Chapitre 1

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Mon portable sonne. C’est son numéro… Que peut-il encore me vouloir ? Me jeter de nouveau son bonheur au visage ? Me redire comme il est bien avec elle, combien ils ont de points communs ? Ou juste encore me prouver qu’il n’a plus besoin de moi ; qu’il est heureux sans moi. Combien de temps me faudra t-il encore subir cela ?

Qu’elle est belle (plus que moi ?), gentille, douce, compréhensive … Et sourire à cela alors que mon cœur est en miettes ! Mais que lui dire ? Que je regrette ? Que je suis malheureuse, jalouse ? Et que je l’aime ? Que j’en crève de le savoir avec elle ?

« Arnaud, c’est toi ?

- Oui.

- Comment vont les jeunes mariés ? Vous êtes enfin rentrés de voyage ?

- Hier.

- Oh je vois, j’ai droit à la primeur de vos nouvelles… Je suis flattée !! Allez, raconte ! Les Marquises ?

- Vide.

- Pardon ?

- Il m’a manqué le principal.

- Ah bon il n’a pas fait beau ?

- Toi.

- Je ne crois pas que j’aurais apprécié de tenir la chandelle…

- Arrête ! Il… Il faut que je te parle.

- Je t’écoute.

- Non, pas au téléphone »

Le revoir ; être seuls tous les deux. Terriblement tentant. Impossible mais tentant. Sa voix, si malheureuse… Que pouvait-il se passer ?

« Arnaud…

- S’il te plait. Il faut absolument que je te voie – tout de suite-

- Soit raisonnable ; tu ne vas pas venir exprès.

- Je suis déjà là.

- Oh mais…

- S’il te plait, viens.

- Non. Je suis désolée mais ce n’est pas une bonne idée, tu sais...

- S’il te plait ma douce » murmure-t-il.

Ma douce… et l’autre, il l’appelle aussi ma douce ?

« Tu es déloyal…

- Je sais… tu viens ? Je suis descendu…

- Non pas à l’hôtel.

- Alors au « Kil more » ? »

Il y avait toujours un monde fou là-bas… moins risqué.

« Ok ».

Je raccroche. Déjà je m’en veux d’avoir accepté ; mais il avait l’air bizarre, pas celui d’un jeune marié qui revient de voyage de noces ! Je prends les clés et monte en voiture. Durant le trajet, mille hypothèses plus folles les une que les autres m’assaillent. J’entre dans le parking souterrain et bientôt je remonte sur la place. Il pleut ; je ne l’avais pas encore remarqué. Il m’attend, seul, immobile sous l’averse. Autant pour la foule… Mon cœur bat la chamade.

« Tu es venue. Merci.

- Je serai toujours là pour toi.

- Je sais… »

Il me tend la main, hésitant à renouer un contact physique plus intime. Je l’attire dans mes bras pour ce que je veux une étreinte amicale. Nous sommes soudés l’un à l’autre, longtemps sous cette pluie battante. Je suis bien – merveilleusement – bien dans cette étreinte.

« Ma douce…

- Chut… »

Non, je ne veux pas qu’il parle ; qu’il brise cet instant magique. Etre là, nichée entre ses bras est tout ce qui m’importe. Mes mains se nouent autour de son cou. Doucement, siennes caressent mon dos, sa bouche s’égare sur mes tempes, ma joue, ma bouche… Je m’arrache brusquement de son étreinte.

« Non !

- Je suis désolé… Pardon.

- Menteur !

- Tu as raison, je le voulais. Mais ce n’était pas…

- Arnaud, qu’est-ce que tu veux prouver ?

- Ne dis pas que tu n’en avais pas envie !

- Là n’est pas la question.

- Si justement. Tu en as autant envie que moi.

- Non.

- Tu mens… regarde-moi !

- Ça va changer quoi ? Tu es marié maintenant et je le suis toujours ! Il n’y a rien à faire contre cela ! Pourquoi continuer à se faire du mal ? »

Mes larmes coulent avec la pluie.

« Je n’en peux plus…

- Tu pleures… je suis désolé.

- Je vais y aller.

- Non !

- Ça ne mène à rien !

- Reste, juste un peu. J’ai trop besoin de toi !

- Arnaud…

- Je n’en peux plus d’être sans toi ; je t’aime ! Oui je suis marié, oui… mais ça ne marche pas. Oh, ce n’est pas Vic, elle est parfaite : belle, compréhensive, c’est moi qui... J’ai cru pouvoir retrouver avec elle un peu de ce que je vivais avec toi mais, non. C’est toujours toi que je désire, toi qui me manques, toi que je vois dans mes bras, toi que j’embrasse, TOI que j’aime... ce n’est pas tenable !! ».

Sa véhémence me laisse sans voix.

« Qu’est-ce que tu m’as fait ? Pourquoi ? Pourquoi ? ».

Il s’est assis là sous la pluie, la tête entre les mains. Je crois qu’il pleure. Je devrais m’enfuir, il n’y a pas d’issue pour nous. Mais ce désespoir répond au mien, son désir aussi. Je n’en ai pas la force. Je m’agenouille près de lui et le berce doucement, tendrement.

« Parce que je t’aime, Arnaud Frémont.

- Liv, ma douce… »

Il redresse la tête et mes lèvres se perdent sur son visage, sa bouche et nous échangeons un baiser passionné.

« Viens… ».

Il m’aide à me relever et sans lâcher ma main me guide vers la station de taxi. Nous nous engouffrons dans une voiture.

« Hôtel mercure, s’il vous plait ».

Je me pelotonne contre son torse et ferme les yeux. Je parsème son cou de baisers légers, retrouvant son odeur. Je vais payer cette folie, mais c’est trop tard. Je ne peux plus rien arrêter maintenant ; je n’en ai plus le courage. Le taxi s’arrête devant l’hôtel. Après avoir réglé la course, nous entrons dans l’établissement, arrivons près de l’ascenseur. Nous sommes trempés ; on dirait deux noyés… La chaleur fait fumer nos vêtements. Cela nous fait rire doucement. Devant la porte de la chambre qu’il me tient galamment ouverte j’hésite rien qu’un instant puis entre. Il referme la porte sur nous. Je reste là, ne sachant pas trop quoi faire. Quoi dire. Je frissonne ; je suis trempée, gelée.

« Tu devrais te changer ; il y a un peignoir dans la salle de bain ; je vais commander quelle chose… tu veux un thé ? »

J’acquiesce en silence et me dirige vers la salle de bain… à l’abri ; mais à l’abri de qui ? De lui, de moi, des autres ? Je me déshabille difficilement et malgré une douche brûlante, mon corps tremble encore. Je m’enveloppe d’un moelleux peignoir blanc et retourne vers lui.

« Ça a va mieux ?

- Tout juste… je n’arrive pas à me réchauffer.

- Bois ça… j’arrive de suite. »

A son tour, il disparaît dans la salle de bains. Je serre contre moi la tasse brûlante, refusant de penser à autre chose. Il revient, une simple serviette autour de la taille.

« Je prends juste un rechange… »

Approchant de l’armoire, il me tourne le dos. Je pose ma tasse, me lève sans bruit et mon peignoir glisse à mes pieds. Je m’approche de lui et détache sa serviette. Je me love contre sa nudité chaude et douce. Mes lèvres courent sur son cou, ses épaules…

Il se retourne. Toute contre lui, nos lèvres se cherchent, nos mains déjà se retrouvent. Le lit, tout proche, nous ouvre ses draps…

Apaisés, nous nous sommes étendus dans les bras l’un de l’autre. Je me sens si bien, à ma place. Il est le seul qui me fasse me sentir si belle, si désirable.

Le royaume de ses bras m’appartient. Mais il va falloir partir. M’arracher à cette étreinte, une fois encore. Rentrer et retrouver ce vide infini, cette aride solitude qu’il remplit si bien. Si le temps pouvait s’arrêter… mais non.

La pénombre déjà envahit la chambre. Je laisse échapper un soupir...

«Oui, je sais ma douce, tu dois partir. Moi aussi d’ailleurs.

- Je n’ai pas envie de te quitter mais…

- Il le faut, oui.

- Donne-moi la force… Je suis si bien là. Dis-moi de m’en aller ; chasse-moi ! »

Il resserre son étreinte.

« Te chasser, moi ? Alors que je rêve de te garder là, tout contre moi ? Tout ce que je désire est là dans cette chambre. Que toi.

- Ils ont besoin de nous.

- Sans doute.

- Quel gâchis…

- Que veux-tu que je fasse ?

- Rien. Il n’y a rien à faire à faire ; tu le sais aussi bien que moi. Je vais me lever et m’en aller.

- Reste juste un peu.

- Un peu. Tu lui as dit quoi ?

- Je n’ai rien eu à lui dire… Je crois qu’elle se doute. C’est une femme formidable tu sais. J’ai honte de la traiter comme ça.

- Elle t’a toi.

- Non. Je ne suis qu’à toi seule. Je peux coucher avec elle, vivre au quotidien avec elle, partager sa vie mais c’est toi que j’aime.

- Arnaud, je suis désolée de te faire souffrir, je ne le fais pas exprès. Je ne suis pas libre ; tu l’as toujours su.

- Dis-le à mon cœur, à mon âme… Ils ne t’écoutent pas. Si au moins tu étais heureuse ; si je te savais choyée, aimée, chérie, alors peut-être que je pourrais me résoudre, pour toi, mais non. A chaque fois je te retrouve plus triste, plus vide… Te voir souffrir est pire que de te savoir heureuse. Je t’en supplie, partons tous les deux, nous pouvons tout recommencer ailleurs…

- Nous en avons déjà tant parlé, tu sais que je ne peux pas laisser mes enfants.

- Emmenons-les

- Il ne sera jamais d’accord… s’il te plait, ne gâchons pas le temps passé ensemble.

- Alors jure-moi qu’on va se retrouver, souvent.

- Je ne sais pas si je pourrais...

- Tu pourras. On fera tout pour ça. Je me calerai sur tes disponibilités… Ne dis pas non, s’il te plait !

- Ce n’est pas honnête, je gâche ta vie. J’aurais dû partir ce jour-là…

- Tu me rends fou de bonheur, amoureux… Je ne regrette rien… Enfin, seulement de devoir te partager avec lui. Je suis jaloux, tu sais.

- Ne le soit pas, il ne lui reste pas grand-chose.

- Malgré tout, tu partages ses nuits, tu dors entre ses bras.

- Jamais de la vie ! Nous dormons dans le même lit, c’est vrai, mais chacun pour soi

- Non, s’il te plait, ne me mens pas.

- Je n’en ai pas besoin. Nous ne sommes plus que deux colocataires, seuls les petits nous rapprochent encore l’un de l’autre. Il n’y a plus de sexe depuis longtemps.

- Cet homme est fou : il t’a toi et... rien ? A sa place...

- Tu n’es pas lui ; Le sexe n’intéresse pas mon mari.

- Tant mieux pour moi ! »

Il me serre derechef contre lui, ses lèvres dans mes cheveux. Ses mains déjà remontent vers mon sein et je frissonne de désir. Mes lèvres dans son cou, ses mains sur mon corps. Nos cœurs s’emballent…

Il fait nuit maintenant. Il doit déjà être tard. Je me lève doucement et me dirige vers la salle de bains. Une bonne douche me revitalise et je me rhabille en toute hâte. La parenthèse doit se refermer pour cette fois. Je traverse la chambre sans bruit, hésitant à partir ainsi, sans un mot. Je reviens vers lui et m’assieds sur le lit. Déjà, il s’éveille.

« Au revoir mon amour, je t’aime

- Je t’aime encore plus… à très bientôt ma douce ».

Je sors de la chambre et me rends dans le hall de l’hôtel. Un taxi, bientôt me reconduit à ma voiture. Ma vie doit reprendre ; ou doit-elle s’interrompre un moment jusqu’à nos retrouvailles ? Je l’ignore mais malgré la pluie qui inonde toujours le ciel je me sens incroyablement bien. Mon rêve m’échappe jusqu’à notre prochaine rencontre, que je sais maintenant inéluctable. Est-ce mal ? Sûrement. Vais-je arrêter ? Non : nous nous faisons trop de mal à nous séparer ; inévitablement, l’un ou l’autre renoue le lien. Nous sommes deux âmes sœurs ou peut-être même une seule âme coupée en deux.

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