise à riposter et maintenant, je pouvais dire honnêtement que nous nous détestions. Je ne savais pas si ce serait définitif, mais je m'en fichais. C'était dommage pour Hailey que mon meilleur ami ne soit pas présent pour me calmer, mais il était déjà en train de jouer les garde-fous avec quelqu'un d'autre.

Mes yeux dérivèrent vers Marlow. Après notre petite discussion, la logique voulait que les choses soient mises au clair, mais s'était sans compter sur l'idiotie de cette fille. Rien n'avait changé, toujours aussi insupportable, toujours aussi superficielle et malheureusement pour elle, toujours dans son mensonge permanent. Mais bon qui suis-je pour juger après tout ?

Même si elle me dépitait, à force de réflexion, j'en étais venu à la tolérer. Elle m'avait raconté très peu sur sa mère, pourtant, je voyais très bien le genre de personnage que cela devait être. Égocentrique, jalouse de son propre enfant, affreusement superficielle, autoritaire, rabaissant et j'en passe. Qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour plaire à ses parents...

Deux semaines qui se terminaient bien. L'éducation physique était la dernière matière qui me séparait de mon week-end, j'avais hâte. Mais c'était sans compter sur la petite blonde idiote que j'étais obligé de côtoyer.

  • Pousse-toi ! dis-je alors que nous nous rendions tous au gymnase.

  • Crève Damon ! Cracha-t-elle, feignant l'indifférence.

Oui, l'agressivité mordante d'Hailey , était également un bon moyen de me changer les idées. Je devais l'avouer. Nous avions commencé les hostilités aux aurores, alors que nous nous étions croisés sur la route de l'école. Son doigt d'honneur m'avait tout de suite fait penser à Erin. Ces deux-là n'avaient pas été amies pour rien. Maintenant, elle ne prenait même plus la peine d'être courtoise dans les insultes. Sans plus de paroles haineuse, je la bousculais pour passer. Après tout, c'était bientôt le week-end, je lui accordais le dernier mot dans un élan de générosité.

Autrement dit, un dernier cours qui était égal à tous les autres. Je me suis changé, je suis rentré chez moi et à peine avais-je posé mon sac sur le lit, que je voyais un sms en attente. Surprise, c'était la jeune fille que je passais ma vie à faire chier.

« Je peux te voir ? »

« Non, supprime mon numéro ! »

Quel culot !! Une petite sonnerie m'indiqua qu'elle m'avait répondu, j'étais ébahi par l'aplomb de cette fille. En quel honneur je donnerais de mon temps à Hailey ?

« Il faut qu'on parle. »

Je me réjouissais déjà à l'idée de voir une Hailey voulant faire la paix. Mon égo était plus fort que ma raison. J'acceptais de la voir, mais pas chez moi. Assez de personnes étaient venues récemment et je ne voulais pas que ma mère continue de s'inquiéter.

Alors, j'ai pris ma veste et je suis sorti. Dix minutes, plus tard, la blonde arriva devant l'entrée de mon lotissement, d'où je l'attendais.

  • Ce n'est pas trop tôt !

  • Oh ! la ferme Damon ! Je ne suis pas venue par plaisir.

  • Ben pourquoi tu viens me casser les couilles alors ?

  • J'ai un service à te demander.

  • Ah ! Riais-je. C'est la meilleure !

  • Tu ne sais même pas ce que je vais te dire !

  • Peu importe ce que tu me diras, je m'en fiche royalement !

L'atmosphère était électrique. Elle me jaugea un moment avec férocité et véhémence. Il me semblait qu'elle se retenait de me dire une insulte. Je perdais mon temps ici, comme je l'avais prévu. Mon ego pleurait un peu, lui qui pensait assister à une tentative de trêve amicale.

  • Bon, très bien... Dit-elle en me tendant une pochette noire, visiblement pleine à craquer.

  • C'est quoi ?

  • Le dossier d'Erin .

À l'entente de ce nom, ma mâchoire se serra et mon animosité contre Hailey grandirent un peu plus. Elle ne lâchait pas l'affaire, et c'était agaçant.

  • Quel dossier ?

  • Procès-verbal, rapport de police, rapport judiciaire ....son dossier.

  • Comment tu as eu ça ?

  • Tu n'es pas le seul à être ami avec Preston . J'ai besoin que tu le donnes à ton père ?

  • Quoi ? Mais tu es malade ! Jamais je ne ferais un truc pareil !

  • Ce procès était complètement bidon, lui il est avocat il saura que...

  • Hailey j'ai dit non ! Hurlais-je. Toi et ton petit dossier à la con vous pouvez vous barrer d'ici !

  • Mais tu es sérieux là ? Demanda-t-elle choquée.

  • Très . Elle m'observa un instant sans comprendre.

  • Tu ne comptes pas aider Erin ?

  • Absolument pas.

  • Pourquoi ?

  • Je n'ai plus rien à te dire barre-toi !

  • Qu'est-ce qui s'est passé ? Cracha-t-elle menaçante ! Elle a fait quoi dans le cimetière ? Et où est-ce qu'elle est en ce moment ? Pourquoi personne n'est au courant à part Candice et Logan ?

  • Allez Hailey , bouge.

  • Je veux savoir ! C'est ma meilleure amie !

  • Ta meilleure amie ? Est-ce que tu savais que ta « meilleure amie » comme tu dis se faisait sauter par un gars beaucoup plus vieux qu'elle ? Tu savais aussi qu'elle a essayé de se suicider ? Ou encore qu'elle refuse de s'approcher d'une bagnole ? Tu savais qu'elle prenait tellement de drogue qu'elle a failli crever ?

  • Arrête ! Dit-elle effrayées par ces vérités.

  • Ta « meilleure amie » comme tu dis m'as fait comprendre, ou plutôt, nous as fait comprendre qu'on devait sortir de sa vie ! Elle t'a brisé, elle a brisé Candice , Alexis et moi.... maintenant elle s'apprête à entraîner « mon meilleur ami » dans ses conneries, alors permet moi de te dire que je n'en ai strictement plus rien à foutre d'Erin Summers , reine des fouteuses de merde.

Enfin, il semblait que l'ambiance autour de nous deux devenait beaucoup plus calme. Où peut-être était-ce juste moi qui venais de vider mon sac. Je venais de la faire taire. J'en avais assez de cette fille naïve et inconsciente au monde qui l'entourait. Hailey croyait tout savoir, mais elle n'était rien de plus qu'un débris du passé d'Erin qui s'accrochait à une amitié qui n'existait plus.

C'est bon, t'as fini ta petite crise ? Erin avait raison... je pensais que tu étais amoureux d'elle. Mais elle avait raison. C'était simplement une illusion. C'était juste de la pitié et de la culpabilité...

Je plissais les yeux. Qu'Hailey me sorte une telle chose me déstabiliser un peu, j'imaginais mal Erin glissé des confidences à mon sujet, pourtant, il semblait que j'eusse eu tort. La blonde n'avait pas conscience du sens de ses propres mots. Moi, je les avais déjà pris en pleine tête par la principale intéressée.

  • On est d'accord sur un point au moins. Je me fiche de ce qu' Erin a pu te dire sur moi.

  • Si tu te fiches d'elle, alors pourquoi tu me saoules à longueur de journée ? Chanta-t-elle, supérieure.

Aie touché ! Feindre l'ignorance était facile, ignorer vraiment n'était pas possible.

  • Tu l'abandonnes en faisant ça.

  • C'est exactement ce que tu as fait non ? Répliquais-je. Je la vis piqué au vif.

  • Et toi ? Tu étais ou quand ils sont morts ? Me dit-elle calme. Je ne répondis pas. Moi, j'étais là. Et je peux te dire que ce n'était pas la pire nuit de sa vie uniquement pour Erin. Tu n'étais pas là pour lui tenir la main pendant qu'on lui annonçait que sa mère était morte, ce n'est pas toi qui empêchais le crâne de son père de pisser le sang pendant qu'on attendait les secours. Ce n'est pas toi qu'Erin a appelé quand elle a eu besoin de soutiens. C'est moi.

Ses paroles me décrochèrent un frisson. Je ne pouvais rien dire à tout cela. Pour moi Hailey était un simple souvenir, autrefois, je voyais toujours ces deux masses roses et blondes collées ensemble, elles étaient presque indissociables. À l'époque, Erin ne faisait que me parler d'Hailey à longueur de temps. Je trouvais cela fatiguant et ennuyant. Un mur entier de sa chambre était dédié à leur amitié. Des photos, des petits mots envoyés en classe jusqu'au bocal de sable ramené des vacances. Tous les souvenirs d'une vie étaient réunis là. Cependant, la chambre d'Erin était désormais vide d'une quelconque amitié avec Hailey. L'effort ultime pour effacer tout souvenir d'attachement.

Cette période fut si brève à mes yeux, quelques détails par-ci, par-là qui ne me donnaient jamais de réponse satisfaisante à mon éternelle question. Comment on en était arrivé là ?

Pourtant, même si elle était reléguée au rang d'ombre dans la vie d'Erin , j'en avais facilement oublié sa place auprès d'elle. Hailey avait été le seul et unique témoin de ce drame. L'instant fatidique où l'enfer avait remplacé le paradis, cette fraction de seconde où une vie basculait. Hailey devait forcément savoir.

  • Tu étais avec elle.....

  • Du début à la fin.

  • Alors explique-moi ce qui s'est passé ?

Pendant qu'Erin avait disparu, Hailey sous un coup de sang avait déjà dit ce genre de mots à Tyron. À ce moment-là, j'étais tellement confus et inquiet que je n'avais même pas fait le rapprochement avec les centaines de questions que j'avais. La blonde prenait visiblement un malin plaisir à remettre à sa place ceux qui faisaient mine de tout savoir sur Erin. Oui, une chose était sûre, à ses yeux, leur amitié n'était pas finie. En une seconde, finie les bonnes résolutions, finies de brimer mes émotions. Je voulais savoir, j'avais toujours voulu savoir.

  • Pourquoi elle n'arrête pas de dire que tout est sa faute ?

L'instant d'après, c'est moi qui venais de déstabiliser Hailey. La détresse passa dans ses yeux, comme si faire sortir les mots de sa bouche était impossible.

  • Si Erin ne t'a absolument rien dit, ce n'est pas à moi de le faire.

  • Non pas ce refrain s'il te plaît ?!

Mon changement d'attitude était si soudain, que moi-même, je ne savais pas comment réagir. J'étais presque dans la supplication. Elle me regarda détourna les yeux et soupira.

  • Non, je ne peux pas faire ça à Erin . Mais ...si tu as besoin d'en savoir plus...

Pour accompagner son geste à la parole, je la sentis prendre ma main l'ouvrir et y insérer un objet.

  • Une clé USB ? Il y a quoi dessus ?

  • Tu en fais ce que tu veux. Tu regardes, tu la brûles. Ce sera ton problème. J'espère que tu ouvriras les yeux sur la connerie que t'es en train de faire.

Elle m'avait donné l'objet avec hâte et désormais, je la voyais le regarder avec dégoût. Je ne savais pas si ce comportement était bon signe, même si j'étais curieux, je ne l'étais pas au point de voir quelque chose qui rendait visiblement Hailey très mal à l'aise.

  • Tu es blême ? ça va ? m'enquis-je.

  • Ouais, c'était avec le dossier ...mais...je ne peux pas garder ce truc avec moi.

Elle partit ainsi sans plus de mots. Elle était visiblement plus pressée qu'à son arrivée. Moi, je regardais la petite clé USB noire, je me demandais si c'était vraiment une bonne idée que je regarde son contenu. Des mois, que je me posais des questions auxquelles je n'avais pas de réponse.

Et puis merde, il fallait que je sache.

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