D’où viens-tu ?

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« Il ne faut pas crier. Si tu cries, on s’arrangera pour que tu ne fasses plus de bruit, c’est compris ? »

Melody voulut acquiescer, mais elle ne pouvait pas du tout bouger la tête. La force déployée naturellement par la créature pour la bâillonner était telle que remuer le front de haut en bas lui était impossible. La vampire patienta une ou deux secondes, puis grogna, agacée. Son compagnon lui fit remarquer :

« Mary, tu l’empêches de parler et de bouger. C’est une gamine…

— Oh ! »

Mary desserra sa main et Melody put enfin hocher la tête, précipitamment. Elle pleurait, en silence.

« Parfait. Je suis Mary, lui, c’est Josh. Qu’est-ce que tu fais là ? »

Melody hésita à répondre. Mais parler, ça faisait moins de bruit que crier. Elle ravala ses larmes et expliqua, d’une petite voix que sa peur rendait aiguë :

« Je suis Melody. Je vais chez les loups-garous…

— Oh ! c’est drôle ça… souffla Josh. Nous aussi.

— Mais tu venais de sous la pluie… ajouta la vampire pour l’inciter à continuer.

— Oui. »

Il y eut un moment de flottement. Les deux plus vieux attendaient, mais Melody n’avait entendu aucune question.

« Tu viens d’où ?

— De chez moi.

— C’est où chez toi ?

— Là-bas. »

L’enfant désigna une direction précise, sans douter d’elle une seconde. On ne voyait rien dans la nuit, et les vampires ne connaissaient pas le coin.

« Tu viens de la ville ? d’un village ? Où sont tes parents ? questionna Josh, peu patient.

— J’habite au village.

— Quel village ? s’énerva Mary.

— Juste au village… »

Melody se remit à pleurer sans comprendre ce qu’ils attendaient d’elle. Entre deux reniflements, elle expliqua :

« C’est juste le village ! J’ai toujours appelé ça le village, j’ai jamais été à la ville… Maman protégeait la maison. Elle est partie avec Papa et Sans. On devait tous partir ensemble, mais le transfert n’a pas fonctionné. La pluie tombe toujours depuis trois nuits. C’est dur ! Je pensais qu’ils reviendraient me chercher. C’est long trois jours ! Et le temps sous la table, c’est long aussi ! Alors, je suis partie chez les loups-garous. Comme ça Papa et Maman me retrouveront facilement. Je marche. Mais je sais pas si c’est si loin, les loups-garous. Je marche depuis toute une journée ; toute seule. Il faut pas vous énerver, j’ai rien fait de mal… »

Cette dernière phrase la fit basculer vers des pleurs incontrôlables. Elle avait peur. Peur du noir, peur pour Sans, peur que ses parents ne la retrouvent pas, peur des vampires. Elle ne souhaitait que sentir les bras de sa Maman autour d’elle. Écouter ses berceuses qui chantent avec la magie. Elle commença à réclamer sa mère entre deux sanglots bruyants, devant les deux créatures qui l’observaient d’un air étonné.

Elle se laissa tomber contre Mary et s’accrocha à sa chemise pleine de sang, sans y prêter attention. Sans avoir conscience qu’elle cherchait du réconfort et un câlin dans les bras d’une femme qui l’aurait tuée d’une pichenette sur le front. Josh éclata de rire au regard perplexe de sa compagne qui ne comprenait pas ce que la petite cherchait à faire. Si c’était une attaque, elle n’était pas très efficace.

Le rire du vampire, même froid et vide de toute émotion, rappela Melody à la réalité. Elle remarqua le contact glacé de Mary, l’étrangeté de la scène. Elle s’en rendait bien compte maintenant : faire un câlin à une créature qui avait du sang au bout des dents ne devait pas être une bonne idée. Cela la fit rire d’un seul coup. Les sursauts de son corps menu n’étaient plus causés par les pleurs, mais par une hilarité tout aussi incontrôlée.

Mary ne réagit pas. Elle se contenta de repousser la petite. Elle attendit qu’elle se fût calmée pour dire :

« On va aussi chez les loups-garous. Tu vas venir avec nous.

— Vous allez me protéger ? »

Josh eut un sourire prédateur que la gamine interpréta comme un oui. Il se défit d’un sac à dos et le donna à Melody.

« Porte ça.

— C’est quoi ?

— Tu seras notre garde-manger. En échange, je te promets que l’on te surveillera de près. »

Melody prit cela pour une promesse de protection et ajusta le sac sur ses frêles épaules. C’était lourd. Mais pour être protégée, elle voulait bien porter leur nourriture.

« C’est d’accord. Marché conclu. »

Mary frotta les cheveux de la petite comme on passe sa main sur la tête d’un bon chien.

« C’est bien. On marche toute la nuit. »

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