Confrontation

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Alors que je cherche Namid dans le dédale de couloirs je tombe nez à nez avec Abby.

– J’ai appris la grande nouvelle.

Je plisse les yeux, méfiante

– Laquelle ? Celle de mon retour ou celle de mon départ prochain ?

Elle esquisse un sourire.

– A vrais dire les deux. Je ne pensais pas qu’on te reverrait un jour.

– Déçue ?

– Non, surprise seulement.

Nous nous dévisageons quelques instants. Son visage ne rayonne d’aucune expression, il reste neutre. Abby romps le silence :

– Pourquoi pars tu ?

Elle se cure les ongles en même temps manifestant un désintérêt total pour la réponse. Mais je commence à connaître Abby. En réalité la réponse l’intrigue beaucoup mais elle ne se l’avouera jamais à elle même. Elle s’en tient à son rôle d’insensibe.

– Je pars retrouver Ayden.

Elle hausse les sourcils en me regardant. Comme si l’accent circonflexe de ses sourcils voulait me dire « Est-tu sérieuse d’abandonner tout ça pour lui ? »

– Quoi ?!

– Ho rien…mais sais-tu ou il est ?

– Bien sur que non comment voudrais tu que je le sache ?!

Je suis agressive. Je n’aime sa façon de me narguer et je sais qu’elle y prend un malin plaisir.

– Quand je l’ai vue le jour de ton départ il m’a dis qu’il avait pour projet de retourner là ou il était employé. Apres je ne sais pas si il y est finalement allé. Il a seulement effleuré le sujet.

Je suis complètement perdue. Il serait retourné chez monsieur Harnois ?

– Qu’est ce qui me dit que tu ne me racontes pas n’importe quoi ?

– Absolument rien Séléné. Je n’ai que ma parole, à toi de voir si tu veux prendre le risque. Mais tu ne trouveras pas ici beaucoup de personnes l’ayant vue avant son départ. Moi en revanche je l’ai vue, et il était hors de lui.

Sa dernière remarche me fais mal sans que je n’en laisse rien paraitre. Je ne lui demande pas pourquoi. Parce qu’elle n’attend que ça et surtout parce que je sais très bien pourquoi il était en colère ce matin la. J’ai soudainement envie de m’enfuir de devant elle, d’aller me cacher loin de ce regard qui se délecte de mon malaise.

– Merci Abby.

Je poursuis mon chemin. J’ai envie de voir Côme, ça fait tellement longtemps que je n’ai pas vue mon ami. Je marche dans les couloirs d’un pas pressé. Lorsque je croise quelqu’un, peut importe qui, je lui demande si il sait ou se trouve Côme. Apres avoir demandée plusieurs fois, sans ouvrir la bouche on me désigne le fond, là ou les ouvrier de la terre son occupés à creuser le roc pour agrandir notre territoire. Depuis que je suis partie je suis obligée de constater que le chantier a bien avancé. J’évite un coup de pioche, me faufile en escaladant les monticules de terre pour découvrir, au fond du fond des grottes, Côme. Avant d’avancer vers lui je l’observe. Il frappe avec force, comme s’il était en colère. Tout son corps exprime une tension qu’il tente d’évacuer.

– Salut.

Je suis surprise par ma propre voie : timide. Je connais très bien Côme. Il se trouvait en face de moi avant que je fuie l’institut. Très vite nous nous sommes liés d’amitiés.

Il tourne la tête, croise mon regard et se retourne creuser la pierre, décrochant au fond de moi une pierre qui vient de tomber sur mon estomac. Je me place à coté de lui de telle manière à éviter de me prendre un coup de pioche en pleine face.

– Hé qu’est-ce qu’il y a…?

– Ce qu’il y a ? Tu veux savoir ce qu’il y a ? Il y a qu’on te faisait confiance. Tous te faisaient confiance ! Ils ont pour la majorité risqué leur vie pour toi, certains l’on perdues en essayant de te protéger. Et toi ? Tu nous lâches…

Je suis estomaquée. Je ne pensais pas un seul instant que mon départ puisse révolter à ce point. Et surtout pas mon ami. Son visage est crispé. Je suis certaine que si il avait pu me lancer sa pioche au visage il l’aurait fait.

J’ai envie de vomir. J’ai mal, tellement mal.

– Tu dois me trouver égoïste…

Côme part d’un rire méprisant.

– Si seulement tu n’étais qu’égoïste Séléné. Mais tu n’es pas que ça, tu es aussi sans fidélité, sans détermination, sans compassion et tu te moques de ce qui pourrait arriver aux autres.

Je manque de m’étrangler.

– Tu n’as pas le droit de dire ça ! Depuis que je suis arrivée ici je n’ai fais que servir la cause, servir les autres au risque de ma propre vie. J’ai fais des sacrifices, j’ai souffert mais ta colère t’aveugle complètement.

– Séléné, que crois tu qu’il va arriver à ton départ ? Qui va succéder à Namid ? Abby peut être ? Formidable, il ne manquait plus qu’on place une hystérique à la tête. Tu es pathétique. Tu pars à la recherche d’un homme que tu as abandonné. Comment crois tu qu’il va t’accueillir ?

Il marque une pause et observe ma réaction. Je suis consciente que c’est un pari risqué. Et même si Ayden ne veut plus de moi je dois faire la paix avec moi même. Je dois savoir ce qu’il en est.

– Tu peux partir maintenant. Moi je dois continuer à travailler pour le bien commun.

Il se retourne et recommence à travailler la pierre avec un acharnement renouvelé. Je n’insiste pas. Tournant les talons je m’en vais cacher mes larmes. Pourquoi le sors s’acharne t’il contre moi ? Je viens de perdre deux de mes amis successivement. Ce n’est pas un hasard, je dois me remettre en question. Je sens dans les couloirs qu’on évite mon regard, ou qu’au contraire on me fixe droit dans les yeux. J’ai déclenché une vague de colère à mon encontre.

Je m’enferme dans ma chambre, cherchant la tranquillité. Assise en tailleur sur mon lit je réfléchis à tout ça. J’ai tellement donné et j’ai si rarement reçue. Un léger toc toc est frappé à ma porte.

– Entrez.

Ma voix est lasse. Je m’attends à devoir à nouveau lutter verbalement contre un individu plein de rage. Pourtant c’est le visage défiguré de Cassie qui apparaît dans l’embrasure de la porte. Pauvre Cassie, visiblement sa brulure la démange à nouveau, rouge et boursouflée elle suinte légèrement.

– Je peux entrer ?

Je lui fais signe de la main de venir me rejoindre sur le lit. Fermant doucement la porte derrière elle, elle passe son bras autour de mes épaules.

– Tu sais Séléné, moi je comprends.

Je ne sais pas exactement à quoi elle fait allusion, à mon départ, à la réaction de Côme ou tout simplement à mon abattement. Je n’ai pas le temps de lui demander des précisions qu’elle poursuit :

– Tu as donné sans compter pour la rébellion. Tu as surmonté des épreuves que peu d’entre nous aurait surmontés. Et malgré ça tu ne t’es pas découragée. Aujourd’hui tu veux partir, alors pars. Rien ne doit t’en empêcher. Et certainement pas des personnes un peu grognons ! Ca leur passera tu verras, il faut juste un peu de temps.

– Mais Cassie, en faisant ça j’abandonne les Exclus à leur sort. Je comprends que Côme et d’autres soient en colère. C’est égoïste de ma part.

C’est étrange, j’ai comme besoin de me dénigrer face à elle. Je ne sais pas trop pourquoi. Peut être par ce que je veux qu’elle se rende compte de qui je suis réellement ou si c’est simplement pour l’entendre me rassurer.

– Mais Séléné, ce que beaucoup oublient c’est tout ce que tu as donné pour eux. C’est comme en vouloir à un cheval qui est trop vieux pour travailler. On ne doit pas oublier tout ce qu’il a fait pendant sa vie, pour nous porter, tirer les charges qu’on n’aurait jamais pu soulever. Aujourd’hui Séléné tu es trop fatiguée pour continuer. Peut être est ce seulement le temps que tu te repose je n’en sais rien. Mais personne n’a le droit de t’en vouloir. Et crois moi je ne laisserais personne parler en mal de toi en ma présence. Non mais Séléné tu as quand même dû supporter Abby !

Sa réflexion me fait rire. C’est vrai que supporter Abby ce n’est pas une mince affaire. Je déculpabilise un peu. En vérité tout sera beaucoup plus simple une fois partie de ces grottes.

– Abby m’a dit que Ayden serrait retourné en ville, chez Monsieur Harnois…qu’est ce que tu en pense ? Tu crois qu’elle me balade ?

– Non je ne pense pas. Je l’ai vue parler avec Abby peu avant son départ. Je n’ai pas eu l’occasion de le voir mais elle dit vrais dans le fait qu’elle lui a parlé. Même si elle n’en a pas parlé, à leur retour elle se sentait très mal.

Imaginer Abby être secoué de ma disparition me paraît très étrange. Je sais qu’il n’y a pas que de mauvaises choses en elle. Et maintenant je sais à quel point elles ont souffert elle et ses sœurs dans l’institut ou Namid travaillait.

– Je dois retrouver Ayden Cassie. Je dois absolument le retrouver quoi qu’il m’en coute.

Pourtant je lis une vague inquiétude sur le visage marquée de mon amie.

– Séléné tu ne peux pas partir toute seule…

Je ne pars pas toute seule.

– Ne t’en fais pas, je serais accompagnée.

A ces mots elle semble se détendre un peu. Le fait qu’elle se soucie autant de mon sors me touche sincèrement. Elle me regarde en haussant un sourcil interrogateur. Pourtant je suis mal à l’aise à l’idée de lui dire que c’est Doc qui s’est proposé de m’accompagner.

– Doc s’est proposé.

Je détourne rapidement les yeux pour ne pas avoir à regarder sa réaction.

– Tu es sérieuse ?

Je me dandine, m’enfonçant un peu plus sur le matelas mou.

– Quoi, c’est lui qui s’est proposé.

Elle lève les yeux au ciel.

– Séléné arrête de faire celle qui ne voit rien.

– De quoi tu parles ?

– Je parle du fait que tu ne le laisse pas indiffèrent.

C’est à mon tour de lever les yeux au ciel. Pourtant je sais qu’elle a raison. Mais je ne peux tout simplement pas le reconnaître.

– Ne fais pas celle qui ne s’en rends pas compte je sais très bien que tu l’as remarqué autant que moi. Avec ton air de ne pas y toucher je sais très bien que tu en es consciente.

Pourtant sa remarque m’apaise. C’est simple de parler de ses choses là avec Cassie, elle dédramatise tout. Pourtant je rechigne encore.

– Tu sais ce qui va se passer si tu le laisse partir avec toi ? Tu prends le risque de le rendre encore plus fou de toi qu’il ne l’est déjà.

– Doc sait que je m’en vais pour retrouver Ayden. Il n’est pas sans ignorer qu’il n’a aucune chance.

Cassie me regarde avec un air entendue.

– Aucune chance hein ? Tu parles. On ne me la fais pas à moi.

– Cassie je sais ce que je veux. Même si par un temps j’ai hésitée ou que je n’arrivais pas à faire un choix, maintenant c’est différent. Je sais que je veux passer le reste de ma vie avec Ayden.

– Et tu crois vraiment que de partir à l’aventure avec Doc pour seul compagnon ça va te conforter dans cette idée ?

– Namid ne me laissera jamais partir seule. C’est un compromis. Trouve moi un autre compagnon de voyage et je te jure de laisser Doc ici.

– Je ne le ferais pas et tu sais pourquoi ? Parce que je pense que ta vie serait plus heureuse au coté de quelqu’un comme Doc.

Me manque de m’étrangler. Quoi ?! Il y dix seconde j’étais presque certaine de vouloir finir mes jours avec Ayden et voilà qu’elle vient de tout mettre en l’air en me disant que je serais davantage heureuse avec Doc. Je chasse ce qu’elle vient de dire de mon esprit. J’aime Ayden et je ne veux personne d’autre que tu a mes cotés.

– Non, non et non. Tu ne me feras pas changer d’avis d’accord ?

Un court silence s’en suit avant que nous éclations de rire. Si nous riions c’est qu’en réalité elle comme moi, savons pertinemment qu’elle vient d’ébranler toutes mes certitudes.

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