La cause

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Ne plus me réfugier dans mes souvenirs me pèse. Je ne sais plus comment faire passer le temps quand je ne travaille pas. J'ai discuté avec Côme, fait à manger pour les deux prochains jours et du ménage. Maintenant, je suis devant une feuille blanche, un crayon à la main. Je me mets à griffonner des yeux, une bouche mince, des cheveux châtains et des prunelles bicolores. GP-2 ne me regarde pas, elle fixe un point par-delà mes yeux. Je suis contente que nos regards ne se croisent pas, elle me manque tellement. Je sais qu'au fond de moi je regrette la promesse que je lui ai faite, celle de me venger. Je ne suis plus certaine d'en avoir vraiment envie. Je suis partagée entre la colère et la compréhension. Doc lui a fait subir des choses atroces, mais dans quel but ? Celui de la guérir, de guérir les futurs Exclus, de faire une incroyable avancée... Mais ça n'aurait pas dû être GP-2, pas elle. J'ai à la fois envie de m'enfuir et de rester. Je me suis fait un devoir d'aider Doc dans ses avancées médicales.

Je décide de sortir là où l'on faisait les promenades quand j'étais encore un rat de laboratoire. On ne voit guère plus qu'un carré de ciel, changeant de couleur en fonction du temps et des saisons, mais au moins on y respire de l'air frais, et si l'on a de la chance, un rayon de soleil peut passer par là, caressant notre peau d'un reflet doré.

Dehors, l'air est chaud, presque étouffant. En fait, il fait encore plus pesant à l'extérieur que dans la moiteur intérieure de l'institut. Je caresse les murs d'un geste machinal. Depuis combien de temps est-ce que je ne suis pas venue ici ? Une semaine tout au plus, pourtant j'ai l'impression de ne pas y avoir mis les pieds depuis des années. Tout me semble changé, que ce soit le crépi des murs ou la petite fleur jaune qui a percé le béton, se frayant un chemin sûr au milieu de l'invention des hommes. Je lève les yeux vers le ciel, espérant apercevoir un oiseau voleter, mais rien. Rien de plus que le soleil, rond et brûlant.

Je songe un instant à cueillir la petite fleur aux pétales dorés, pour pouvoir la regarder, jusqu'à ce qu'elle se fane. Mais ce serait cruel d'ôter ce plaisir aux autres Exclus, de leur retirer ce petit miracle de la nature. Je m'accroupis et caresse les pétales soyeux.

– Qu'est-ce qui peut bien te captiver autant ?

Surprise, je me retourne. Mais je ne vois pas la provenance de la voix. J'ai beau tourner en rond, je suis bel et bien seule.

– En haut.

Je lève les yeux sur la façade. Juste devant le soleil une ombre ondule, noire et imposante. Je suis fâchée que Doc m'ait surprise ici.

– Ce qui me captive, c'est que malgré votre orgueil, vous ne pouvez empêcher une petite fleur de percer.

De là où je suis, je ne vois pas d'expression sur son visage, seule la silhouette noueuse restant immobile dans la chaleur torride de l'après-midi.

– Je croyais que vous travailliez, pas que vous m'espionniez...

Un rire bref raisonne contre les parois de béton de la cour.

– Tu frises la paranoïa. Je travaille en effet, je m'offrais seulement une petite pause à la fenêtre quand j'ai aperçu une charmante créature là juste en bas.

Il a le don de me mettre en colère, de faire monter la rage en moi. Ce qui devait

être un compliment, siffle à mes oreilles. Je manifeste mon mécontentement en soufflant, gonflant mes joues au passage. Je passe le seuil de la porte et entre dans la fraîcheur de l'institut.

Dans l'ascenseur, je me regarde dans le miroir, j'ai maigri et mes yeux sont cernés, mais mes cheveux blancs me donnent un air de lutin féerique. Mon souffle dépose de la buée sur la surface brillante, j'y dessine un soleil, resplendissant et rayonnant. Les portes s'ouvrent devant moi. Je sursaute. Doc, à un centimètre à peine de mon visage, m'attend.

– Qu'est-ce que vous me voulez ?!

Il bloque la porte avec son pied, empêchant l'ascenseur de se refermer.

– Pourquoi ces changements d'humeur ?

– Laissez- moi passer, je n'ai pas envie de parler avec vous !

– Mais ce n'est pas toi qui décides. Alors qu'est-ce que j'ai fait ?

Je tente de le contourner, mais il se décale, afin de me faire face. Bon sang il n'est pourtant pas très large, je devrais pouvoir passer à côté aisément. Je feinte, mais il ne se laisse pas avoir. Il va même jusqu'à me saisir par le poignet, je lâche un glapissement pitoyable.

– Bon. Séléné, ça suffit maintenant, je ne joue plus !

– Je n'ai jamais joué avec vous, Doc. Je vous hais pour l'homme que vous êtes, maintenant laissez- moi passer ou je vous démolis le nez.

De surprise, il me lâche, me libérant de son étreinte. Je l'ai blessé, je le vois dans les traits de son visage. Je ne suis peut-être qu'une Exclue mais mon avis a de l'importance pour lui. C'est ce qui fait ma force, c'est ce qui va le détruire...

Je cours jusqu'à la porte blanche de mes appartements. Je claque la porte, la ferme à clef et m'adosse derrière.

– Séléné ?

– Allez-vous-en !

J'ai la voix enrouée d'avoir crié tout à l'heure. Les larmes coulent jusque dans mon décolleté, mouillant ma peau blême. Je ne sais pas trop ce qui m'arrive ces derniers temps. Je suis victime de violentes sautes d'humeur sans que je ne puisse rien faire pour les contrôler.

– Séléné, s'il te plaît, écoute-moi. Je sais que tu ne me pardonneras jamais le mal que j'ai fait aux Exclus, en particulier à GP-2. Mais, crois-moi, je ne suis pas mauvais.

– Vous êtes la personne la plus détestable que je connaisse !

Un gémissement passe au travers de la porte.

– Et toi, la personne la plus entêtée !

Sa remarque me fait sourire, sur ce point-là, je sais qu'il a raison. Mais je sais aussi que je ne lui pardonnerai pas la mort de GP-2.

– Qu'est-ce que je dois faire pour qu'enfin tu me regardes comme un allié ? Je songe à la proposition que je lui avais faite pour Côme.

– Libérez Côme et vous aurez toute ma reconnaissance.

J'entends un gémissement plaintif.

– Mais Séléné, je sais que si je le libère, plus rien ne te retiendra ici. Et tu vas me fausser compagnie, car tu es futée et tu parviendras à t'enfuir, même si pour cela tu dois risquer ta vie.

– C'est à vous de faire votre choix. Je vous ai fait une proposition, il n'incombe qu'à vous de la décliner.

– Si j'accepte Séléné, promets-moi de rester.

– Vous savez pertinemment que je ne peux pas vous faire cette promesse.

– Tu sais, chaque fois que je vends un Exclu, c'est par nécessité. Sinon l'institut ne pourrait ouvrir ses portes, jour après jour, mais à chaque fois c'est un déchirement. Je suis très attaché à ces Exclus.

– C'est vous qui choisissez de vous en séparer, je n'ai pas à vous plaindre et encore moins à compatir quand je vois ce que vous leur faites subir.

– Je le fais pour une cause plus noble.

Je lève les yeux au ciel, même s'il ne peut pas me voir. Il semble convaincu de ce qu'il avance, convaincu et dévoué à sa cause. J'ai fait la promesse de le faire choir, alors il tombera...

Dans le couloir tout est calme et désert. La porte de la salle d'examen est ouverte. Il fait nuit et pourtant un rayon de lumière passe par l'entrebâillement de la porte. Je me risque à jeter un coup d'œil.

Penché sur son bureau, devant sa tablette à hologrammes, Doc étudie ce qui me semble être un œil, mais en version compliquée. Il fait tourner l'image 3D devant lui, sépare des morceaux, incise, coupe, ôte, et repose les différentes parties de l'œil. À plusieurs reprises, son poing s'abat sur le bois de son secrétaire, avec rage. Il jette l'ensemble dans une poubelle informatique pour recommencer sur la base d'un modèle tout neuf.

– Je sais !

Il se retourne, farfouille dans les micro cartes pour en sortir une nouvelle qu'il insère dans la tablette. La partie supérieure d'un visage en sort, une paire d'yeux. Méticuleusement, il enlève les globes de leurs orbites. Il les pose à côté, et fait glisser l'hologramme d'une nouvelle paire d'yeux. On dirait qu'il a dans l'esprit de changer complètement les yeux de sa prochaine victime. Pendant près d'une heure, il opère l'hologramme avec minutie et patience. Il reconnecte des sortes de fils, découpe, incise et sépare. Il s'effondre sur son bureau où il finit par s'endormir. Son visage se détend et perd de son charisme. Il ressemble à un homme épuisé, un simple homme fatigué après son travail, les traits paisibles dans son sommeil. Il ne semble plus dangereux, plutôt vulnérable même. Je dois prendre garde à ne pas perdre de vue mon objectif suprême, je ne dois éprouver aucune sympathie pour cet homme, ce bourreau d'Exclus. Je vais néanmoins poser une couverture, trouvée en boule par terre, sur ses épaules.

Je jette un rapide coup d'œil aux hologrammes toujours allumés. C'est bien ce que je pensais, il veut changer les yeux du patient pour en mettre des nouveaux. Je fais tourner l'image sur elle-même, les éclats bleutés de l'image me brûlent les yeux. Je sors sur la pointe des pieds et referme la porte derrière moi, j'entends un léger soupir une fois cette dernière fermée.

J'avance jusqu'à l'ascenseur et compose le code de l'étage 1. La nuit, tout est plus calme. Les Exclus dorment, les bourreaux aussi. Je suis seule avec moi-même. Je prie silencieusement pour que l'ascenseur ne réveille personne. Par miracle, il est aussi silencieux que mes pieds sur le carrelage froid. Je fais le tour des cellules à rats. Je les regarde dormir paisiblement, à même le sol, repliés sur eux-mêmes ou étendus sur la pierre.

Je choisis une cave au hasard et dépose à travers les barreaux, un petit morceau de chocolat. Je n'en ai pas beaucoup, mais je sais combien cela peut les faire rêver de sentir son goût sucré et amer tout à la fois.

GP-2 aurait adoré ce goût -là. J'en suis certaine. Je remonte au second étage, lasse et fatiguée. Une fois dans mon appartement, je m'effondre sur le canapé moelleux et sombre dans le sommeil, encore toute habillée.

Je rêve d'hologrammes s'entrechoquant, d'yeux qui me regardent, et pourtant ne me voient pas. Je rêve que les yeux finissent par me voir, pour la première fois. Qu'ils découvrent tout ce qui les entoure. Soudain ce ne sont plus des yeux qui me regardent, mais des machines, un être cyborg.

Je me réveille en sursaut, les cheveux collés à mon front. Et si c'était cela la solution ? Des yeux, pas de chair, mais mécaniques. Des yeux sous forme de machine qui permettraient à l'individu d'y voir clair malgré l'absence de prunelles ou de pupilles. Je couche par écrit mes idées accompagnées de quelques croquis.

La nuit est déjà bien avancée et l'aube commence à poindre derrière les fenêtres floutées. Je me lève, incapable de me rendormir. J'ouvre doucement la porte de la salle d'examen. Doc n'est plus là. Je rentre à pas feutrés pour ne pas réveiller les autres Exclus encore endormis. Je cherche la tablette holographique et finis par la dénicher sur une table non loin de là. Je cherche la carte que j'ai vue hier dans les mains de Doc, la partie supérieure du visage, les deux prunelles bleues. J'ôte l'ensemble de l'œil pour ne laisser que l'orbite vide. Je cherche désespérément une carte vierge où entreposer mon travail. Je finis par en trouver une vieille toute décharnée et légèrement cabossée, je nomme ma recherche Projet Alfa. Quand Doc entre dans la pièce, je ne l'entends même pas, tant je suis accaparée par ce que je fais, à savoir démonter l'œil pour voir comment il fonctionne.

– Eh bien, je me demandais qui avait bien pu mettre cette couverture sur moi hier, je crois que j'ai maintenant la réponse. Quelle agréable surprise.

En entendant sa voix, je fais un bon tellement énorme que j'entaille la sclère de l'oeil.

– Qu'est-ce que tu fais ?

Il se penche au-dessus des hologrammes pour mieux observer.

– Je me suis demandé s'il n'était pas possible en fait, de créer un œil bionique.

– Qu'est-ce que ça impliquerait concrètement ?

– Il faudrait concevoir une sorte de petite puce de quelques millimètres seulement, qui soit sensible à la lumière et capable d'envoyer les signaux correspondant à l'image formée au fond de l'œil directement au nerf optique. L'implant permettrait à la personne aveugle de distinguer une image en noir et blanc.

– Le fait que la puce soit dans l'œil signifie donc que la vision bouge avec l'œil. Et d'un point de vue esthétique, on ne peut pas voir l'implant de l'extérieur. Seul l'aveugle aurait conscience de sa présence. C'est remarquable.

– Merci.

C'est plus fort que moi, je suis touchée par son compliment.

– Bien évidement il faudrait également créer toute la partie extérieure. Nous pouvons garder la structure de l'œil. Seulement on ne pourra garder ni l'iris ni la pupille. La fausse iris permettra de maintenir la micro carte dans ce qui semblera de l'extérieur être la pupille. Il faudra prendre en compte qu'il n'y aura qu'une faible dilatation et rétractation possible.

– Voilà ce que je te propose, aujourd'hui on essaie ce sur quoi j'ai travaillé, et demain, si j'échoue une fois de plus, on se met au travail sur la base de ton plan. Marché conclu ?

Je n'ai même pas besoin de réfléchir, j'accepte sur-le-champ et sans réserve. Son visage s'illumine d'un grand sourire, un sourire que je ne lui avais jamais vu auparavant, celui d'un homme heureux. À croire qu'il n'est pas heureux très souvent...

Il se tourne et sort d'une glacière une petite boîte transparente où roule une paire d'yeux. Je détourne le regard, dégoutée.

– Il va falloir t'y faire.

Je garde le silence.

– Tu veux bien aller chercher RJ-29 ?

Je hoche la tête en signe d'approbation. À la place de RJ-29, je sais que je serais terrifiée. Lui ôter les yeux pour lui en mettre d'autres, les yeux d'un mort ; du moins je l'espère. Ce serait cruel de priver un individu de sa vue pour une simple expérience qui à mon avis se révélera vaine.

Je prends le chemin en direction de l'ascenseur et descends au niveau inférieur.

– Tu en es sûre ?

– Séléné, j'ai beaucoup souffert à la dernière opération. Mes yeux n'ont pas cessé de saigner.

– Je ne le savais pas, j'en suis vraiment désolée. Mais imagine que ça marche, tu seras la première aveugle à pouvoir recouvrer la vue.

Elle secoue la tête par la négation.

– Non, je ne veux pas.

– C'est comme tu voudras.

Je remonte bredouille, me demandant comment Doc va réagir au refus de coopérer de RJ-29.

– Heu... Doc ?

Il lève la tête de sa tablette pour me regarder surpris.

– Elle refuse.

– Peu importe qu'elle refuse, va la chercher. Si elle ne se laisse pas faire, appelle les gardiens, qu'ils me l'amènent.

– Doc ! Vous ne pouvez pas faire cela...

– Bien sûr que je le peux.

– Je suis ambassadrice des Exclus. Vous saviez que ses yeux continuent de saigner ? Elle souffre beaucoup depuis la dernière opération, je peux comprendre qu'elle n'ait pas envie de recommencer. Vous ne pouvez pas prendre un autre Exclu ?

– Séléné, si je prends un autre Exclu quel message vais-je faire passer ? Refusez de coopérer et vous aurez la paix ! Ce n'est pas comme cela que les choses fonctionnent.

– Juste pour cette fois... s'il vous plaît.

Je fais la moue et mes yeux s'embuent. J'espère ainsi le faire céder.

– Non. Séléné, je ne peux pas.

– J'ai peut-être trouvé la solution au problème avec l'œil bionique. Parce que je pense que cette opération sera un fiasco. Il serait normal que vous fassiez un geste envers moi.

Il passe une main dans sa crinière brune, embarrassé. Je sais que Doc est avant toute chose un homme attaché à l'honneur. Je marque donc un point. Il soupire, résigné.

– Va me chercher MT-14, cellule 19. Mais que ce soit bien clair entre nous, c'est la première et la dernière fois !

Je lui offre un sourire en remerciement.

MT-14 est allongé sur la table d'opération, inerte. Il s'est débattu comme un beau diable, mordant à l'aveugle, griffant et hurlant. Quand Doc lui retire les yeux, je réprime un haut- le-cœur. Quand il sort l'œil de son orbite, après avoir sectionné le nerf optique, je suis à la limite de tourner de l'œil. Pourtant, je suis bien obligée de regarder cette orbite, vide et béante, pleine de sang. L'opération semble d'une simplicité extrême mais c'est complètement faux il faut faire preuve d'une grande délicatesse. L'intervention est effectuée en une cinquantaine de coups de scalpels. Au bout d'une quarantaine de minutes, une fois l'opération terminée, le patient commence à se réveiller. Il ouvre les paupières et hurle de douleur. Ce que l'on peut dire à première vue, c'est que les canaux lacrymaux fonctionnent bien...

– J'ai mal...

Il geint plus qu'il ne parle. De ses yeux coule un liquide rosâtre. Sûrement des larmes mêlées de sang.

– Est- ce que tu vois ?

– Aidez-moi, j'ai trop mal !

– Écoute moi : est-ce que tu vois quelque chose oui ou non ?

– Non, non je ne vois rien, mais par pitié enlevez-les-moi !

Il demande qu'on lui retire la greffe... Qu'on lui laisse des orbites vides et creuses. J'ai de la pitié pour lui, mais je suis soulagée que ça ne soit pas RJ-29 sur cette table. Je me serais sentie extrêmement coupable. Quant à Doc, il a un air si catastrophé que j'en suis sincèrement peinée. Il me regarde comme un enfant perdu, m'interroge du regard pour savoir ce qu'il doit faire. Mais il est trop tard, MT-14 vient à l'instant de s'arracher les yeux. Il les griffe, les lacère de ses ongles jusqu'à ce que la sclère, jadis blanche, soit rouge de sang. Dans un geste désespéré, il en fait sauter un de son orbite, et l'envoie rouler au sol dans une mare rouge. Le sang dégouline le long de son visage accompagnant ses hurlements déchirants. Le liquide cramoisi s'écoule à n'en plus finir, MT-14 est en train de se vider.

Je saisis la seringue que Doc avait à moitié vidée pour l'endormir, et pousse le piston à fond. Au bout de quelques minutes les gémissements remplacent les cris. Puis c'est le silence qui s'installe comme une chape de plomb.

– Dès ce soir, je contacte mon ingénieur chirurgical pour commander ce qu'il te faut.

– Doc ?

Son regard empli de tristesse me regarde et semble aller droit jusqu'à mon cœur pour le frapper.

– Je suis vraiment désolée. Je sais que c'était très important pour vous de réussir. Il hausse les épaules d'un air d'une profonde lassitude. Il baisse la tête pour regarder ses chaussures, mal à l'aise.

– Tu sais, Séléné, j'en viens presque à croire que tout cela est inutile, que tout ce que je cherche à protéger m'échappe, et que je manque complètement mon but.

Son visage m'indique que son degré de sincérité est élevé. Ses mimiques me rassurent, son honnêteté me touche.

– Vous faites ce que vous pensez être le mieux pour réussir, mais vous vous préoccupez trop peu de vos patients, les considérant plus comme des cobayes que comme des êtres humains.

– Quand on fait mon métier, on n'a pas besoin d'être humain. On doit se contenter de voir nos cobayes comme de simples sujets d'expérience, sinon on risque de se laisser dépasser par ses émotions.

– Pourquoi m'avoir épargné ce jugement ?

– Parce que je suis fasciné de ce que tu es capable de faire. Regarde ce que tu as fait en une nuit. Peut-être que cela ne fonctionnera pas, mais peut être que la réussite viendra de toi !

– Aujourd'hui, qu'attendez-vous de moi ?

– Je te demande ton soutien, ton aide et cette même sincérité que tu as eue à mon égard depuis le début, même si elle est parfois blessante.

– Vous savez pourtant que j'ai juré de causer votre ruine, de vous détruire et d'anéantir tout ce que vous avez bâti.

– Je le sais, et je sais aussi que si tu l'as juré alors cela se passera, mais je compte faire tout ce que je peux pour progresser dans mes investigations et laisser quelque chose derrière moi en partant. Je ferai tout pour te convaincre du bien-fondé de ce monde.

– Vous voulez dire que cela ne vous semble pas injuste que des personnes soient mises en marge de la société, juste parce qu'elles sont physiquement différentes ?

– Vous avez des tares qu'il faut éradiquer, garder enfermées et guérir. Pour cela des instituts comme celui-ci se doivent d'exister.

– Vous me dégoûtez.

– Toujours cette franchise irrespectueuse. Oui, Séléné, tu finiras par avoir ma

peau...

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