Chapitre 2. Le premier jour

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Lundi matin. Le réveil sonne à sept heures pile. Sans que cela ne soit vraiment nécessaire. Je suis déjà levé, douché, habillé, coiffé, j’ai terminé mon petit-déjeuner et suis quasiment prêt à partir. Autant dire que je ne serais pas en retard pour mon premier jour. La nuit a été exécrable. Nerveux à l’idée de me présenter pour la première fois au bureau, j’ai à peine fermé l’œil. Et les rares rêves qui m’ont été accordés par la providence n’avaient rien d’agréable. Voir le jour se lever et la journée enfin commencer a donc été un profond soulagement. Planté devant la glace de la salle de bain, les yeux cernés et le visage soucieux, je tente tant bien que mal de me raisonner. Ce n’est un moment désagréable à passer, puis tout ira bien. Demain je serai déjà plus serein. Et dans une semaine j’aurai déjà tout oublié. J’ajuste ma cravate, lisse le pli du col de ma veste de costume, puis enfile mon sac à dos avant de quitter mon nouvel appartement. Le cœur un peu lourd. Mais avec l’envie d’en découdre. Avec qui, me direz-vous ? Je ne sais pas. Avec moi-même, sûrement.

La particularité des Nations Unies est qu’on ne rencontre pas son ou sa futur.e chef.fe ni même ses futurs collègues lors d’un entretien d’embauche. Le recrutement se fait sur dossier, une fois le concours validé. Et ce selon les préférences hiérarchisées des candidats. Dans mon cas, le classement confortable qui m’a été attribué à l’issue de ce dernier m’a donné plus que l’embarras du choix. Le mien s’est porté sur un poste au sein du service de la protection de l’environnement. Il y a dans ce choix une pointe d’idéalisme, inutile de le nier, mais aussi une bonne dose de pragmatisme. Notamment l’espoir d’y trouver des personnes qui partagent mes opinions politiques, et, avec un peu de chance, ma catégorie d’âge. C’est bien connu, la protection de l’environnement ça n’intéresse pas les vieux. Il est vrai que la photo du service protocole en réunion d’équipe trouvée sur internet, avec sa panoplie de tristes quinquagénaires à la limite de l’obésité morbide m’avait pour ainsi dire traumatisé. Je m’étais donc orienté vers un service réputé plus « dynamique », comprendre réservé à ceux qui, en début de carrière, n’ont pas encore d’enfant et peuvent donc se permettre de rester au bureau jusqu’à vingt heures.

Pensif, je dévale les marches de l’escalier quatre à quatre. Avant de franchir seuil de la porte de mon immeuble, je vérifie l’heure sur mon téléphone, pour la énième fois. J’ai un message. De Filip.

« Bonne chance pour ton premier jour, Loïc. Tu me racontes tout ça ce soir ? ».

Le lire me met un peu de baume au cœur. Nous nous sommes revus plusieurs fois depuis mon arrivée à Genève, en début de semaine dernière. J’ai même dormi chez lui la veille de mon emménagement. Enfin, dormi, pas tant que ça. Mais toujours est-il que la complicité et l’amitié qui nous lie semble grandir à chacune de nos retrouvailles. Je redoute même de lui vouer quelques sentiments encore inavoués. Pour le moment, il n’est pas l’heure de s’en inquiéter. Chaque chose en son temps.

Mon trajet quotidien se déroulera désormais à pied. En effet, j’ai loué un bel appartement dans une résidence de standing à quelques minutes du bureau seulement. C’est l’avantage de Genève, une ville à taille humaine que l’on peut parcourir sans problème à pied ou en vélo. Certains diront une ville triste et ennuyeuse. Une vulgaire cité lacustre à l’histoire sans gloire, sans panache, et à l’architecture sans charme. Une ville se berçant d’illusions internationales tout en étant privé du simple statut de capitale dans un Etat qui n’en compte officiellement pas. Et dont les soirées et les nuits sont plus mornes que celles d’une bourgade de province en plein mois d’août. Je ne suis pas de cet avis, pas encore en tout cas. Certes, « il n’y a pas la mer », comme le répètent immanquablement mes parents, héritiers d’une obsession bretonne par excellence, mais pour le reste il ne faut pas exagérer.

L’air est frais en ce début mars. Le ciel gris, plutôt bas. Comme un jour de rentrée des classes. Par chance, il ne pleut pas aujourd’hui. J’ai quand même glissé un parapluie dans mon sac à dos, au cas où. Mon dernier passage en Suisse a laissé des marques. Les trottoirs sont bondés, les hommes en costume et les femmes en tailleur se suivent les uns les autres d’un pas pressé. Tous dans la même direction. De la gare et du centre-ville vers le quartier international et celui des banques. Disciplinés, presque au pas militaire. Certains sont déjà en pleine réunion téléphonique, et négocient âprement et dans des langues diverses et variées avec des clients visiblement exigeants. C’est sûrement à ce détail que l’on distingue les banquiers des fonctionnaires. En tout cas, mon costume ne dénote pas, je me fonds parfaitement dans la masse. C’est déjà ça. Le nœud qui me sert le ventre se dénoue quelque peu.

Après un petit quart d’heure de marche rapide, me voilà arrivé à mon nouveau bâtiment. Une pure merveille brutaliste de la seconde moitié des années cinquante. Parfait parallélépipède de béton nu, parcouru d’une frise moderniste en mosaïque rouge et noire censée représenter la paix entre les peuples. Je passe la lourde porte de verre et pénètre dans le hall. Il y règne une atmosphère quasi-religieuse. Comme dans une cathédrale de verre dépoli, d’acier trempé et de béton ciré. A la réception, je constate que l’on attendait mon arrivée. En échange d’un rapide coup d’œil jeté à ma carte d’identité, on me remet le badge officiel des employés, préparé à l’avance. Et on me demande de monter au troisième pour l’accueil dans le service.

Une fois arrivé au troisième, c’est un grand blond à la carrure impressionnante qui me reçoit. Il s’agit de mon chef adjoint, comme indiqué dans les instructions reçues par email à la suite de mon recrutement. Son visage m’est quelque peu familier. L’aurais-je déjà croisé ?

- Bienvenue au service de la protection de l’environnement, Loïc, me lance-t-il avec entrain.

La poignée de main est énergique, presque amicale. Son ton est jovial et ses yeux rieurs. Cela ne fait que confirmer mes doutes. Nous nous connaissons.

- Merci beaucoup ! On s’est déjà rencontrés, non ? Ton visage me dit quelque chose…

- Tout à fait ! Je m’appelle Hristov, j’étais un des membre de ton jury, pendant le concours. La question un peu sournoise sur la première réforme de l’institution à prendre après ta prise de poste, c’était moi, tu te souviens ? Tu t’en étais plutôt bien sorti, d’ailleurs. J’avais gardé ton dossier sous le coude : on a besoin de jeunes gens intelligents comme toi, ici.

Tout est clair, désormais. Le serbe fourbe qui me faisait les yeux doux et m’avait tendu un piège lors de la séance de questions de l’entretien. Il faut toujours se méfier des gros nounours blonds au visage tendre. Je force un léger sourire, pour la forme.

- En effet, ça me revient, dis-je d’un ton faussement enjoué. Enchanté Hristov ! Ravi de rejoindre l’équipe.

- Avec moi, tu es entre de bonnes main.

Il me rend mon sourire. Lui semble sincère. Voire même intéressé. Ou bien est-ce moi qui m’invente des histoires ? Trop tôt pour le dire.

Hristov commence par me fait faire la tournée des bureaux. Paternel, malgré la petite dizaine d’années qui nous sépare, il me présente à tout le monde comme son fils prodige.

« C’est Loïc, celui dont je t’avais parlé. C’est une tête, il va vous impressionner. Dans une semaine, il sera au courant de tout. Et dans six mois, il me remplace ! »

Mort d’embarras et rouge comme une tomate bien mûre, je bafouille quelques mots de présentation à chaque nouveau collègue. La plupart du temps dans l’indifférence la plus totale de ce dernier. Je suis bien entendu ravi d’être là. J’ai beaucoup à apprendre et me réjouis de travailler avec eux. Ils ont pour leur part hâte de faire ma connaissance. Nous pourrions peut-être prendre un café dans la semaine pour me mettre au courant des principaux dossiers du service ? C’est une excellente idée ! C’est décidé, nous en reparlerons une fois que je serais installé et que j’aurais pris mes marques. Et hop, on passe au prochain bureau.

La seule personne qui semble vaguement s’intéresser à moi est Maria, une jeune avocate espagnole à la tenue irréprochable, un teint de porcelaine et d’épais cheveux châtains attachés en un chignon strict, avec laquelle je serais amené à collaborer étroitement sur les questions de droit de l’environnement, selon les dires de Hristov.

« Maria est brillante, c’est notre meilleure avocate. Vous devriez bien vous entendre ».

Nous échangeons un léger sourire gêné. Son regard, plein de compréhension, semble dire « je suis sincèrement désolée pour Hristov, personne ne mérite ça ». Plutôt bon signe.

La ronde de présentation se finit par Catherine, la cheffe de service. Une canadienne d’origine haïtienne, la cinquantaine déjà bien entamée, souriante mais visiblement débordée. Nous échangeons quelques banalités dans son immense bureau baigné de lumière, meublé de bois sombre et décoré d’œuvres d’art abstrait. Je comprends vite qu’elle ne fait que superviser le travail de tout le service et n’intervient que peu dans la vie de l’équipe. Mon supérieur direct sera Hristov. C’est à lui que j’aurais à répondre. Que ça me plaise ou non.

*

Une fois les présentations faites, Hristov me conduit à mon bureau.

- Et voilà, lâche-t-il en ouvrant la porte d’un geste théâtral. Bienvenu chez toi.

La pièce est petite, plutôt sombre. Au plafond, un des néons fluorescents clignote sans discontinuer. La table est en acier, les murs sont gris et nus, le tout est un peu lugubre. Mais c’est la première fois que je dispose d’un bureau qui m’est propre. C’est un luxe, de nos jours.

- Bon, comme tu peux le constater, ce n’est pas le bureau de la cheffe. Mais, maigre prix de consolation, tu as un voisin formidable.

Il marque une pause. Puis juge utile de préciser :

- C’est moi.

Je force un petit rire. Je ne suis pas encore assez à l’aise pour ce genre de plaisanteries faciles.

- Bref, tu vas pouvoir commencer, maintenant. Je t’ai déjà envoyé quelques mails pour que tu puisses avoir une idée de ce qui t’attend dans les jours à venir. Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu n’hésites pas à me faire signe. Mon travail, ce n’est pas juste de m’assurer que tu sois à la hauteur, c’est aussi de faire en sorte que tu te sentes bien chez nous.

- Merci Hristov. Pour l’instant, mission accomplie. Tu m’as très bien accueilli.

- Tout le plaisir est pour moi. Bon, je te laisse à ton travail. Si tu veux prendre un café après le déjeuner, ou un bière à la sortie du travail, tu sais où me trouver.

Décontenancé par cette soudaine proposition de socialisation extra-professionnelle non-sollicitée, j’acquiesce mollement sans trop savoir quoi répondre. Il me lance alors un clin d’œil appuyé. Ce qui n’arrange vraiment rien.

Je repousse la porte de mon bureau sans la fermer totalement, comme le semble vouloir l’usage dans le service. Dans le couloir d’en face, de l’autre côté du bâtiment, j’aperçois un beau brun à la barbe taillée en pointe, assis à son bureau, qui s’exprime avec un fort accent hispanique et de grands gestes, bien qu’il soit pourtant au téléphone. Je tends l’oreille pour écouter la conversation. Je l’entends dire son nom. Alvaro. Et devine un accent sud-américain. N’ayant pas grand-chose d’autre à faire pour le moment, j’allume l’ordinateur et cherche à en savoir un peu plus sur ce bel hidalgo qui me sert de lointain voisin.

Après quelques rapides recherches, je le trouve enfin sur LinkedIn. Ce n’est pas difficile. J’ai son nom, son employeur et de forts doutes sur sa nationalité. Diplômé de l’université de Montevideo. Un uruguayen, donc. J’aurais dit argentin. Pas loin. Il a terminé son diplôme quatre ans avant moi. Nous devons donc avoir plus ou moins de mon âge. Il est chargé de mission au sein du service climat, ce qui explique que Hristov ne me l’ait pas présenté. C’est un service différent. Dommage. J’aurais bien aimé travailler avec un bel homme comme lui. Ne serait-ce que pour pratiquer mon espagnol. Et me rincer l’œil au passage.

D’ailleurs, en parlant de pratiquer son espagnol : l’heure du déjeuner arrive et Maria vient gentiment me proposer de me faire découvrir le réfectoire. J’accepte, touché par ce geste de bonté envers le dernier arrivé. Maria me conduit alors à travers un interminable dédale de couloirs parfaitement identiques et de cages d’escaliers obscures. Le bâtiment est un vrai labyrinthe. Nous bifurquons presque à chaque embranchement. Prenons deux ascenseurs différents. Quand nous arrivons enfin à la cafétéria, je serais bien incapable de retrouver seul mon bureau. Mais la vue en vaut la peine. Avec ses larges baies vitrées donnant sur un joli parc arboré, le réfectoire est sans doute la salle la plus agréable du bâtiment.

Une fois attablés, Maria me décrit rapidement les tâches du service, avant d’aborder le sujet qui fâche : l’attitude de Hristov.

- Il est lourd, dit-t-elle sans mâcher ses mots. Mais il ne veut du mal à personne, et c’est un bon chef. Tu n’as rien à craindre de lui. Mais sache qu’il ne te lâchera pas…Je crois qu’il est sous ton charme.

- Comment ça ?

- Ne lui répète pas, mais j’ai bien compris qu’il attendait ton arrivée avec impatience. Ça fait plusieurs jours qu’il me bassine avec toi. Je ne l’ai jamais vu autant intéressé par un nouveau collègue. Donc soit tu es un génie, soit il en pince pour toi.

- Je ne suis pas génie, dis-je avec une moue désolée.

- C’est ce que je pensais, répond-elle avec un petit rire moqueur sans être malveillant.

Nous finissons notre insipide plat de lentilles corail dans la bonne humeur. Ma nervosité a complètement disparu, désormais. Je me sens à mon aise avec Maria, et espère pouvoir capitaliser sur cette bonne impression pour en faire une précieuse alliée.

*

L’après-midi avance lentement, rythmé par les bugs du système informatique et les innombrables emails que me transfèrent Hristov et Maria. Pour être tout à fait honnête, je n’y comprends pas grand-chose. Tout est affreusement technique et compliqué, et, pour ne rien arranger, rédigé dans un jargon que je ne maîtrise manifestement pas encore. Passé dix-sept heures, je décide de mettre un terme à cette première journée éprouvante et prends le chemin du retour.

En trajet, l’idée de me retrouver seul chez moi dans mon appartement froid et impersonnel et passer la soirée à me ressasser les événements de la journée me déprime au plus haut point. Ne voyant d’autre alternative, je décide d’envoyer un message à Filip.

« Tu es libre, ce soir ? »

Ce n’est qu’en passant le seuil de ma porte d’entrée que je reçois une réponse.

« Oui, tu veux qu’on se voit ? »

Je pousse un grand ouf de soulagement. Il est disponible. Je n’aurais pas à me morfondre, seul sur mon canapé. Je pourrais me morfondre dans mon canapé, mais avec lui, et si la chance de sourie, tout nu et dans ses bras.

*

Filip débarque aux alentours de vingt heures, une bouteille de vin à la main. Il m’a laissé le temps de me changer, de prendre un rapide douche et de me préparer physiquement et psychologiquement à nos éventuels futurs ébats.

Je l’invite à entrer, et lui offre un repas léger, qu’il accepte sans hésiter.

- Taboulé ou salade de tomates, lui demandé-je depuis la cuisine. J’ai les deux, tu choisis.

- Salade de tomates, répond-il à la volée, le plus naturellement du monde.

Dans mon esprit, sans doute un peu tordu sur les bords, cet échange à la banalité si touchante nous propulse immédiatement au rang de vieux couple. Rodé par plusieurs décennies de vie commune, au point que les envies alimentaires de l’un et de l’autre se soient synchronisées. Et ça me va plutôt bien. Une fois la salade prête, je le retrouve au salon, les bras ballants, planté au beau milieu de la pièce, laquelle manque il est vrai encore cruellement de mobilier. Dont, léger détail, une table à manger et des chaises.

- Dis-donc, c’est un peu austère, chez toi, note-t-il en parcourant la pièce du regard. Tu vis avec un moine tibétain ?

- Je viens d’emménager, je te rappelle. J’irais acheter un peu de décoration ce weekend. D’ailleurs, si je me rappelle bien, chez toi aussi, c’est spartiate.

- Certes, mais mon lit est chaud et accueillant.

- Ce n’est pas moi qui dira le contraire !

On s’assoit par terre. Je sers la salade de tomates. Il ouvre le vin en riant, et nous trinquons à mon premier jour de travail.

Une fois rassasiés et l’esprit quelque peu embué par le vin, nous nous dirigeons naturellement vers le canapé. Sans réfléchir. Comme attirés par la simple gravité. Je m’allonge en travers, la tête posée sur son entrejambe. Il me caresse les cheveux avec tendresse. Du moins, en apparence. Je remarque que son regard gris et triste est un peu distrait. Son visage soucieux.

- Tout va bien, Filip ?

- Oui, tout va bien. Je suis un peu ailleurs, excuse-moi.

- Pas de problème. Il y a une raison particulière ?

- Euh… Oui. C’est bête, peut-être que tu vas me trouver stupide, ou sentimental. Mais on m’a proposé mon premier poste il y a quelques jours. Et c’est à New-York, pas à Genève. Je devrais être ravi, New York, c’est le rêve de beaucoup dans ma situation. Mais à vrai dire, ça m’embête plus qu’autre chose, parce que je me sens vraiment bien, là, avec toi…

Il laisse sa phrase en suspens. J’ai un léger pincement au cœur. Filip va devoir quitter Genève. En même temps, un premier poste ne se refuse pas. Et New York, c’est le graal pour les Nations Unies. C’est le cœur de l’institution, le cerveau de toute la machine administrative. C’est là où le plus excitant se passe. Où le travail est le plus intéressant. Le plus politique aussi. La ville elle-même est trépidante. Elle vibre et s’illumine à toute heure du jour et de la nuit. Loin de la quiétude paisible de la Suisse. Je dois me résoudre à l’évidence. J’en aurais fait de même, à sa place.

- Je te comprends, réponds-je d’une voix que je veux la plus douce possible. Moi aussi je suis bien, là, avec toi. Mais c’est une opportunité incroyable. Tu n’auras pas de regrets longtemps, crois-moi.

- Tu me laisse partir aussi facilement ?

- D’une, ce n’est pas si facile. Et de deux, je te laisse partir parce que je sais que c’est ce qu’il y a de mieux pour toi. Et d’ailleurs, qui te dis que je n’irais pas te rendre visite à New York ?

- Tu ferais ça ?

- Bien sûr ?

- Tu ferais autant de kilomètres juste pour ça ?

Il désigne son entrejambe : « ça ». Je ne peux m’empêcher de sourire. Qu’il est bête. Et en même temps, il n’a pas tort. C’est exactement à cela que je pensais en mentionnant la possibilité de lui rendre visite à l’autre bout du monde. Je me retourne sur le ventre et vient embrasser le paquet qui enfle lentement sous son jeans.

- Oui, je traverserai l’Atlantique pour ta queue, Filip, dis-je en jouant un air dramatique.

- Hmm… Tu sais dire ce que je veux entendre, petit malin.

Il déboutonne son pantalon et extirpe son sexe de son caleçon. L’arôme de sa queue qui emplit mes narines me fait chavirer. Rarement le parfum de l’intimité d’un homme ne m’a tant plu. Je ne peux me l’expliquer, mais il est impossible de le nier : je le désire plus que je n’ai désiré quiconque. Je ne résiste pas un instant de plus, et vient faire courir la pointe de ma langue sur le bout de son gland brillant. Déjà humide. Décidément, lui est aussi excité que moi. Mes lèvres se referment sur la tige tiède et épaisse de son sexe qui se raidit à mesure que je l’avale.

Enivré par l’odeur mâle de sa queue, je commence à le sucer avec passion. Et application. Il gémit, haletant. M’implore d’arrêter. De recommencer. D’aller plus lentement. Plus vite. Plus profond. Beaucoup plus profond. Il est si réactif au moindre de mes mouvements, c’est un vrai plaisir de lui offrir ma bouche. Mon nez s’écrase contre la toison rousse de son pubis. Mon front cogne contre son ventre mou.

- Loïc, arrête-toi, s’il te plait, lâche-t-il dans un soupir suppliant. Je veux te rendre la pareille.

Il se défait de mon emprise, m’assoit sur le canapé, et s’accroupit sur le sol entre mes jambes écartées. Il arrache la ceinture de mon pantalon, baisse ma fermeture éclair et fourre sa main dans mon caleçon pour s’emparer de ma queue qui se soulève immédiatement en retrouvant la douceur familière de ses lèvres et de sa langue. J’aime tellement quand il me prend en bouche de la sorte. Au risque de me répéter, il n’est certes pas le plus habile, ni le plus précis dans ses gestes. Mais il s’y donne pleinement. S’abandonne entièrement à la tâche. Insatiable. Les yeux à demi-clos. La bouche grande ouverte. Ma main perdue quelque part dans la profondeur des vagues de sa tignasse dorée. J’en ai la tête qui tourne.

J’aurais envie qu’il me déshabille entièrement, qu’il déchire mon caleçon, replie mes jambes contre son torse, m’embrasse passionnément et s’introduise en moi de toute la longueur de son membre.

Mais nous n’avons malheureusement pas le temps de mettre de tels plans en application. Car, très vite, trop vite, vaincu par le plaisir et par mon imagination galopante, je jouis dans sa bouche en plusieurs jets puissants. Quelques instants plus tard, Filip se relève et vient se vider à son tour, éclaboussant copieusement mon visage de son précieux liquide. A bout de souffle, il laisse échapper un long brâmement rauque. Avant d’éclater de rire en me découvrant, plus bas, la figure entachée de son nectar salé. Je me lèche les lèvres pour l’exciter encore un peu, une dernière fois. Il mord à l’hameçon, et, du bout des doigts, vient recueillir le jus de sa queue encore tiède aux quatre coins de mon visage. Et me fait lécher ses doigts, un par un, pour les nettoyer. Le regard espiègle et le sourire aux lèvres.

Je lui propose de rester dormir avec moi. Il accepte, à ma plus grande joie. Et nous passons une nuit tendre mais épuisante, ponctuée de caresses, d’étreintes et de baisers. Mon réveil sonne à sept heures. Comme la veille, et comme tous les matins qui suivront. Filip, en revanche, quittera Genève le lundi suivant. Par malchance, nous n’aurons pas le temps de nous revoir d’ici là.

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