Les excuses

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– Il est plus que temps d'intervenir. Suivez-moi !

Doc sort de sa cellule avec méfiance. J'ai donné l'ordre à l'équipe de l'entretien des grottes de nettoyer sa prison. Ils seront là d'une minute à l'autre et bientôt, tout le monde saura que le prisonnier a quitté le cachot.

Arrivés devant la porte de la salle de douches, je lui fais signe d'entrer. À l'intérieur, l'air est chaud et moite. La buée a envahi la pièce et la condensation coule sur les miroirs.

– Allez prendre une douche, ça va vous faire du bien.

Je lui tends une serviette prise sur l'étagère commune, j'irai la déposer dans le grand panier à linge à l'entrée de l'atelier de couture tout à l'heure. Je m'assieds sur une chaise en attendant, et, saisissant une lime, je me mets en tête de me faire les ongles. Les minutes passent. Au bout d'une dizaine de minutes, je prête l'oreille aux bruits qui émanent de la douche, il n'y a rien de plus que l'eau qui coule.

– Doc ? Est-ce que ça va ? Vous avez fini ?

– Encore un moment, s'il te plaît, c'est tellement bon.

Je comprends ce que c'est – le délice de prendre une douche chaude –, alors je patiente quelques minutes de plus. J'en profite pour faire un aller-retour express à l'atelier pour aller chercher ses vêtements. Quand je reviens, Doc n'est pas encore sorti. Enfin, le loquet de la douche s'ouvre. Il apparaît, la serviette autour de la taille, cachant sa nudité. Ses cheveux sont trempés et, contrairement à tout à l'heure, ils sentent bon. Sa proximité me gêne, elle me met mal à l'aise. Je lui tends la pile de vêtements en prenant soin d'éviter tout contact avec ses mains. Je sors pour qu'il puisse s'habiller. Quand je rentre et que je l'aperçois, je me rends compte que Squirrel a vraiment fait du bon travail. L'ensemble, d'un brun chaud, est épais et bien taillé. J'hésite à toucher les habits sales, mais finalement je me dis que cela le mettrait mal à l'aise si je prenais des gants ou un air de dégoût en y touchant. Il ne me laisse pas l'occasion de les prendre. Formant un baluchon, il les place sur son épaule. Je lui propose de se raser, mais il me répond qu'il préfère garder sa barbe comme elle est.

– Je vais devoir vous ramener en cellule, vous n'avez pas le droit de sortir normalement, mais j'estime que vous avez le droit à un minimum d'hygiène.

– Ne vas-tu pas avoir des problèmes ?

– Peu importe, je défends ce que je pense être droit.

– Merci d'avoir pris ce risque, je me sens beaucoup mieux.

Nous retournons en silence jusqu'à la prison devenue propre. Même si sa lèvre est fendue et que son œil est toujours au beurre noir, il a meilleure mine. Sa peau est nette et ses cheveux sont propres.

– Je vais vous laisser.

– Non, attends s'il te plaît. Reste encore un peu. Ne pars pas tout de suite.

Je ne referme pas la porte, afin ce qu'il se sente un peu plus libre qu'il ne l'est réellement.

– Je n'ai pas eu l'occasion de te remercier de t'être interposée entre cette furie et moi.

– J'ai fait ce que je pensais être bien, je n'ai pas réfléchi.

– Est-ce que ça veut dire que si tu avais réfléchi, tu te serais gardée d'intervenir ?

– Bien sûr que non, mais peut-être devrais-je réfléchir davantage quand je prends une décision. J'ai tendance à faire mon choix sur un coup de tête ; à suivre mon instinct...

– Au contraire, je pense que c'est une bonne chose. L'instinct est ce qu'il y a de plus précieux, il te guide. Même dans le noir le plus complet, ton instinct te dit où aller. Quand tu doutes, c'est lui que tu dois écouter.

Ses paroles me vont droit au cœur. C'est très poétique, même si je sais que ce n'est peut-être rien de plus que du vent.

– Je savais que je te trouverais ici.

Je me retourne et croise le regard d'Ayden. Il ne semble plus en colère. Calme et serein, il semble que l'orage soit passé.

– Est- ce que je peux te parler ?

Je nourris encore une petite rancune contre lui, contre son étroitesse d'esprit et son sang chaud.

Je bafouille quelques excuses auprès de Doc et referme la porte à clef derrière moi. Je sais que cette proximité ne plaît sûrement pas à Ayden. Mais je veux vivre par moi-même, je ne veux pas être dépendante de ses choix.

Nous nous éloignons de quelques pas. L'homme que j'aime me prend la main, avec hésitation tout de même. Il tente de mesurer ma colère envers lui, de jauger ce que je ressens.

– Je suis vraiment désolé, Séléné.

Je fais celle qui ne comprend pas où il veut en venir pour l'amener à développer le fond de sa pensée.

– Je me suis comporté comme un crétin. J'étais tellement jaloux, en colère que tu me refuses cela... J'étais complètement aveuglé.

Je laisse le silence s'installer entre nous, pesant, et pourtant, nous rapprochant l'un de l'autre.

– Je ne comprends pas pourquoi tu t'obstines à lui faire du bien, mais j'ai décidé de respecter ton choix. Je ne peux pas t'enfermer pour te protéger. Tu dois prendre des risques pour vivre

– Je lui fais du bien parce que j'estime que c'est ce qu'il y a de mieux à faire. Parce que j'en ai envie et tout simplement parce que je veux le changer, comme j'ai réussi jusque-là.

Je vois l'appréhension danser dans ses yeux, la crainte, mêlée au doute.

– Pourquoi m'as-tu choisi ?

Ça y est, le sujet revient sur le tapis. Il doute de mon amour pour lui et je le comprends, pourtant cela ne lui vient pas à l'esprit que Côme soit une menace pour notre couple, mais Doc oui. Peut-être parce qu'au fond, il n'a pas tort. Je repousse cette pensée de toute la force de mon esprit. Moi ? Amoureuse de Doc ? Jamais !

– Parce que je t'aime.

– Mais qu'est-ce qui t'empêche d'aimer Doc ? Lui aussi t'a sauvé la vie.

– Il l'a fait par intérêt personnel.

– Je suis certain qu'il t'aime.

– Non, il a de la fascination pour moi, certainement pas de l'amour.

Pourtant, j'aimerais qu'il ait raison. J'aimerais que Doc ait cette faiblesse, lui, l'homme sans aucun talon d'Achille.

– C'est que je ne veux pas te perdre.

Il me prend par la taille et je sens une nuée de papillons voleter dans mon ventre. Son front vient se poser contre le mien, et nous restons ainsi de longues minutes, à humer le parfum de l'autre. Ayden sent bon. Un mélange de savon et un je-ne-sais-quoi

qui lui appartient. Un petit quelque chose qui le rend différent. Il me cajole dans ses bras, même amaigri je l'aime toujours autant.

– Hum.

Je me retourne, Côme nous regarde d'un petit air gêné.

– Tu as besoin de quelque chose, Côme ?

Malgré son irruption dans notre moment d'intimité, j'essaie de le mettre à l'aise. Côme est de loin, avec Cassie, la personne dont je suis la plus proche ; mes plus fidèles amis.

– En fait, c'est Namid qui te fait demander.

– Ho... d'accord, il m'attend où ?

– Dans la salle de réunion.

– Il est seul ?

– Oui.

Il reste là, les bras ballants, ne sachant que dire de plus. Je lui fais un petit sourire d'encouragement.

– Il a dit autre chose ?

– Que c'était important.

Je me tourne vers Ayden. Ses yeux enamourés me dévorent.

– Je crois que je vais devoir y aller.

M'embrassant sur le front, il desserre son étreinte pour me rendre à Côme.

– À tout à l'heure.

Alors que nous marchons en silence, je regarde Côme du coin de l'œil.

– Je suis désolé de vous avoir dérangés.

Je hausse les épaules pour lui faire comprendre mon indifférence.

– Ce n'est pas grave.

– Je suppose que c'est agréable.

– Même si je comprends ce qu'il veut dire, je ne peux pas m'empêcher de lui demander de quoi, il parle...

– D'être aimé. De pouvoir partager cela avec quelqu'un.

– Oui, Côme. Oui, c'est agréable.

Nous continuons à marcher, mais je sais très bien où Côme veut en venir.

– Tu n'as pas à avoir peur Côme. Ton tour viendra.

– Qui peut bien vouloir de quelqu'un comme moi ?

– Si quelqu'un a bien voulu de moi, alors soit certain que quelqu'un voudra de toi. Donne-toi seulement du temps.

– Séléné, toi tu es jolie et « normale ». Mais moi, je suis une vraie taupe. Je suis condamné à me cacher du soleil toute ma vie.

– Ho ! Côme ! Tu sais, ce n'est pas un problème pour tout le monde...

Lui comme moi savons ce qu'il en est réellement. Je lui mens pour essayer de le rassurer mais tous les deux savons pertinemment qu'il ne pourra sans doute jamais vivre normalement aux côtés d'une femme. Il me lance un petit sourire en coin.

– Je sais que, tout comme toi, je ne pourrai jamais être vraiment libre. Je suis enchaîné à cette maladie pour toujours.

– J'ai peur que tu aies raison. J'aimerais tellement que toi aussi tu puisses être heureux, tu le mérites tellement. Et que tu trouves une compagne qui saura t'aimer avec ta différence.

– Ce n'est pas grave va, je n'en mourrai pas. Vas-y, entre. Namid t'attend.

Sans que je ne m'en rende compte, nous nous sommes arrêtés devant la grande porte en bois massif de la salle de réunion. J'embrasse mon ami sur la joue.

– Cette conversation n'est pas terminée.

Puis je pénètre dans la vaste pièce très faiblement éclairée. Namid est assis à l'extrémité de la table. Devant son silence, je me vois contrainte de prendre la parole.

– Eh bien, tu m'as fait demander, me voilà.

– Ho, excuse-moi Séléné, j'étais complètement dans mes songes. J'avance vers lui et pose une main sur son épaule.

– Tu as l'air fatigué en ce moment Namid, peut-être devrais-tu te reposer un peu. Il secoue la tête en signe de négation.

– Séléné, si je t'ai faite venir sans les autres membres du conseil, c'est parce que j'ai une nouvelle information en ma possession.

Je m'assieds à côté de lui, montrant que je suis prête à l'écouter.

– Voilà, tu as sans doute remarqué qu'une caravane était passée, il y a quelques jours.

Maintenant qu'il me le dit c'est vrai qu'une caravane a fait une halte pour prendre de l'eau, il n'y a même pas une semaine. J'étais tellement occupée que je n'y ai presque pas prêté attention.

– Je t'en prie, continue.

– Pendant leur périple, ils sont passés à côté de ce qui semblerait être un institut.

– Mais peut-on faire confiance à ces hommes ?

– Je connais leur chef depuis bien longtemps déjà. Il est resté sur la capitale parce qu'il se fait vieux, mais il semblerait qu'il soit déjà informé.

– Il n'était pas avec eux ?

– Ne t'inquiète pas Séléné, j'ai pleinement confiance en eux. Il y en a certains que je connais depuis leur plus jeune âge, et d'autres encore qui viennent de ce clan.

Le silence s'installe entre nous, nous réfléchissons tous deux à ce que cela implique.

– Si j'ai fait appel à toi Séléné, c'est parce que j'ai besoin d'un chef d'armée pour marcher sur cet institut le plus rapidement possible. Je ne pourrai pas vous accompagner cette fois, je ne suis plus assez vif pour tout ça. Et j'ai besoin de quelqu'un en qui je pourrai avoir confiance.

– Quand veux-tu que nous prenions le départ ?

– Quand tu jugeras que vous serez prêts à partir.

– J'aimerais en parler avec Ayden.

Même quand il n'est pas à mes côtés, je pense à lui. Maintenant lui et moi sommes liés d'une manière ou d'une autre.

– Dans ce cas, fais vite, j'ai besoin de savoir rapidement. J'aimerais autant que ce soit toi, je t'avoue que si ce n'est pas toi qui dirige cette armée, ce sera Abby et cette idée ne me plaît guère.

Abby à la tête d'une armée ? Je n'aimerais pas voir ça, cela ne serait rien de plus qu'un massacre sanglant sans aucun bon sens.

– Je reviens vers toi à la fin de la journée.

Puis je quitte la salle de réunion pour retrouver Ayden. Je le trouve là où je l'ai laissé. Il m'attend les mains dans les poches. Il m'embrasse sur la tempe avant de me regarder.

– Toi, tu es perturbée.

Je souris, il sait lire en moi comme dans un livre ouvert, on ne peut rien lui cacher.

– Est- ce qu'on pourrait marcher un petit peu au soleil ?

Je lui prends la main pour l'entraîner dehors. J'ai toujours froid à l'intérieur de ces grottes. Parfois je passe plusieurs jours sans voir la lumière du soleil, et cela me manque. Je me délecte de la chaleur, et tourne mon visage vers l'astre brûlant.

– Namid veut m'envoyer à la conquête d'un autre institut.

J'annonce la chose de but en blanc. Je sais que l'absence de forme ne gênera aucunement Ayden.

– Ho... Je vois.

Mais je pense en réalité qu'il ne sait pas vraiment devant quel dilemme, je me trouve.

– Et que lui as-tu répondu ?

– Que j'allais t'en parler.

– J'apprécie.

Mais il n'ajoute rien d'autre. Pourtant, j'ai envie qu'il me parle. Qu'il me dise pourquoi je devrais rester, et moi pourquoi je devrais partir. Mais il reste là, à m'observer.

– Dis quelque chose.

– Que veux-tu que je te dise ? Dans ton cœur, tu as déjà fait ton choix.

Il semble un tantinet agacé, même s'il est touché que je lui demande son avis.

– Tu as tort. Je sais ce que je veux, mais ma décision n'est pas prise. J'ai besoin que tu me dises ce que tu en penses.

– Séléné, tu le sais déjà.

– Ayden, si tu me dis maintenant que tu ne veux pas que j'y aille alors je n'irai pas.

– Je n'ai pas le droit de te l'interdire. Je n'ai pas le droit de te mettre en cage, même si c'est pour te protéger. Mais je ne veux pas non plus que tu penses que si tu décides de partir, c'est parce que tu mets la révolution avant moi, d'accord ? Peu importe ton choix, je le respecterai.

– Viens avec moi.

Je suis pleine d'espoir. J'ai besoin de lui à mes côtés.

– Mais. Séléné, je suis incapable de tenir une arme et encore moins de me battre au corps-à-corps.

– Je t'apprendrai. Je prendrai le temps qu'il faudra, mais je t'en prie, j'ai besoin de toi. J'ai besoin de savoir que tu es à mes côtés.

Il pose sa bouche sur la mienne, juste un instant, trop court pour moi.

– Est-ce que ce sera dangereux ?

– Oui, très dangereux, c'est pour cela que tu dois me protéger. Que tu dois venir avec moi.

– Pardon ? Et moi qui me va me protéger ?

Il plaisante dans un moment pareil, mais je sais qu'il a raison. Je le mets en danger en l'emmenant avec moi, et je me sens bien égoïste tout à coup.

– En fait, tu ferais peut-être aussi bien de rester à l'arrière du convoi.

– Non, je viens avec toi, même si je dois y laisser ma peau. Je te jure de te protéger. Mais tu vas devoir m'en apprendre des choses...

On commence dès maintenant.

J'envoie Côme faire parvenir ma réponse à Namid comme quoi, j'accède à sa requête. En le voyant partir avec mon message, je ne peux m'empêcher de songer à lui et à notre conversation. Côme me fait de la peine. Beaucoup de peine même. Il est esseulé, condamné au froid des cavernes.

Il est l'heure de rassembler les troupes. Je les organise à l'entrée des grottes pour tous ceux qui font partie de l'armée du clan. Soit tous les hommes vaillants qui restent du dernier massacre. Quelques femmes les accompagnent. Je remarque Abby au milieu de la foule et suis surprise de la voir ici. Beaucoup ont dû déserter leur poste pour honorer mon invitation.

Je remarque qu'il y a aussi une bonne partie des Exclus de Doc parmi les volontaires. Je commence par prendre les noms de tous les participants sur un bloc de feuilles.

– Es-tu conscient que si tu participes à ce cours tu deviens membre de l'armée du clan ? Que cela t'engage à participer à la guerre contre les instituts au risque de ta vie ?

Il y a beaucoup de oui, d'autres s'en vont, trop effrayés à l'idée de faire la guerre à qui que ce soit.

Je reconnais certaines têtes. Certains étaient déjà à mes côtés lors de la prise de l'institut de Doc.

– Abby es-tu consciente qu'en participant à ce cours, tu deviens membre de l'armée du clan ? Ce qui t'engage à participer à la guerre contre les instituts au risque de ta vie ?

– J'en suis consciente.

Le fait qu'elle s'engage dans l'armée ne m'étonne qu'à moitié. Abby est toujours prête à faire la guerre, mais pas sous mes ordres. Va-t-elle essayer de contrecarrer mes plans ?

– Que tout le monde sorte !

À l'intérieur il n'y aura jamais assez de place pour tout le monde, ils vont être à touche-touche. Alors qu'en se plaçant en cercle autour de moi, tout le monde pourra avoir une place de choix.

– Tu es prêt ?

Je me tourne vers Ayden qui ne m'a pas quitté d'une semelle.

– Plus que jamais. J'ai hâte de voir comment un petit bout de femme comme toi peut me mettre au tapis.

– Toi et moi serons partenaires. Allonge-toi sur le sol. Il s'exécute sans rien dire.

– Écoutez tout le monde. Que chacun se choisisse un binôme. Vous ne devrez en aucun cas en changer. Une fois sur le terrain, votre partenaire devra rester à vos côtés.

Je patiente le temps que tout le monde s'organise comme bon lui semble.

– Nous allons commencer par la clef de bras. Elle est typiquement exécutée en se positionnant perpendiculairement à son adversaire ; les deux combattants sont dos au sol.

En même temps que j'énonce les étapes à suivre, je donne l'exemple.

– Le bras de celui qui subit la prise est alors situé entre les jambes de l'attaquant, le coude devant le bassin est utilisé comme premier point de levier. Le second point du levier est réalisé en appuyant la main de l'adversaire vers le bas.

Ayden gémit doucement, m'indiquant que mon exercice est correctement réalisé.

– À votre tour !

Je tends la main à Ayden pour qu'il se relève. À la première tentative, je le prends à revers, il se retrouve écrasé la joue dans le sable.

– N'aie pas peur de me faire mal.

La seconde fois, il met du temps à se placer correctement. Je le laisse faire. La prise est trop lâche et je peux me dégager sans aucune difficulté.

– Recommence.

Il s'applique au mieux, et recommence jusqu'à ce qu'il y arrive correctement.

– Je vais circuler parmi vous pour voir comment vous vous débrouillez.

J'affermis des mains par -ci, remontent des bras par-là. Dans l'ensemble ce n'est pas trop mauvais. Abby quant à elle fait des merveilles.

– Ok, maintenant que tout le monde est au point, on enchaîne avec la clef de genoux basique.

Ayden se rallonge sur le sol sans même que j'ai eu à le lui demander.

– C'est similaire à la clef de bras. C'est le même principe du moins. L'exécutant va coincer la jambe de son adversaire entre ses jambes et la bloquer avec ses bras de façon que la rotule de l'adversaire soit pointée vers le corps de l'exécutant. Ce dernier va ensuite appliquer une pression avec ses hanches forçant la jambe de l'adversaire à se tendre, et causer ainsi une hyper extension de l'articulation du genou. Démonstration !

J'exécute la figure lentement histoire que les assistants puissent bien voir ce que je fais, puis je la recommence à vitesse réelle.

Tout se passe comme sur des roulettes. À la fin de l'exercice, le soleil se couche sur l'horizon. Nous avons du sable plein les cheveux et des crampes partout.

– Je vous donne à tous rendez-vous demain matin pour une nouvelle séance.

– Comment connais-tu tout cela ?

Ayden me regarde avec des yeux ronds.

– Je, je n'en sais rien. C'est... naturel.

– Non. Séléné, il n'y a rien de moins naturel que de faire ça.

Je dois reconnaître que je n'y ai pas réfléchi. Quand Abby m'a attaquée, mes réflexes ont pris le dessus. Mais à bien y réfléchir, il n'y a rien de naturel à cela.

– Je me demande...

– Quoi ? Que te demandes-tu ?

– Non, ce n'est rien... Je dois me tromper.

– Si. Vas-y. Dis-moi.

– Eh bien, j'ai entendu parler d'une pratique répandue dans bien des quartiers, c'est le combat d'Exclus.

– Comment ça, des combats d'Exclus ?

– Eh bien, c'est un affrontement entre deux Exclus que leurs maîtres respectifs font combattre contre de l'argent. Celui qui gagne est récompensé et l'autre puni.

– Et comment gagne-t-on ?

– Par K.O. Ou parfois ce sont des duels à mort.

Je frissonne.

– C'est ignoble. Je n'ai jamais fait cela de ma vie. C'est impossible !

– Peut-être l'as-tu oublié. C'est peut-être la raison pour laquelle tu connais tellement de choses sur les combats au corps-à-corps.

– Il doit y avoir une autre explication Ayden, forcément.

– Oui, sûrement.

Je sais qu'il dit cela pour aller dans mon sens mais qu'il n'y croit pas lui-même. Je lui en voudrais d'insister. Je ne m'imagine pas frapper un exclu jusqu'à ce qu'il tombe en syncope par peur d'un châtiment. Je trouve cela inhumain. Et m'imaginer en train de battre un homme jusqu'à ce qu'il expire me semble impossible. Je dois demander à Doc s'il sait quelque chose à ce sujet.

Quand je vais me coucher, je suis nauséeuse. Je me sens mal, très mal même, parce que j'ai peur qu'Ayden ait raison. Comment pourrait-il aimer quelqu'un comme moi si ce qu'il dit est vrai ?

Les jours s'enchaînent avec une folle rapidité. Mes hommes et moi consacrons plusieurs heures par jour à travailler le corps-à-corps. Je veux éviter au maximum les effusions de sang lors de l'attaque.

– Ce matin, nous allons travailler le coup de genou, le coup de pied et le coup de poing. Croyez-moi c'est plus difficile à faire qu'il n'y paraît. La plupart du temps, les coups sont dirigés n'importe comment et battent l'air au lieu d'atteindre leur cible.

Je leur enseigne donc les différents coups de genoux, coups directs, le coup de côté, le circulaire, le semi-circulaire, remontant et descendant, le coup en croissant externe et interne. Après tout cela finalement nous n'avons pas le temps d'aborder le coup de poing ou de pied. Tant pis cela sera pour la prochaine fois.

– Demain c'est repos, n'allez pas travailler, contentez-vous de reprendre des forces.

Je me repose, moi aussi, allant même jusqu'à prendre un bain le lendemain matin. Mes muscles me font mal. Alors que je me noie dans un tourbillon de bien-être quelqu'un frappe à la porte.

– Séléné, Namid aimerait te voir.

Je reconnais la voix de Côme. À croire que ce dernier est devenu son messager. Je prends à peine le temps de me sécher que je m'habille déjà.

– Oui. Namid, tu m'as réclamée ?

– Je suis, comment dire, dubitatif. Est-ce vrai que les hommes de guerre du clan ne travaillent plus ?

– Oui, c'est vrai, c'est moi qui leur en ai donné l'ordre. Nous nous entraînons en dehors des grottes.

– Vous vous entraînez ? À quoi ? Est-ce que l'agrandissement des grottes n'est pas ce qu'il y a de plus important ?

– Je les entraîne au combat au corps-à-corps. Je les prépare à la guerre que nous allons mener contre l'institut.

– Séléné, je ne sais quoi te dire. Tout le monde doit travailler, nous avons de nouvelles chambres à construire, la cuisine à rénover, le nettoyage à faire et quantité d'autres choses... Le clan tourne au ralenti.

– Namid, avec tout le respect que je te dois, j'ai besoin que tu me fasses confiance. Tu aimerais me voir un jour te succéder, mais j'ai besoin que l'on me laisse plus de liberté.

– Es-tu certaine de ce que tu fais ?

– Oui, en faisant cela nous protègerons des vies, et les armerons mieux pour faire face à ce qui les attend.

– Eh bien soit ! Fais comme bon te semble.

– Balayage et fauchage sont des techniques de déséquilibre. On abordera le coup de pied en croissant, et le circulaire. Ensuite, nous verrons le coup de pied arrière et direct de forme pistonnée. Si on a le temps, on verra le coup de pied circulaire retombant. Au travail tout le monde !

Ainsi, les jours passent et se ressemblent avec les entraînements successifs... Au bout d'une semaine , ils connaissent sur le bout des doigts les coups de pied, genoux, poings ; uppercuts, crochets, directs, etc.

Il nous reste tellement à apprendre, les postures de défense et d'attaque, la garde et le désaxage sans parler des techniques de projection, des stratégies de combat et des techniques d'abandon. Mais je ne peux pas prendre plus de retard.

– Côme, demande à Namid de réunir le conseil s'il te plaît.

Tandis que je frappe doucement à la porte d'Ayden, Côme s'en va au petit trot.

– Entre, Séléné.

– Comment savais-tu que c'était moi ?

– Je t'ai entendue de l'autre côté de la porte. Si tu réunis le conseil, c'est donc que tu as quelque chose à me dire.

– Je pense que nous pourrions partir d'ici après-demain.

– Mais tu m'as dit que nous n'étions pas encore au point.

– C'est vrai, mais nous devons partir au plus vite. Si la caravane s'est faite repérer, ils doivent nous attendre et nous ne devons pas leur laisser ce précieux temps, ni même celui de s'échapper.

– Je comprends. C'est tout ce que tu avais à me dire ?

– Oui, pourquoi ? J'aurais dû te dire autre chose ?

– Non, c'est moi qui voulais te demander quelque chose Séléné.

– Ah ? Je t'écoute.

Il se saisit de quelque chose dans sa table de nuit, se retourne vers moi et met un genou à terre. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.

– Séléné, veux tu m'épouser ?

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