Février

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C'était l'enfer. Il avait plu sur janvier comme il pleuvait sur février. Et moi, j'étais soldat. L'odeur salée de mes larmes se mêlait à celle de la pisse qui imprégnait mon lit. Pisse. Avant l'enfer, j'aurais dit urine. Mais avant l'enfer, je n'aurais jamais pissé dans mes draps...

En quelques secondes, tout avait changé pour moi et pour la planète entière. J'étais soldat de l'ombre. On m'avait dit que c'était une chance. J'avais été affecté à mener une guerre informatique pour aider les soldats sur le terrain, déclencher des missiles, contrer les attaques du camp adverse...

« Appuie sur entrée », c'était le seul ordre que j'étais capable de donner encore et encore à mon cerveau. J'étais partisan de l'amour, et il était impossible pour moi de me dire qu'en appuyant sur cette maudite touche, je tuais en masse !

Devant moi, des dizaines d'écrans et de claviers. Toujours, j'étais aux premières loges quand la mort frappait. Mes yeux s'obstruaient de larmes, et pourtant, je ne pouvais détacher mon regard de la scène qui se déroulait à cause de moi.

« Contre mon gré »

« A cause de moi »

« Contre mon gré »

« A cause de moi »

Jamais. Jamais il ne me laisserait en paix. Jamais. Mon cerveau. Ses dilemmes. Mon chef. Mon souvenir d'avant. Mon besoin d'amour...

Andorra, qu'est-ce que j'ai fait !

Tout ça ne servait à rien, car tu es morte et je me meurs ! Et ta pauvre mère ! Que diable ne t'occupes-tu pas de ta pauvre mère ! Avant l'enfer, je ne t'aurais jamais crié dessus, ma magnifique, ma merveilleuse Andorra... Mais avant l'enfer, tu étais en vie !

Avant l'enfer, j'étais courageux. J'étais courageux parce que je ne vivais jamais rien de dangereux. Puis il y a eu Lydia, la fille du traître qui m'aidait dans mes missions. Tant qu'il était avec « nous », il était très bien protégé, mais à la seconde où il « nous » a trahis... J'avais le devoir de désactiver le système de haute sécurité qui entourait leur chambre. Et je l'ai fait. Pour vivre. Je l'ai fait.

Elle avait quinze ans. Ils l'ont violée et torturée jusqu'à ce que mort s'en suive, forçant son père à regarder avant de le torturer à son tour. Ils ont brûlé de parties de sa peau que je ne citerai jamais, ils lui ont plongé la tête sous l'eau à de multiples reprises, ils lui ont fait subir des techniques de torture que je n'aurais jamais soupçonné d'exister. Et alors que, épié par mon supérieur, j'observais toute la scène avec une fascination feinte, j'avais compris que c'était lui et sa fille qui étaient courageux et moi qui étais lâche, que le courage avait un prix, et que ce prix, c'était la mort...

Alors je suis resté lâche. Ils pensaient tous que c'était pour vivre encore un peu. Mais moi je pense que c'est aussi un peu pour ta mère, pour avoir la chance de la revoir un jour, peut-être même de la serrer contre moi si on m'y autorise !

C'était la guerre. Il pleuvait sur février, quelque part au nord de ma vie de soldat couard.

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