Chapitre 12: Hystérique.

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Chapitre 12: Hystérique.

Une lumière arriva jusqu’aux paupières de Gabrielle, brillante, désagréable. Elle ouvrit les yeux lentement, son corps lui semblait lourd, engourdit. En un clin d'œil, elle reconnut sa chambre. Il ne lui fallu que quelques secondes pour se souvenir de ce qui aurait pu la conduire ici, posée sur son lit, encore habillée.

A ses côtés, Pierre, son père et son médecin de famille étaient présents. Gabrielle se redressa un peu.

“Bienvenue parmi nous. sourit le Dr Petit.

Son sourire chaleureux et doux fit remonter de nombreux souvenirs d’enfances fugaces.

  • Suis-je restée inconsciente longtemps?
  • Suffisamment pour que j’ai le temps de te ramener ici et de faire venir le médecin. Souffla Pierre.

Gabrielle vit tout de suite sur son visage que Pierre était agacé, et son père n’avait toujours pas ouvert la bouche.

  • Votre tension est remontée, c’est une bonne chose. Vous allez rester au repos pour le reste de la journée, et si quelque chose n’allait pas, rappelez moi, d’accord? annonça le médecin, rangeant ses affaires.
  • Très bien. Merci d’être venu si vite docteur.”

Alphonse raccompagna le médecin jusqu’à la porte. Gabrielle se redressa complètement sur le lit pour essayer de se réveiller un peu mieux, étant toujours groggy. Elle but de l’eau qu’on lui avait servi, et leva les yeux vers Pierre. Celui-ci était toujours debout, les bras croisés.

“Alors, ont-ils réussi à attraper l’homme que j’ai vu?

  • Non. Personne n’a rien vu, et personne n'a rien attrapé. Monsieur Dharvilliers est mort de son hémorragie presque tout seul. Tu as créé un attroupement, attirant l’attention de tout le monde sur toi. Pour rien. Siffla Pierre, semblant encore contenir sa colère.

Gabrielle resta une seconde la bouche ouverte, d'où venait une telle animosité?!

  • Mais je l’ai vu, Pierre; Il était en haut du moulin, je l’ai vu dans une de petites portes tout en haut. Je ne souhaitais aucunement attirer toute l’attention sur moi, bien au contraire. Mais je l’ai vu, il était tel que feu monsieur Dharvilliers nous l’a décrit.

Pierre décroisa les bras pour marcher vers la coiffeuse de Gabrielle. Il toucha à ses affaires, regardant son maquillage, ses bijoux…

  • Il n’y avait rien Gabrielle. Rien du tout, même pas une trace de présence humaine, pas un ballot de paille déplacé, pas une trace dans l’épaisse couche de farine qui recouvrait le sol du moulin. J’y suis allé moi-même, je l’ai vu aussi. Il n’y avait rien.
  • Je ne comprends pas…

Les bras lui en tombaient, elle avait clairement vu l’homme, elle en était aussi sûre que Pierre était devant elle dans sa chambre.

  • Ce que je comprends Gabrielle c’est que c’était la dernière fois que tu m’accompagnais sur une scène de crime. Jusque là, je trouvais ta curiosité adorable et je ne voulais pas te refuser un peu de distraction. Mais cette fois-ci, tu es allée trop loin, tu as nuit à ma carrière, tu me donnes mauvaise réputation. Si tu avais été discrète, encore… Mais non, il a fallu que tu deviennes hystérique, que tu te mettes à hurler dans la rue, et que tu t’évanouisses dans la boue pendant que la rue entière vienne assister à ton spectacle!

Gabrielle ne savait même plus quoi répondre, elle était sidérée.

  • Mais je…
  • J’espère que tu es au moins désolée, et au mieux mortifiée. Je m'investis dans cette affaire pour aider des victimes et faire avancer ma carrière et voilà l’image que tu me donnes.”

Un long silence s’installa, Pierre continuait à toucher aux affaires de Gabrielle, jouant avec son rouge à lèvres, puis avec la boîte que Armand lui avait offert et le parfum qu’elle contenait. Que répondre? Que dire devant un tel comportement et une telle mauvaise foi? Car elle ne voyait rien d’autre que l’expression de la jalousie et de l’égo mal placé de Pierre. Elle savait ce qu’elle avait vu et lui non. Cependant, il refusait de la croire sur parole, la traitant d’hystérique. Très bien. Elle inspira profondément avant de parler d'une voix très calme.

“Eh bien je suis désolée Pierre, mon intention n’était point de te faire passer pour un amateur. Tu me penses hystérique, soit. Tu diras que l’odeur du sang et la situation me sont montés à la tête, ce qui n’est pas un mensonge; mais aussi, que mon esprit tendre et impressionnable de femme m’ont joués des tours. Je te présente mes excuses et je vais dès à présent me retirer pour me remettre de mes émotions.

Elle avait planté ses yeux dans ses siens, et serré les poings pour ne pas montrer qu'elle tremblait de rage.

  • Si tu veux bien m’excuser.”

Le pas ferme, elle s’avança vers la porte pour inviter Pierre à quitter sa chambre. Son fiancé claqua la boite sur la coiffeuse avant de partir sans un mot de plus. Il savait qu’il ne pourrait plus rien obtenir de Gabrielle, il avait eu ses excuses, alors qu’il sorte de sa chambre. Gabrielle ferma la porte brutalement sur son passage, puis s’y enferma à clef. Elle ne voulait plus voir personne, plus entendre qui que ce soit car maintenant il lui fallait prendre le temps de digérer tout ce qu’elle avait encaissé ses dernières heures. Il était à peine midi et ce qu'elle avait vécu en une matinée était plus palpitant et bouleversant qu’une vie entière.

Littéralement sous le choc, elle prit le temps de s’asseoir sur son lit pour reprendre ses esprits. Il lui fallait apaiser sa colère qui était toujours bouillonnante, elle avait envie de tout jeter par la fenêtre, de casser tout ce qui lui passait par la main. Mais c’aurait été céder à la colère, et ce n’était pas digne d’elle, tout ce que cela lui aurait apporté c’est être exactement comme Pierre. Quelqu’un qui n’en valait pas la peine.

Ce qui lui faisait horreur c’était la présence de son père. Il avait dû discuter avec Pierre et Dieu seul sait ce qu’il avait pu lui raconter. Gabrielle entendait bien que son malaise et ses cris avaient pu attirer l’attention et mettre Pierre mal à l’aise, elle n’était pas sotte et reconnaissait ses torts. Mais de là à la prendre pour une hystérique, de l’insulter et la rabaisser? Non, cela, elle ne l’acceptait pas. Gabrielle avait horreur de l’injustice et en être elle-même victime lui hérissait le poils.

Dorénavant, il allait falloir ruser car Pierre ne lui donnerait plus aucune information, l’incident allait sûrement lui servir de leçon. Il lui avait dit qu’il ne l’emmenerait plus sur des scènes, mais Gabrielle était certaine que Pierre ne lui demanderait plus de l’accompagner non plus en repas d'affaires ou à son bureau, tout du moins, pour le moment. Il finirait forcément par avoir besoin de sa compagnie, cela faisait toujours bien mieux de se présenter avec son épouse, cela rendait plus humain, plus sympathique. Mais en attendant que les choses changent à nouveau, il se passerait sûrement longtemps… Gabrielle n’allait plus avoir d'informations sur l’affaire et ça, ce n’était pas possible. Elle l’avait vu le tueur, il aurait pu être n’importe qui, un fermier, un enfant qui jouait là, mais non, Gabrielle en avait l’intime conviction, c’était lui. La victime, Monsieur Dharvilliers, avait décrit des choses tellement effrayantes, tellement hors du commun… Soudainement, le docteur Courtois revint à l’esprit de Gabrielle, lui et son histoire de tueur en série, ou d’animal meurtrier… et si l’homme possédait la force d’un animal? Il avait brisé les bras de la victime, il lui avait cassé les côtes, les clavicules et le sternum, et il avait probablement encore bien d’autres fractures qui n’avaient pas été découvertes… Cela tombait sous le sens, et en même temps, n’en avait quasiment plus. C'était un être humain qui avait fait cela, quelqu'un avait été témoin et cela changeait radicalement les choses car d'une certaine façon cela allait dans la direction des découvertes du Docteur Courtois. Il savait forcément quelque chose que les autres ne savaient pas, et peut-être Armand l'avait-il découvert lui aussi? Le faisant muter? Où alors, il l'avait cru trop fou pour permettre à quelqu'un dans son genre de rester près de l'affaire, faisant du tort à Pierre...

Réfléchissant rapidement, Gabrielle chercha comment rencontrer le Docteur Courtois, il fallait qu’elle le voit et qu’elle ait une discussion avec lui. La meilleure personne pour retrouver quelqu’un aurait été Armand, mais Gabrielle avait depuis peu un avis très réservé sur les intentions de celui-ci et ce dit que pour le moment ce n’était sûrement pas opportun de lui demander quoique ce soit. De toute manière, il était toujours absent.

Pourquoi pas commencer par la police et tenter de joindre le commissaire Taylor…

Gabrielle fit appeler une domestique pour l’aider à se changer et se préparer, elle avait une course à faire jusqu’à l'hôtel de police. Au diable les ordres pour l'appeler à se reposer, elle aurait une vie entière avec Pierre pour s’ennuyer et dépérir.

***

Il n’avait fallu que quelques heures à Gabrielle pour retrouver la trace du docteur Courtois, étrangement, elle n’avait pas eu à forcer la main à tant de gens que cela. Gabrielle avait simplement dit qu’elle cherchait le médecin pour que son futur mari ait un entretien avec lui, de façon non officielle. Les gens n’avaient semblé choquer personne, on lui avait donné l’adresse de l'hôtel où il séjournait, ainsi que le numéro de téléphone.

Elle allait prendre rendez-vous avec lui, dans un endroit discret pour pouvoir parler. Il fallait absolument qu’elle en sache un peu plus, Eugènes Courtois était l’homme qui allait sûrement pouvoir comprendre et faire des conclusions logiques. Lui seul savait ce qu’elle avait pu voir, ou du moins il pourrait la croire.

A peine rentrée chez elle, Gabrielle tomba nez à nez avec son père, et elle se crispa: elle aurait dû être dans sa chambre en train de se reposer.

“Gabrielle! Que fais-tu dehors?

La jeune femme referma la porte d’entrée, face à elle son père était fixe sur pieds, semblant prendre toute la place dans le hall.

  • Il fallait que je sorte. éluda t-elle.
  • Tu devais rester ici et te reposer, le médecin ne t’as pas autorisée à sortir.

La colère s’était réanimée en son sein, cette petite promenade l’avait calmée, mais visiblement pour seulement un instant.

  • Il fallait vraiment que je sorte. Appuya-t-elle, se voulant volontairement isolante.

Gabrielle retirait sa veste, posait son chapeau, évitant le regard de son père.

  • Pierre a appelé pour s'enquérir de ta santé, et tu n’étais pas là. Je ne vais pas mentir pour toi, je lui ai dit que tu t’étais absentée après que ta femme de chambre ai trouvé tes appartements vides.
  • Cela m’importe peu, je n’ai pas besoin que tu mentes pour moi. J’étais absente, et voilà tout. Je suis assez grande pour me débrouiller avec mon fiancé.
  • Gabrielle! Pourquoi es-tu si odieuse? Cet homme s’inquiète pour toi, te ramène ici, appelle le médecin, et toi voilà comment tu le traite?! Il mérite un minimum de respect et d'obéissance de la part de sa future épouse.

Gabrielle ne put en entendre plus, elle fulminait tant la colère lui brûlait tout le corps.

  • Je vous demande pardon? Papa, vous vous en faite pour moi et vous n’acceptez pas mon attitude? Pourtant vous me connaissez suffisamment pour m’avoir cherché un mari qui me siérait, quelqu’un qui supporterait mon tempérament, qui serait suffisamment digne de moi. Et voilà que vous me faites la leçon dans le hall d’entrée parce que je suis un problème d’après un inconnu de notre famille? Vous ne le connaissez pas, papa, croyez moi, sinon vous n’auriez jamais dit oui. Je suis une insolente, une fille irrespectueuse et une fiancée épouvantable, soit.

Alphonse resta quelques secondes figé, visiblement contenant sa colère.

Il se passa un long moment pendant lequel aucun des deux ne dit quoi que ce soit. Gabrielle commençait à sentir l’énervement redescendre et voilà qu’elle regrettait déjà de s’être énervée contre son père.

  • Excusez-moi, papa, je me suis emportée. je n’aurais pas dû vous parler comme ça.
  • Je vais prendre cela pour de la souffrance Gabrielle, et pas un manque de respect. Mais je t’en prie, contrôle toi. Je te l’ai déjà dit, personne n’aime une femme qui déborde de sa place. Et tu débordes.”

Gabrielle serra les dents, avant d'acquiescer. Ce n’était plus le moment d’en rajouter, vraiment plus du tout. Son père soupira longuement avant de libérer le passage pour la laisser remonter dans sa chambre. Sans demander son reste, Gabrielle se mit en mouvement pour rejoindre l’escalier.

“Va te reposer, Pierre vient te chercher demain pour 18 heure, il est donné une soirée pour le début de la campagne pour les élections municipales de Paris. Il veut que tu portes la robe que tu avais pour vos fiançailles, la verte.”

Alphonse s’en alla vers le salon, laissant Gabrielle au milieu des escaliers, agacée. Une nouvelle soirée à devoir endurer Pierre en public. Eh bien elle avait eu tort, Pierre voulait bien d’elle pour apparaître en public. La nouvelle la soulageait d’un sens. Plus vite elle retournerait en public, plus vite il pourrait de nouveau la supporter à cette place.

Gabrielle rejoignit sa chambre et s'assit sur son lit, ses forces la quittèrent progressivement. Oui, elle avait bien fait un malaise le matin même et n’avait pas encore recouvré toute sa santé. voilà des mois qu’elle était fatiguée souvent, qu’elle enchaînait les cures de fer, les heures de repos, les nuits interminables. Avoir une petite santé lui coûtait beaucoup trop, elle aurait rêvé de retrouver son énergie d’avant. Mais voilà où elle en était, à faire des malaises pour un oui ou pour un non, le port du corset n’aidant sûrement pas, mais Pierre aimait cela et voulait la voir avec. Gabrielle ouvrit son armoire pour sortir sa robe de fiançailles, celle que Armand lui avait fait faire… soupirant, elle fit appeler une domestique pour lui donner à nettoyer et préparer pour le lendemain. Puis elle retira ses vêtements pour aller se reposer car malgré tout, cette sortie bien que nécessaire lui avait coûté beaucoup de force. Elle avait besoin de dormir.

A suivre...

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