Chapitre 3 - Mallachd

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Miss Moran rejoint Caitlin au coin d'un foyer crépitant. Il leur offrait une chaleur agréable tout à fait propice au récit d'une légende.

Elle déposa devant la table en chêne une assiette de biscuits et deux tasses de thé fumantes.

Prenant la sienne, Miss Moran s'installa confortablement au fond de son fauteuil, et, penchant légèrement la tête vers Caitlin entama son récit.


" - Voyez-vous Miss, la famille Tharnam a toujours vécue sur ces terres, bien sur leur domaine a évolué au fil des années, gagnant des terres puis en perdant, au gré des alliances, des guerres, des mariages. Mais l'histoire que je m'apprête à vous raconter concerne un aspect bien plus personnel de l'héritage de Tharnam. "


Caitlin se redressa contre le dossier de son fauteuil, cette histoire, son histoire, promettait d'être palpitante. Elle était impatiente de connaître les détails croustillants de sa lignée.


"- Il y a quelques siècles de cela, la fille, du Duke Tharnam, Daireen, tomba éperduement amoureuse d'un garçon de la région, un simple fermier. Ce garçon, Coman, partageait également ses sentiments, mais le Duke en avait décidé autrement. Sa fille ne pouvait épouser un simple roturier, cela aurait été impensable vous vous en doutez. "


Elle but quelques gorgées de son thé, tandis que Caitlin s'apprêtait à entendre l'histoire classique de deux amoureux en fuite suivit d'une fin plus ou moins romantique.


"- Pour mettre fin à cette romance, le Duke ordonna au père de Coman de trouver une épouse à son fils dans les plus brefs délais, et il enferma Daireen dans le château pour qu'elle ne puisse plus avoir de contact avec le jeune homme. Ainsi, elle apprendrait qu'il se serait marié très rapidement une fois qu'ils n'eurent plus pu se voir, et oublierait bien vite ce jeune goujeat.

Dans la précipitation d'obéir au Duke, le père de Coman choisi une fille du village dont la famille avait une réputation très étrange. Peut-être le Duke avait il ordonné de la choisir pour convaincre une fois pour toute sa fille d'abandonner ses sentiments à l'égards de ce garçon. Toujours est-il que la future mariée et sa famille avait pour réputation de s'adonner à la magie, blanche mais surtout noire. Ainsi certaines femmes de sa famille étaient connues comme guérisseuses et pratiquaient les accouchements, quand d'autres étaient plutôt connues pour lancer sortillèges et maléfices.

Cette jeune fille s'appelait Mairona, elle était plus attirée par la magie noire que par ses dons de guérisseuse, et ce mariage était inespéré pour elle au vu de sa sombre réputation.

- Mais pourquoi souhaitait-elle tant se marier ? Je veux dire, en général, les sorcières ne restent-elles pas entre femmes ?

- Quelle idée Miss ! Et comment aurait-elle pu enfanter et transmettre ses dons si elle n'avait point de mari ?

- Pas besoin d'un Mari pour avoir un enfant...

- A cette époque, elle aurait été brûlée vive si elle était tombée enceinte hors mariage, on la soupçonnait déjà de magie noire, rendez vous compte ! Ce mariage lui assurait la protection d'un homme, son mari, et une descendance. En quelque sorte c'était pour elle le moyen de redorer un peu son image, de se faire une nouvelle réputation pour pouvoir continuer tranquillement ses activités. A l'époque, les "sorcières", ou "bana-bhuidseach", était certes mal vue, mais beaucoup de personnes venaient tout de même leur acheter des filtres, des potions, ou payaient pour qu'un mauvais sort soit jeté sur un ennemie. Même si personne ne s'en vantait, c'était courant et plutôt lucratif pour les guérisseuses autant que pour les Bana d'ailleurs.

- Je comprends mieux tout l'enjeux de ce mariage pour Mairona du coup...

- Donc, le mariage devait avoir lieux un vendredi soir. Dans l'après-midi, Coman parti soi-disant pêcher pour alimenter le banquet du mariage. En réalité, Coman n'avait pas renoncé à Daireen, et l'idée d'épouser Mairona lui était tellement insupportable qu'il préféra tenter le tout pour le tout, et se rendit au château.

Comme vous le savez, tout bon château a ses passages dérobés, permettant aux personnels de se déplacer sans interférer dans la vie des maîtres des lieux, mais aussi de fuir en cas d'attaques. Tharnam ne fait évidement pas exception, même si je reste persuadé que l'on a aujourd'hui oublié bon nombre d'entre eux.

Toujours est-il que Coman connaissait très bien le château pour avoir travaillé un été comme commis de cuisine. C'est d'ailleurs là que son idylle avec la belle Daireen était née.

Vous avez surement remarqué qu'une partie des murs du château donnent directement dans le lac. L'histoire dit qu'à l'époque un passage permettait de sortir du château via un passage où seule une barque étroite pouvait passer, et ainsi traverser le lac.

Coman se serait donc introduit par ce passage pour rejoindre sa belle. Ils fuirent tous les deux, abandonnant Mairona sur l'hôtel.

La légende veut, que de rage, Mairona ait maudit tous les hommes qui tomberaient amoureux d'une femme Tharnam, les condamnant à une mort violente et soudaine avant la naissance du premier enfant du couple. Elle aurait lancé la Mallachd sur les Tharnam

- Désolé Miss mais je ne comprends pas bien, comment la lignée existe-t-elle encore si à chaque fois qu'une femme Tharnam tombe amoureuse, son prétendant meurt ? Et qu'est ce que une "mallachd" ?

- Mallachd signifie simplement malédiction. Pour ce qui est de la lignée, c'est en ça que la malédiction est vicieuse, il ne meurt pas avant que la Lady soit enceinte. Et comme Mairona avait de la suite dans les idées, elle a égalemment maudit les femmes Tharnam à n'avoir que des filles, ce qui à force, a obligé les Dukes à changer les règles de succession. La maison Tharnam allant donc au 1er né, peu importe son sexe.

- Et cette légende se vérifie, ou reste-t-elle que légende ?

- Force est de constater que sur les dernières générations en tout cas, les hommes de la familles sont tous morts jeunes et n'ont pu connaître leur enfant, et les Lady n'enfantent que des filles.

- Mais ne se peut-il pas que ce ne soit que des coïncidences ? Je veux dire, si chaque femme n'a qu'un enfant, le fait que ce soit une fille peut n'être que pure coïncidence, et le fait que les hommes meurt tôt, de simples accidents...

- Oh vous savez miss, nous y croyons sans y croire, nous ne faisons que constater, c'est notre légende locale. Mais si j'étais une Tharnam, je ne serais pas trop pressée de me caser, du moins pas avant d'avoir lever cette malédiction, fût-elle réelle ou non, dans le doute...

- Il y a donc un moyen de lever la malédiction ?

- Selon la légende, il y en aurait un. Il faudrait retrouver une descendante de Mairona, et réparer l'injustice, payer la dette.

- Et cette dette à combien s'élève-t-elle ?

- Il y a plusieurs versions à l'histoire, certaines disent que pour lever le sort, la Lady doit renoncer d'elle-même à son amour. Une autre laisse entendre que la dette ne sera payée que lorsque le corps de Mairona sera enterré dans une scépulture descente. Et la dernière, ma préférée, prétend que le sort sera lever lorsqu'une femme de la famille de Mairona acceptera de le lever.

Dans tous les cas, la preuve que la malédiction est définitivement levée sera la naissance d'un héritier mâle ayant toujours son père à ses côtés lorsqu'il verra le jour.

- C'est charmant...

- N'est ce pas ?

- Et concernant Mairona, vous parlez de scépulture descente... je suppose que le Duke a peu apprécié que l'on jette une malédiction sur sa famille, surtout si cela signifiait ne plus avoir d'héritier mâle...

- Oh, et bien, au début il ne se serait pas vraiment préoccupé de cette malédiction, trop empressé de retrouver sa fille avant qu'elle ne se compromette avec un simple commis de cuisine. Mais quand Daireen est revenue au château, la chose était faite et plutôt bien avancée. Elle serait revenue au château seule, enceinte et presque à terme, sans Coman, expliquant qu'il serait mort tout d'un coup, sans plus d'explications. Tout le monde a pensé que pour sauver sa vie, Coman l'avait juste abandonné et avait fuit.

En tout cas personne ne revit jamais Coman, et Daireen donna naissance à une fille qu'elle nomma Ailish. Elle mourru de chagrin dans les mois qui suivirent.

Le Duke, fou de rage d'avoir perdu sa fille, qu'il aurait pu réussir à marier malgré les circonstances pour assurer la pérénité de son domaine, moyennant certainement une grosse somme d'argent, fit brûler vive Mairona, l'accusant d'avoir envouter sa fille et porté malheur à sa famille. Son corps fût abandonné dans les bois, ou dans une grotte scellée selon la version de l'histoire.

La petite Ailish fût élevée par sa grand-mère et les lois furent changées pour qu'elle puisse hériter du domaine et le gérer comme l'aurait fait un héritier mâle.

Et la malédiction continua de génération en génération, voyant les "compagnons" des Lady mourrir tous prématurement, et les Ladys ne donner naissance qu'à des filles.

Une autre chose se perpétue dans cette lignée, la grande beauté des Ladys, avec de grands yeux bleus et une belle chevelure noire... que vous avez visiblement héritée de votre mère, n'est ce pas Lady Tharnam ? "


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