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Avant Paris, c’est un trou noir. Une longue descente dans les tréfonds de mon âme, dans des recoins que j’aurai préféré ne jamais visiter.

J’ai toujours été une personne solitaire. Je cherchais la compagnie, les rires, mais il me fallait aussi des instants de tranquillité, de silence, pour que je puisse me reposer. Mais une fois les études terminées, la Solitude a décidé d’emménager avec moi. Elle s’est trouvée une place de choix dans mon lit tandis que Jalousie s’installait dans ma douche et Anxiété dans mon frigo.

Je n’arrivais pas à créer de liens avec les autres, je ne savais plus comment interagir avec les autres. Alors je restais dans mon coin, me faisant discrète. Je ne sortais plus que pour aller travailler ou faire les courses. Même mon balcon me semblait trop loin, trop exposé. Je tournais en rond dans mon appartement, tel un poisson dans son bocal. Je me perdais sur les réseaux sociaux, miroirs de ce que nous ne sommes pas. Loin de mes amis, je ne me trouvais aucun but, aucune raison d’être.

Et pourtant, je leur parlais de moins en moins, me sentant comme un poids, un boulet les empêchant de profiter de leur vie dont j’étais spectatrice, le sentiment de ne plus en faire partie, de ne plus compter, m’envahissant toute entière, peu importe le nombre de fois où ils tentaient de me réconforter. Je m’isolais petit à petit, m’enfermant dans un cercle de dénigrement sans fin. J’enviais leur bonheur, leur vie qui semblait si bien construite, si épanouie. La jalousie me bouffait toute entière et j’usais de toutes mes forces pour ne pas les détester, pour me rappeler combien je les aimais. Je pensais aimer les autres plus qu’ils ne m’aimaient en retour. La vérité, c’est que je ne pensais pas mériter l’amour de qui que ce soit. Je me répétais que je ne comptais pour personne, je n’étais la priorité de personne. J’avais l’impression de regarder les autres avancer mais de ne pas réussir à bouger.

J’avais parfois mal au cœur. Non, souvent en fait. C’était une sensation étrange. Déjà, je sentais mon cœur. Littéralement. Comme s’il se serrait. Et qu’il se vidait. Se noyait. Brûlait. Éclatait. Ça faisait mal. Si mal que j’avais envie de pleurer, mais rien ne sortait car j’avais peur de ne pas m’arrêter, de me noyer dans la douleur.

Mon cerveau s’occupait quant à lui de nourrir cette douleur. Il parlait sans cesse, me criait des choses que je ne voulais pas entendre mais que je ne parvenais pas à ignorer. « Solitude ». « Nulle ». « Incapable ». « Égoïste ». « Vieille fille ». « Tu finiras seule ». « Tu comptes pour personne ». « T’es même pas fichue de te faire à manger ». « C’est fou comme t’es moche ». « Mais qui pourrait t’aimer ? ». « Lâche un peu tes amis, tu vas les étouffer ». « Tu les emmerdes. Bien sûr qu’ils te le disent pas, mais tu les emmerdes avec ta tristesse sortie de nulle part ». « De quoi tu te plains ? T’as un boulot, un toit, t’as manqué de rien dans ton enfance, pourquoi tu chipotes ? ».

Les têtes à tête avec moi-même étaient de plus en plus longs, de plus en plus noirs, jusqu’à ne plus se terminer. Je ne voulais plus qu’une chose : crier. Hurler ma haine, ma douleur, ma peur. Je me retenais de ne pas m’ouvrir la poitrine pour en sortir ce cœur douloureux, je me retenais de ne pas m’exploser la tête pour faire taire ce cerveau assourdissant. Je coulais. Je voulais qu’on m’aide ou qu’on me tue. Ça se mélangeait. Je ne savais plus. Je ne pouvais plus. Je ne voulais plus.

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