Chapitre 16 : BUCKETLIST

10 minutes de lecture

HANNAH

Prendre l’avion

Voir une comédie musicale à Broadway

Monter dans une montgolfière

Peindre un portrait

Monter au sommet d’un volcan

Marcher sur la grande muraille de chine

Voir la neige

Consulter une voyante

Rencontre le grand amour

Dîner dans un restaurant étoilé

Aller à DisneyLand

Apprendre le Français

Visiter l’Egypte et ses pyramides

Conduire une moto

Voir un film au cinéma

Epouser l’homme que j’aime

Avoir des enfants

Aller à Venise

Faire une découverte incroyable

Acheter un jour ma propre voiture.

Monter à cheval

Monter au sommet de l'’Himalaya

Apprendre à jouer du piano

Apprendre à jouer de la guitare

Me faire tirer les cartes

Adopter un enfant

Embrasser une fille

Visiter les rizières en Asie

Aller à Las Vegas

Faire le tour du pays en camping-car

Visiter le Mexique et les pyramides mayas

Faire un saut en parachute

Me faire tatouer

Courir un marathon

Visiter le Japon

Acheter une maison

Ecrire un roman

Tenter le nudisme

Dormir à la belle étoile

Sauver une vie

Fumer de la marijuana

Voir un concert des Beatles

Voir une pièce de théâtre

Changer la vie de quelqu’un

Apprendre à surfer

Faire de l’auto-stop

Faire de la plongée sous-marine

Découvrir une étoile et lui donner mon nom

Faire l’amour sur la plage

Apprendre à skier

Visiter New York et la statut de la liberté

Monter sur le dos d’un éléphant

Rencontrer Marin Luther King

Visiter l'Opéra de Sydney

Visiter Paris et la tour Eiffel

Faire du rodéo

Voir un spectacle d’Opéra

Publier mon livre de recette

Créer un refuge pour animaux

Visiter le grand canyon

Prendre des cours de Rock’n’Roll

Marcher sur le Golden Gates

Camper dans le bush

Me couper les cheveux à la garçonne

Prendre un bain de minuit

Voir les statuts de l’île de paques

Se baigner sous une cascade.

Porter un Koala

Danser nus sous la pluie

Envoyer un message dans une bouteille à la mer

Passer une nuit dans les bois

Planter un arbre et le voir grandir

M’écrire une lettre et la relire dans 10 ans.

Dire à mon père que je l’aime

Dire oui à tout pendant une journée entière

Voir un striptease

Faire un striptease … ?

Visiter le Machu Pichu

Voir une aurore boréale

Monter sur un chameau

Nager avec les dauphin voir l’Ayers Rock

Faire du chien de traineau

Faire quelque chose d’interdit

Faire un voyage seule

Voir des baleines

Prendre le tram à San Francisco


La liste n’en finit plus.

Fascinée, je retourne la page et découvre la suite de cette bucketlist vieille de cinquante ans. Je souris en parcourant la feuille écornée, jaunie, raturée, mais étonnamment bien conservée. Je lève les yeux vers James qui m’observe d’un air préoccupé. Son visage s’illumine finalement et se fend d’un énorme sourire lorsqu’il m’entend rire.

Captivée, je relis encore une fois les rêves énumérés sous mes yeux. Les ambitions et les fantasmes d’une jeune femme de dix-neuf ans, née dans les années quarante. Annie a vu le jour quelques mois après la fin de la seconde guerre mondiale, échappant aux souvenirs d’une période de terreur et d’angoisse. Elle a grandi dans un monde où la perspective de paix était dans tous les esprits. L’espérance d’un futur prometteur où l’on apprendrait des erreurs du passé. Les nations avaient été reconstruites, bâties sur l’espoir et les innovations. Tout était possible. Une infinité de rêves et de possibilités. Annie ou l’optimisme incarné. Elle était joyeuse et pleine de vie. Toujours positive. Cette liste reflète parfaitement son caractère aventureux, sa soif de découverte et la bonté qui faisait d’elle un être à part. Je suis d'ailleurs étonnée qu'il n'y ait pas plus de lignes raturées sur cette liste. Je suppose qu'une vie dédiée à l'éducation de son unique enfant, puis de ses petits-enfants moyennant des finances modestes de veuve ne faisait pas vraiment partie de ses plans. Limitant par la même considérablement ses opportunités. Pour autant, je ne crois pas l'avoir jamais entendu se plaindre à ce sujet.

— Étonnant n’est-ce pas ? murmure James, interrompant mes pensées nostalgiques.

— C’est fascinant …Je lui réponds, émerveillée.

— Carrément ! Renchérit-il en riant. Elle était enfouie dans un vieux carton, perdue entre des cahiers d’écoles préhistoriques et des vieilles photos de famille. Quand Annie l’a retrouvé, elle a pleuré toutes les larmes de son corps et est restée muette pendant au moins une demi-heure. Franchement, je ne savais plus où me foutre. Je suis resté planté là, à la regarder comme un idiot, en épongeant le sol. Puis elle s’est levée, est allée chercher un crayon et s’est mise à raturer la feuille.

Je l’écoute, encore étourdie par la surprise, les yeux toujours rivés sur la bucketlist.

— La vache ! J’aurais préféré ne jamais lire ça ! « Tenter le nudisme » ? Elle l’a barré ! C’est dégoûtant ! Je lui lance éberluée. James éclate de rire avant d’ajouter.

— Oh oui, je me suis bien marré moi aussi en découvrant celle-ci ! Annie était pleine de surprises, c’est le moins qu’on puisse dire ! Et celle-là, renchérit-il en posant son doigt sur une des lignes « Fumer de la marijuana »

— C’est pas vrai ?! Et dire qu’elle m’avait fait tout un foin parce que j’avais osé tirer une taffe sur le joint de Jason McKenna en 3ème année ! Je rétorque amusée, faisant rire James de plus belle.

Euphoriques, nous épluchant en riant les idées les plus folles d’Annie avant que le silence ne revienne s'installer peu à peu. Je jette un regard furtif vers James qui semble perdu dans ses pensées. Où est donc passé mon colocataire insupportable et arrogant de ces dernières semaines ? L'adonis sous mes yeux semble complètement désemparé et son air troublé le rend encore plus craquant.

Bon sang, il est tellement beau que j’en ai le souffle coupé. Son profil parfait, la barbe de quelques jours qui recouvre sa mâchoire virile, il est la masculinité par excellence. Je me demande quel modèle Annie avait choisi pour sa peinture, mais il aurait parfaitement pu faire l’affaire. Son regard est perdu dans la contemplation des nuages lourds de pluie qui s’amoncellent au-dessus de nous et son sourire mélancolique est en parfaite adéquation avec la météo du jour.

— Qu'as-tu donc à voir avec cette liste, James Carter ? Je l'interroge en plissant les yeux, intriguée.

Il me sourit brièvement, son regard empli d'incertitude, puis se penche légèrement vers moi pour désigner du doigt une des lignes de la liste.

— Celle-ci, commence-t-il, c’est la première que nous ayons faite ensemble. Les yeux ronds, je fixe la ligne sous son doigt.

— Monter à cheval ? Il me sourit et hoche la tête avant de parcourir de nouveau la liste des yeux.

Honteuse et le cœur serré par la culpabilité, je garde le silence. J’ignorais complètement qu’elle n’était jamais montée à cheval. Et honnêtement, je n’y avais jamais pensé avant aujourd’hui.

— Et celle-là … ajoute-t-il avec un sourire triste, c’est la dernière folie qu’elle ait réussi à me faire faire.

Abasourdie, je relie la ligne en question. Se faire tatouer ? Sérieusement ?

— Elle s’est fait tatouer ? Choquée, je le fixe bouche bée, les yeux exorbités. ll acquiesce avec un sourire amusé, puis relève sa manche gauche jusqu’au coude.

— Vrai de vrai, renchérit-il. Elle a même réussi à me convaincre de me faire tatouer la même chose. Franchement, j’étais à deux doigts de me dégonfler. J’ai une trouille bleue des aiguilles, grogne-t-il.

Hébétée, je tends la main vers son avant-bras et laisse mes doigts flotter à quelques millimètres de son peau. Son regard soucieux rencontre le mien, hésitant. D’un hochement de tête, il me donne son approbation silencieuse. Obnubilée, je laisse glisser le bout de mon index sur la fine ligne encrée dans son épiderme. Cette phrase. Annie me l’a répété des centaines de fois. C’était sa citation préférée.

La vie est une chance, ne la laisse pas passer.

Les caractères en italique forment un relief subtil et je parcours les lettres minuscules, comme hypnotisée. Je n’en reviens pas qu’Annie se soit fait tatouer. Une pointe de jalousie me transperce soudain et je retire ma main avant de détourner le regard. J’aurais voulu être présente. J’avale ma salive, plusieurs fois, tentant en vain de ravaler les larmes qui finissent par se déverser. Je les essuie d’un revers de main avant de reporter mon regard sur la liste. Combien de lignes sur cette feuille ont été raturé grâce à James ? Toutes ces choses que j’aurais voulu faire avec elle. Tous ces souvenirs manqués, perdus à jamais. La voix grave de James brise le silence douloureux qui s'est installé entre nous.

— C’est une longue histoire et je te raconterai tout, dans les moindres détails, c’est promis. Je sais que je n’ai aucun droit de te dire ça, mais ... tu ne dois pas t’en vouloir. Et tu ne dois pas lui en vouloir non plus. Annie… elle avait cette façon de faire les choses, comme si tout était planifié. Comme si tout avait une raison d'être. Tu dois lui faire confiance, finit-il d’un ton rassurant. Ses yeux s’égarent sur mes joues humides quelques secondes, puis reviennent s’ancrer dans les miens.

Les remords et la honte qui m'envahissent me retournent l'estomac, et son ton plein de compassion n'arrange rien. J'ai besoin de temps pour encaisser tout ça. J'ai besoin d'être seule. Comme s'il pouvait lire dans mes pensées, il se tait et s'éclipse un moment. Du coin de l’œil, je le vois faire les cents pas, parcourant le ponton de long en large, les mains dans les poches. Je soupire bruyamment. Je ne peux pas lui en vouloir, au contraire, je devrais le remercier et lui être reconnaissante pour tout ce qu'il a fait pour Annie. Pour l’avoir aidé à réaliser ses rêves. Je ravale ma fierté blessée et ma rancœur, et le rejoint de l'autre côté de la jetée. Avant que je ne puisse en placer une, son regard désorienté rencontre le mien et il commence à débiter à toute allure.

— Je sais que tu dois m'en vouloir et je suis désolé que les choses se soient ...

— Non, arrête je t'en prie. Je le coupe, en prenant soin d'éviter son regard. Ne t'excuses surtout pas. Tu n'as pas à te justifier. C'est moi qui devrais te remercier. La gorge nouée, je me tais quelques secondes, les mots coincés au fond de mon gosier. Merci, je finis par lui lâcher au prix d'un effort surhumain. Merci d'avoir été là pour Annie, ça représente beaucoup pour moi. Merci pour tout ce que tu as fait pour elle.

— De rien ... répond-t-il simplement après quelques secondes de mutisme. Il m'étudie du regard, surpris par ces remerciements inattendus.

Le vent s'est encore intensifié et le cœur battant, je fixe les moutons blancs qui se forment sur l'océan, de plus en plus nombreux. Agacée par les mèches qui me fouettent le visage, j'attrape un élastique dans ma poche et remonte mes cheveux emmêlés en chignon. Je m'appuie sur la rambarde et ferme les yeux, rongée par l’amertume et la jalousie. Je suis complètement perdue. Qu'est-ce qu'Annie attendait de moi ? Bon sang, toute cette histoire est insensée. Ces dernières semaines ont été une succession de malheurs, d’événements fortuits et de surprises en tout genre. L'agitation qui règne dans mon cerveau me donne le vertige. La mort d'Annie et son cancer dissimulé. James et ce foutu bail. Mes hormones en pleine effervescence.

Cette bucketlist est clairement la cerise sur le gâteau.

Calmes-toi Hannah, tu es en train d’hyper-ventiler.

Au bord de la suffocation et les mains tremblantes, je tente une série de respiration pour calmer ma crise de panique imminente. Échec total. J'halète, inspire et expire de façon totalement désordonnée, la poitrine comprimée par l'angoisse.

Ne pas paniquer. Ne pas paniquer.

J'ai toujours détesté les surprises et les imprévus. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que je suis servi ces derniers temps. Je dois me calmer. Les choses finiront forcément par rentrer dans l'ordre. Toute cette histoire à dormir debout va finir par se tasser. Il le faudra bien si je veux éviter que ma santé mentale ne soit altérer définitivement. En attendant, je vais rentrer tranquillement à la maison et chercher un moyen pour que notre cohabitation se passe pour le mieux. Ignorer l’attirance que j’ai pour l'apollon qui me sert de colocataire pendant les cinq prochains mois ne sera pas chose aisée, mais j'y arrivai ! Je ne peux pas gérer tout ça en même temps. Je dois mettre de côté quelques temps cette bucketlist et mes pulsions sexuelles pour pouvoir me focaliser sur mon avenir, sur mes projets personnels et professionnels. Il faut que je reprenne ma vie en main et d'ici quelques mois, James déménagera et tout rentrera enfin dans l'ordre. Une vie calme, une routine sereine et un James Carter le plus loin possible de moi.

La chaleur de sa main qui se pose soudain sur mon bras interrompt mes pensées torturées et l’électricité qui parcourt mon corps me fait frissonner. Quand je tourne la tête vers lui, il me fixe intensément, un sourire rassurant sur les lèvres.

— Je n'ai pas ré-ouvert cette liste une seule fois depuis qu'Annie nous a quitté, mais je crois qu'il est temps aujourd'hui. Ta grand-mère tenait vraiment à tous ces rêves, et je compte bien lui rendre hommage en veillant que ce qu'ils soient tous réalisés, jusqu'au dernier. Sentant la panique me submerger de nouveau, j'avale ma salive, terrifiée par ce qui pourrait sortir de sa bouche. Hannah, reprend-t-il, Toi et moi, rendons hommage à Annie ensemble. Acceptes, s'il te plait.

***

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Audrey Gart ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0