Le choc

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J’entends un cri au loin :

– C’est Séléné là-bas ?

– Vite venez tous voir Séléné est revenue !

Je me retrouve prise dans une marée humaine. On m’entoure et m’étreint de toute part. Des lèvres viennent se poser sur mes joues. Pourtant je ne suis pas là. Ayden est partit, il n’est plus là. Les cris son étouffés autour de moi. Il y a des sourires et des rires sur tous les visages. Mais je n’arrive pas à leur rendre leur bonne humeur.

– Laissez lui de la place ! Vous ne voyez pas qu’elle ne se sent pas bien ? Dégagez !

Deux mains viennent encadrer mon visage. Un regard se plonge dans le mien. Je le reconnais, un regard que j’ai à la fois haïe et aimé. Quand Doc me sert dans ses bras je me sens presque vivante. Mais je sens à peine son étreinte. Je sens mes jambes se dérober au dessous de moi. Je m’affaisse contre le corps de Doc. Je sens qu’on passe un bras sous mes genoux, qui fléchissent aussitôt. Le bruit s’éloigne. Je ferme les yeux, bercée par le pas régulier de mon ancien bourreau.

Je reconnais cette pièce, c’est la salle de réunion. On me dépose doucement sur une chaise. Je me voute aussitôt, comme sous le poids d’une charge bien trop lourde pour moi. Les grandes mains blanches de Doc me relèvent la tête obligeant mes yeux à croiser les siens. Ces derniers me dévisage, scrute mes pupilles et ma bouche. Je vois ses lèvres remuer mais aucun son n’en sort.

Bientôt je commence à entendre de très loin, comme si mes oreilles étaient remplies de coton. Mais peu à peu des mots distincts viennent remplacer le bourdonnement verbal.

– Séléné ? Tes pupilles se sont rétractées …tu es avec moi ?

Je hoche la tête mollement. Je le regarde droit dans les yeux comme si je voulais graver son visage dans ma mémoire. Ca fait tellement de bien de le revoir. Il a quelque peu changé. Sa carrure s’est renforcée, ses bras se sont épaissis. Avant mon départ il aurait été incapable de me soulever de terre. Alors que maintenant il vient de me donner la preuve qu’il le peut. Pourtant sa peau est toujours aussi blanche qu’elle l’était entre les murs de l’institut. J’ai a tête saoule et brumeuse.

– Tu m’as manqué.

Sa voix n’est qu’un murmure et ce n’est pas parce que mes oreilles me jouent des tours cette fois ci. Son regard va et vient de mes yeux à ma bouche. Il se penche imperceptiblement en avant au point que je sens son souffle. Puis d’un seul coup je ne le sens plus, il s’est arrêté de respirer. Je ne bouge pas, indécise. Ayden n’est plus là, mais je ne peux pas l’oublier, c’est impossible. Je l’aime et je lui suis fiancé dans mon cœur. D’un autre coté, comme par désespoir j’ai envie qu’il m’embrasse. Nous semblons nous réveiller tout les deux au même instant. Lui se recule et moi je tourne la tête. S’en suit un silence quelque peu embarrassé. J’abrège cette situation désagréable.

– Je suis contente de te revoir.

Il hoche la tête en regardant par terre. Nous commençons à parler tout les deux en même temps.

– Toi d’abords vas y.

Il laisse échapper un sourire.

– Ok. Tu as fais un bon voyage ?

Je suis surprise par la banalité de cette question. J’ai passée plusieurs mois dans la nature, loin des miens. Apres m’être fais capturée par je ne sais qui j’ai découverts que j’avais un petit frère et lui me demande si j’ai fais un bon voyage.

– Oui Doc. Oui j’ai fais un bon voyage merci. Qu’est ce que tu as fais pendant mon absence ?

Il penche la tête sur le coté et n’essaie même pas de réprimer le sourire qui vient éclore sur ses lèvres.

– Tu ne m’as jamais tutoyée avant ton départ.

C’est vrai, il a raison. Même lors de nos confidences dans la tente à la nuit tombée je le vouvoyais. Il attend une réponse. Mais voyant qu’elle n’arrivera surement pas il poursuit :

– J’ai beaucoup travaillé pendant que tu n’étais pas là. J’ai appris à me battre et à me rendre utile dans les grottes.

– C‘est formidable.

Il n’ajoute rien. Il se contente seulement de me regarder en triturant ses grandes mains. Il ne me demande pas ce qui s’est passé, comment je me suis retrouvée ici. Je me lève de ma chaise. A ce geste il semble désespéré.

– Séléné ?

J’attends qu’il poursuive pendant quelques secondes puis avance vers la porte.

– Séléné attends. Je…je ne sais pas si je…enfin si tu veux bien…

Je me retourne vers lui.

– Si je veux bien en parler ?

Il hoche la tête, soulagé que j’ai dis les choses à sa place.

– Un jour peut-être. Beaucoup de choses ont changés, j’ai changée.

Alors que ma main se pose sur la poignée il ajoute avec précipitation :

– Séléné j’ai fais tout ce que j’ai pu. Il n’y a pas une seule journée ou je n’ai pensé à toi, une seule journée ou je ne me suis pas posé de questions.

– Tu n’as rien à te faire pardonner Doc. Absolument rien.

Je vrille mes yeux dans les siens jusqu'à ce que je vois ses traits se détendre. Il sait que je dis la vérité et que je suis sincère. De quoi aurais je bien pu lui tenir vigueur ?

Je déambule dans les couloirs jusqu'à descendre dans le hall principale. Je cherche mon frère des yeux parmi les nombreux enfants.

– Séléné !

Namid arrive sur mon flan gauche. Il me saisie par les épaules avec fermeté.

– J’ai bien crue que tu ne reviendrais jamais. Mais pourtant je n’ai jamais douté que tu étais là quelque part en train de livrer un combat. Je ne te demande pas de donner un grand discours mais quelques mots seraient les bienvenues pour annoncer ton retour.

Je viens à peine de rentrer que l’on me met déjà à contribution. Je sais qu’il pense bien faire mais tout ce dont j’ai envie pour le moment c’est de me noyer dans les draps de mon lit.

Quand je m’avance sur le balcon qui surplombe le grand hall d’entrée je n’ai même pas peur. Je suis seulement las. Je reste quelques instant à regarder la foule en contre bas.

– Mes amis. Je suis de nouveau parmi vous. Ces derniers mois on été très éprouvant pour moi. J’ai appris énormément de choses. J’ai découverts que j’ai un petit frère formidable, Hélios. J’ai découverts que ma mère était une Exclue et que mon père est mort dans mes bras à l’institut. Et surtout j’ai appris où étaient mes limites. C’est pourquoi je ne reste ici que pour un temps très court. Continuez de vous battre pour ce que vous pensez être juste, battez vous pour moi.

Il n’y a pas un bruit dans l’assistance, pas même un toussotement. Par contre quand je passe le rideau les chuchotis vont bon train.

– Séléné, je ne comprends pas qu’est ce que ça veut dire ?

– Je m’en vais Namid. Je quitte la rébellion. Je quitte mon rôle de leader. Je pars à la recherche d’Ayden.

Alors que je passe à coté de lui il me retient pas le bras.

– Mais tu ne sais même pas ou il est ! Ce serait folie que de te lancer dans une quête pareil Séléné. Et ont à besoin de toi ici, la rébellion a besoin de toi.

– Je compte sur ton aide Namid. Pour me dire tout ce que tu sais sur le départ d’Ayden, pour m’aider à le retrouver. J’ai compris qu’il y avait des choses importante dans la vie, des choses autres que la rébellion.

– As tu complètement perdue la raison ?! C’est dangereux dehors, tu ne peux pas y aller seule !

– Elle ne sera pas seule.

Je me retourne vers la silhouette tapie dans l’ombre. Même si je ne distingue pas les traits de son visage je sais que c’est Doc qui vient de parler. Sa voie hantait mes nuits à l’institut.

– Namid, tu ne peux pas m’empêcher de partir.

Le vieil homme baisse la tête tristement et pousse un profond soupir en ajoutant :

– Tu ne peux pas aller contre ton destin.

– Le destin ça n’existe pas. Le destin c’est fait pour les gens faible, pour ne pas leur donner le choix. J’ai vécue des choses que tu n’imagines pas, j’ai compris l’importance du moi, peut être en partie égoïste mais indispensable.

Sans m’en rendre compte j’ai crispé les mâchoires. Le ton de ma voie est un peu rude. Ca m’étonne de moi, je n’étais pas quelqu’un de rude à l’époque. J’étais pleine de vie, d’espoir et d’ignorance.

– Tu devais me succéder…

C’est un geignement qui sort de sa gorge. Et même si il me fais pitié je ne cède pas.

– Je pars d’ici dans quelques jours, lorsque je saurais par ou commencer. Je te ferais prévenir avant mon départ.

Je quitte l’étage pour retrouver la pièce qui fut jadis ma chambre. Lorsque je pose la main sur la poignée je ressens comme de l’appréhension. J’ai fais ce geste des centaines de fois, mais c’était bien avant tout ça. Je ferme les yeux, expire un bon coup et ouvre la porte avec précipitation. Rien n’a changé. Tout est exactement là ou je l’avais laissé, jusqu'à la petite broche sur le secrétaire.

Je commence à chercher. Je fouille les tiroirs de on petit bureau, puis jette un oeil sous mon oreiller. Sous le lit peut être ? N’aurait elle pas pu glisser ? Mais la petite chambre est très sobrement meublée, on en fait vite le tour. Alors je recommence depuis le début. Je ne me contente plus de farfouiller dans les tiroirs, je les vide complètement. Etalant sur les draps leur contenue. Triant avec soin les papiers, les vierges des usagés, les brouillons des officiels. Parfois je trouve une enveloppe. Mon cœur bat à tout rompre, puis lorsque je l’ouvre ce n’est rien de plus qu’une petite note personnelle. Apres une bonne heure de recherche j’abandonne. Ayden ne m’a pas écrit. Je suis horriblement déçue. Je contemple tout le joyeux désordre qui règne dans ma chambre. Le lit est défait, les papiers de mes tiroirs étalés dessus et le sol inégal est jonché de vieux brouillons bon à jeter à la poubelle. Je rangerai ça plus tard.

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