Chapitre 7 : Collision

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HANNAH

 Quand j’ouvre les yeux, les rayons du soleil filtrent timidement à travers les rideaux. Il me faut quelques secondes pour réaliser que je ne suis plus à Brisbane, mais dans ma chambre d’enfance. Pendant presque vingt ans, chaque soir, je me suis endormie entourée de ces murs jaune pâles, tellement familiers. Depuis mon départ pour Brisbane, rien n’a changé. Au-dessus de mon bureau, le tableau en liège est toujours recouvert des mêmes photos. La commode blanche dans laquelle ont été rangé successivement mes peluches, mon journal intime puis mes cahiers de lycée, est aujourd’hui remplie de vieux CD et magazines de décoration d'intérieur.

Le jour se lève à peine lorsque je me décide enfin à émerger de sous la couette. En ouvrant la fenêtre, je savoure le calme de l’aube et la fraîcheur revigorante qui s’engouffre dans ma chambre. Il ne doit pas être plus de six heures du matin. Le quartier est assez mouvementé en journée, mais à cette heure matinale, les rues sont encore endormies et désertes. Aucune voiture ne circule dans les environs et on peut entendre les oiseaux pépier gaiement. Les bras levés, je m’étire en soupirant d’aise. Je fixe l’océan à l’horizon en souriant et me décide enfin à sortir de mon cocon après avoir enfilé un bas de pyjama. Le couloir est silencieux. Lorsque je rentre dans la salle de bain, la réalité et les péripéties de la veille me reviennent en pleine face. Suite à notre petit face à face musclé, Môssieur James Carter s’est empressé de fuir comme un lâche, désertant la maison pour le reste de la soirée. Pour mon plus grand plaisir, je l’avoue. En allant me coucher vers vingt-deux-heures, il n’était toujours pas rentré. Je jette un œil par la fenêtre, aucune voiture en vue.

Qu’il ne rentre jamais, ça me fera des vacances.

Je m’asperge le visage d’eau, ferme le robinet et attrape ma serviette de la veille. En me tamponnant le visage, j’aperçois du coin de l’œil un petit éclat scintillant sur le sol, vestige du carnage d’hier que j’ai passé plus d'un quart d’heure à nettoyer. Je n’ai pas pu m’empêcher de tout remettre en ordre, même si j’étais furieuse qu’il se soit tiré en laissant la pièce dans un merdier pareil. En même temps, il n’y a qu’une seule salle de bain dans cette maison, je n’avais donc pas vraiment le choix... En pestant, je ramasse le minuscule morceau de verre et le balance dans la corbeille sous le lavabo.

Cet imbécile ne manque rien pour attendre.

Le ventre gargouillant, je descends à la cuisine et après avoir mis la bouilloire à chauffer, attrape le thé, le pain, le beurre de cacahuète et le miel que j’ai acheté la veille. Mon petit déjeuner préféré. Une fois mes valises déballées hier soir, je suis sortie faire quelques courses, histoire d’avoir le nécessaire vital sous la main pour les repas, lessives et toilettes des prochains jours. En savourant une bouchée de mon toast chaud, j’attrape mon téléphone que j'ai oublié sur le comptoir avant de me coucher hier soir et fais défiler les messages sur l’écran. Un appel manqué de mon frère, Clark, que j’ai essayé d’appeler dans la soirée, et qui ne m’a pas répondu, bien évidement. Et quinze messages de Jen. Je souris en lisant son dernier texto, reçu à 23h32.

From Jen :

Si je n’ai pas de réponse d’ici demain 9h, je débarque. Rappelle-moi et plus vite que ça.

Elle décroche au bout de la seconde sonnerie.

Hannah Charlie Mendes ! Est-ce que tu te fiches de moi !?

— Salut Jen !

— J’étais sur le point de préparer mes valises, j’espère que tu as une bonne excuse pour ne pas avoir répondu à mes six cents messages ?!

— Désolée, je me suis endormie. Je lui réponds entre deux bouchées.

— Tu t’es endormie ?? Non mais je rêve ! Je l’entends rouspéter à l’autre bout du fil et je ne peux m’empêcher de rire, ce qui la fait pester de plus belle.

— Tout va bien, relax ! Entre le trajet en voiture, mon rendez-vous chez le notaire, et tout le reste… J’étais juste complètement naze !

— Mouais… Répond-elle en se renfrognant. Comment s’est passé ton rendez-vous d'ailleurs ?

Je bois une gorgée de thé en cherchant mes mots.

— Bien - je mens - Quelques imprévus, mais rien de grave.

Elle est sérieusement capable de débarquer si je lui raconte les imprévus en question et je sais qu’elle a d’autres chats à fouetter en ce moment.

— Cool… Pourtant, tu avais l’air en rogne sur ton message d’hier, tu es sûre que tout va bien ?

— Mais oui ça va… J’étais un peu déboussolée, c’est tout. Etre ici, sans Annie… mais tout va bien maintenant ! Je suis soulagée d’être enfin à la maison, je t’assure !

Je ferme les yeux et retient ma respiration, en espérant qu’elle gobe mon mensonge. Jen est impossible à berner, elle lit en moi comme dans un livre ouvert. Son grognement perplexe confirme mes craintes.

— Mmmmh… on en reparlera. Je dois raccrocher, j’ai mon boss en double ligne. Il nous a collé une réunion de dernière minute et j’ai à peine une heure pour la préparer ! J’ai des envies de meurtre ! Ce connard arrogant va me rendre chèvre !

Je pouffe et manque m’étouffer avec ma gorgée de thé.

— Essaies de rester zen, je n’ai pas envie que notre prochaine conversation ai lieu dans le parloir d’une prison.

— Je ne te garantis rien. Bon je te laisse et envoies moi des nouvelles, compris ?

— A vos ordres mon caporal ! Je lui réponds en mimant le salut militaire.

— Je t’embrasse, tu me manques déjà !

Elle raccroche avant même que j’ai pu lui répondre et je souris en regardant mon téléphone. Cette folle va affreusement me manquer et je me demande comment je vais survivre ici sans elle. Ignorant la boule qui se forme dans ma gorge, je fini ma tasse d'une traite et je me lève pour débarrasser mon petit déjeuner et par la même, ma nostalgie. Une fois la cuisine nettoyée, je grimpe à l’étage pour prendre ma douche, en sautillant à moitié. Malgré les circonstances, je suis excitée d’être enfin de retour chez nous. J’ai l’étrange impression d’avoir de nouveau douze ans et toutes les vacances d’été devant moi. Je suis en réalité une squatteuse sans boulot, mais peu importe. J’ai quelques économies de côté, de quoi tenir quelques semaines, le temps de me poser et de retrouver un job ici.

Une fois à l'étage, je regarde de nouveau par la fenêtre de ma chambre. Non, aucune voiture, je n’ai pas rêvé ce matin. Je me demande où Lucifer peut bien être, avant de me reprendre. En enfer peut être ? Je m'en fous à vrai dire, il n’est pas là et c’est l’essentiel ! J’attrape des vêtements au hasard dans ma valise, une brassière de sport, un débardeur et un short en jean feront parfaitement l’affaire pour accueillir les déménageurs. Je dois réceptionner les quelques affaires que j’avais entassé dans mon minuscule appartement et que je n’ai pas eu le courage de vendre, les jugeant d’une quelconque utilité ou par sentimentalisme. Sans compter ma télévision, je dois avoir à peine cinq cartons.

Quelques minutes plus tard, je coupe l’eau de la douche, cherche à tâtons ma serviette accrochée sur le mur et me sèche rapidement. J’enfile mes dessous, mon débardeur et me rend compte avec exaspération que mon short n’est nulle part en vue.

Chiotte

Je jette un œil par la fenêtre pour la troisième fois en une heure.

Pas de pick-up en vue. Je passe la tête dans l’entrebâillement de la porte et inspecte le couloir par précaution. Rassurée par le silence ambiant, je sors de la salle de bain en petite culotte et bifurque à gauche en direction de ma chambre. Mon short est bien là, en boule sur la moquette près de ma valise. Je l’attrape et ressort de ma chambre à la hâte en continuant de scruter le sol pour être sûr de n’avoir rien oublié d’autre. J’ai à peine fait deux pas dans le couloir que je heurte un mur chaud et dur.

Le souffle coupé, je fixe mes pieds quelques secondes, puis les yeux ronds, relève lentement la tête.

Oh mon dieu.

Je décolle précipitamment mes paumes de mains du torse qui vient de me percuter. Soudain consciente du corps à moitié nu plaqué au mien, je recule d’un pas en regardant pétrifiée mon colocataire qui se tient devant moi en caleçon.

- Salut. Me dit-il simplement, avec l’air d’être aussi surpris que je le suis.

Incapable de lui répondre, je le fixe comme une ahurie. Le visage à moitié endormi et les cheveux en bataille, il est carrément craquant. Exaspérant. Je continue mon inspection et laisse mon regard descendre le long de son corps. Cet imbécile est encore plus sexy que dans mes souvenirs. Ses longues jambes musclées sont ancrées dans le sol face à moi. Son corps bronzé et fuselé semble tout droit sorti d’un magazine de surf. Hypnotisé, je scrute ses pectoraux parfaitement dessinés. Son torse est pratiquement imberbe mis à part une étroite ligne de poils qui émerge de l'élastique de son caleçon et remonte vers son nombril, le long de ses abdominaux. Une légère ombre brune attire mon regard à droite de son nombril, une tache de naissance qui ne gâche rien à la vue, au contraire. L’imperfection qui rend son corps encore plus parfait. Mon regard dérive sur ses épaules larges et musclées, et je remarque une fine ligne tatouée sous son avant-bras gauche. Je suis ramené sur terre par un raclement de gorge, me faisant sursauter. Il se penche pour ramasser mon short que j’ai laissé tomber dans l’impact, et me le tend, avec un sourire moqueur.

— Je pense que ça vous appartient. Me dit-il en regardant avec insistance mon bas ventre.

Je pousse un petit cri aigu en réalisant soudain avec effroi la tenue dans laquelle je me tiens face à lui. Lui arrachant mon short des mains, je le place précipitamment devant mon entrejambe. Il se met à rire en entendant mon couinement de souris et se décale sur le côté, me laissant plus d'espace pour passer. En longeant le mur, j'avance vers la salle de bain, mon dos serré contre la paroi, tentant tant bien que mal de camoufler mes fesses. Clairement amusé par mon petit numéro, il me suit du regard et sourit de toute ses dents en faisant mine de se masquer les yeux d'une main. Bien trop horrifiée pour être agacée, je plonge dans la salle de bain, les joues rouges pivoines et referme précipitamment la porte derrière moi après lui avoir crié un pitoyable « désolée merci » par-dessus mon épaule.

Dans un grognement, je me laisse glisser le long de la porte. Les fesses au sol, je jure entre mes dents et grimace en entendant le rire de James qui résonne encore dans le couloir.

***

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