Chapitre 4

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May apparut en tombant à la suite de Shadow, à travers un autre portail, dans un lieu qu’elle ne connaissait pas. Le vent venait soulever sa courte mèche qui lui couvrait généralement l’œil gauche. Déboussolée et terrifiée, elle tremblait, les larmes aux yeux, genoux à terre, en se tenant, poings fermés, au sol. Shadow eut envie de la réconforter mais le mercenaire qui venait d’arriver le regardait avec un air sévère. Le loup tourna alors les talons en baissant la tête.

- C’est bon, t’es pas morte, lança le garçon debout, mains sur les hanches, juste derrière la jeune femme.

L’étudiante serra ses poings, lâcha une ou deux larmes qui s’écrasèrent sur le sol, et se releva promptement. Elle se tourna vers Chase aussi vite qu’elle s’était levée, le regard emplit de haine d’incompréhension et de haine, tendit ses doigts et porta sa main jusqu’au visage du jeune homme. Mais avant même que sa main effleure la joue de celui-ci, il attrapa le poignet de la jeune fille en un mouvement rapide et efficace, de telle sorte que seul son bras ait eu besoin de bouger. Elle essaya de récupérer sa main en tirant son bras vers elle mais le garçon lui serra encore plus fortement le poignet. Il écarta la main de la jeune femme de son visage et se pencha vers elle.

- T’exagère pas là ? commenta-t-il en la regardant droit dans les yeux.

- T’as raison. Tu ne mérites même pas qu’on s’intéresse à toi, balbutia May, le visage empourpré et le regard encore humide. T’es qu’un abruti arrogant qui croit être le meilleur. Mais tu ne vaux pas grand-chose, conclu-t-elle avant de récupérer vivement sa main et de lui tourner, une nouvelle fois, le dos.

- On se sent inférieure ? dit-il affichant un sourire hautain.

- Il y a une différence entre se sentir inférieure et l’être vraiment, marmonna la jeune femme faisant la tête comme une enfant.

Après cette nouvelle prise de bec, May tenta de comprendre où elle avait atterri. Elle aperçue la mer à perte de vue d’un côté et de l’autre de l’herbe et quelques buissons dispersés de façon aléatoire. Elle décida de s’avancer vers la mer et arriva au bord d’une falaise. Le bruit les vagues venait lui chatouiller les oreilles. L’odeur de l’eau salée montait jusqu’à elle transportée par l’air marin et les brises un peu brutales de la côte. Le cri des mouettes s’ajoutait au doux paysage que lui offrait la mer à peine mouvementée. Le reflet du soleil sur les petites vagues scintillait et ressemblait presque à des étoiles. À force cela lui faisait mal aux yeux tellement ça brillait. Apparemment elle était restée sur Terre, mais elle n’en savait pas plus sur sa position actuelle.

L’animal, qui était resté aux côtés de Chase, rejoignit la jeune femme. Il lui mit un petit coup de museau tiède sur la cuisse pour signifier sa présence. May se baissa alors et s’accroupit face au loup. Elle prit la tête de Shadow entre ses mains et posa sa tête sur la sienne. C’était un magnifique spectacle, émouvant à souhait. Un lien s’était créé et ce geste en était l’image concrète. Puis, après quelques instants, la jeune femme s’assit face à la mer et le loup fit de même. Le jeune homme blond fini par venir s’asseoir à côté de l’animal, se sentant peut-être seul, selon elle.

- Profite de la vue. C’est peut-être la dernière fois, annonça-t-il.

- La dernière fois ? reprit May en caressant Shadow, exaspérée par ce comportement et cette façon de parler.

- À la tombée de la nuit, je t’emmène là où aucun autre terrien n’a jamais été, confia-t-il. Prends-le comme un honneur. Je n’ai jamais emmené personne là-bas.

- Ah, tu veux dire que je dois prendre comme un honneur que tu débarques comme ça dans ma vie, me sorte de chez moi par la fenêtre du deuxième étage, et me fasse passer par un téléporteur pour la première fois de ma vie en me poussant dedans ? énonça-t-elle. Mais quel honneur ! Franchement, si je pouvais, je me mettrais même à tes pieds.

May s’étonna d’avoir dit ça, sa bouche avait plus rapide que son esprit. Une fois irritée elle avait du mal à se contrôler. La preuve, c’est qu’elle n’aurait jamais dit tout cela en étant dans son état “normal”.

- C’est du sarcasme là ? répliqua-t-il.

- Tu crois ? répondit-elle. Je vais te dire une chose. Au début, j’étais contente de t’avoir rencontré. J’avais pas parlé comme ça depuis longtemps avec quelqu’un, avoua-t-elle en souriant timidement. Mais quand tu as commencé à me critiquer, j’ai vite changé d’avis. Et depuis, tu fais tout pour que je te déteste.

Elle prit une grande inspiration avant d’ajouter en baissant la tête :

- De toutes façons je ne sais même pas pourquoi je te dis tout ça. Puisque tu n’en a rien à faire de mes états d’âme.

Pour la première fois depuis leur rencontre, Chase ne répondit pas tout de suite. Il s’allongea face au ciel, les mains croisées derrière la tête. Observant les nuages se mouvoir, il abandonna même son air arrogant et sans gêne avant de fermer les yeux.

- Pourquoi tu ne t’es pas enfuie ? demanda-t-il dans un calme plat.

- Que je sois ici ou ailleurs, personne ne s’en soucie, confessa-t-elle. À quoi bon m’épuiser ? Et puis, tu n’aurais sans doute pas de mal à me rattraper, fit-elle contemplant à son tour les nuages. C’est à peine si j’arrive à faire cent mètres en courant sans m’essouffler comme un bœuf.

Le garçon se releva en s’appuyant sur les coudes et la regarda. Au même moment, Shadow s’allongea en posant la tête sur le genou de la fille au sweat-shirt blanc qui le caressait encore.

- T’es nulle à ce point ? s’enquit Chase. Pour courir je veux dire, ajouta-t-il se grattant la tête, maladroit.

- Tu veux voir la bête en action ? dit-elle en souriant, oubliant toutes querelles. Autant tuer le temps en s’amusant. Ça te dit une course ? Shad n’aura qu’à participer aussi. Disons d’ici jusqu’à l’arbre là-bas. Tu vas voir à qu’elle vitesse je vais perdre, enchérit la jeune fille.

Elle espérait que cela pourrait les rapprocher un peu. Même si ça voulait dire, se ridiculiser en s’essoufflant au bout d’à peine quelques mètres.

- Pourquoi pas, j’ai hâte de voir ça, dit-il en se levant.

Shadow se leva d’un coup, oreilles dressées. Ils s’alignèrent à niveau égal. Chase fit le décompte. Au signe de départ, May partit comme une fusée. Le loup anthracite semblait à peine toucher le sol à chaque foulée. Chase partit tranquillement puis doubla la jeune fille sans crier gare. Shadow arriva en premier et se tourna pour voir ce qui se passait derrière. Le garçon n’était pas loin de la ligne d’arrivée et avança en petite foulée, comme pour narguer la jeune femme, qui était déjà essoufflée à cause de son sprint de départ. Tandis que le garçon et le loup avaient déjà fini la course, May alla tout de même jusqu’au bout et s’affala par terre, en haletant.

- Alors ? fit-elle hors d’haleine. Convaincu ?

- Je confirme, même un escargot ferait mieux, répondit Chase faisant mine d’être peu intéressé.

- Hé, je te permets pas, répliqua-t-elle. Comparé à Shad, tu ne fais pas mieux que moi.

- Si tu savais ce qu’il pouvait faire, lâcha-t-il.

Le garçon avait l’air de regretter ses dernières paroles. Sans doute avait-il dit quelque chose qu’il n’aurait pas dû dire. Il se détourna de la jeune fille qui compris que cela lui avait échappé. Elle prit l’occasion pour le taquiner un peu.

- Ah, qu’est-ce qu’il peut faire alors ?

- Tu ne le sauras jamais, assura-t-il le dos tourné.

Après tout ce sport, la jeune femme se tourna sur le côté et tomba dans les bras de Morphée. Le loup, s’étant attaché à elle, s’allongea à ses côtés comme pour veiller sur sa sécurité.

Une ou deux heures plus tard, l’étudiante ouvrit les yeux et reconnut le dos du jeune homme assis en tailleur un peu plus loin. Il avait fait du feu. Des étincelles crépitaient, les flammes se bataillaient avec le vent mais la chaleur parvenait quand même jusqu’à elle. May détourna son regard du feu pour le reposer sur le jeune homme, elle crut l’entendre parler et tendit l’oreille. Elle distingua alors une phrase qu’elle aurait préféré ne pas entendre : “J’ai la fille, je vous l’amène dans quelques heures”. May referma les yeux, abasourdie et désillusionnée par ce qu’elle venait d’entendre. Le cœur battant, elle essaya de se rendormir pour espérer pouvoir oublier et imaginer que tout ceci n’était qu’un vilain rêve. Elle sombra une nouvelle fois dans le monde des rêves, une larme coulant lentement sur la joue et qui dévia sur le nez. Malgré le feu, elle avait soudainement eu très froid.

Quand elle se réveilla de nouveau, il était entre chien et loup. Le feu avait bien diminué. Il était bientôt l’heure pour elle de quitter à jamais sa vie d’étudiante pour une vie remplie de mystères. Peut-être n’aurait-elle-même pas le temps de voir beaucoup de choses dans sa nouvelle vie. Après ce qu’elle avait entendu, elle s’imaginait le pire. Elle se releva doucement pour s’asseoir, sans aucune réelle volonté. Elle sentit une douleur dans sa nuque. Elle porta alors sa main jusqu’à celle-ci, juste en-dessous du crâne et sentit quelque chose de froid, quelque chose de métallique. Prise de panique, elle fit de l’hyperventilation.

Alerté par la forte et bruyante respiration de la jeune femme, Shadow accouru et se mit à hurler. Il lui donnait des petits coups de museau noir humide sur le bras, puis sur l’épaule pour la faire réagir. En vain. May était paralysée, plein de choses se bousculait dans sa tête. Le loup gémissait et tentait de nouveau de la faire réagir mais seules des larmes apparurent. L’animal se mit alors à hurler de plus belle et Chase arriva.

- Qu’est-ce qu’il y a ? questionna-t-il, peu étonné de la situation.

La jeune femme sortit des petits sons de sa bouche, le tout presque inaudible. Elle n’arrivait tout simplement pas à parler. Elle palpait sa nuque et essayait de retirer cette chose, mais les échecs la faisaient encore plus paniquer. Un corps étranger accroché dans la peau dans son propre corps, sans qu’elle ne puisse rien faire, impuissante. Il y a de quoi paniquer. Le garçon prit alors doucement la main de la jeune fille, en temps normal elle se serait préoccupée du fait qu’il lui prenne la main et aurai étudié la chaleur qui se propageait entre les deux mains, mais là elle avait d’autre chose en tête. Il posa ensuite la main sur la nuque de May. Puis, il se pencha au-dessus de son épaule tout en laissant sa main où il l’avait posée. Cette fois cela la fit réagir un minimum. La chaleur qu’il y avait à présent dans sa nuque l’avait, quelque peu, fait revenir à elle.

- Je sais, c’est nouveau, mais tu pourras l’enlever plus tard, dit-il en essayant de la rassurer, pour ne pas qu’elle essaye à nouveau de le retirer. Là où on va, tu en auras besoin. C’est un traducteur. Il contient toutes les langues parlées dans l’Univers. C’est pour ça que depuis le début tu peux me comprendre et moi te comprendre, expliqua-t-il calmement. Pour me parler tu n’en as pas besoin, mais tu seras amenée à parler avec d’autres individus qui n’en ont pas forcément, ajouta-t-il.

May n’arrivait pas à se calmer, plus crispée que jamais elle se mit à trembler de tout son corps. Chase se plaça rapidement en face d’elle, il lui passa la main sous son menton, pour lui relever la tête, et lui tenu l’épaule avec son autre main. Il aperçut alors la panique dans ses yeux. Elle détourna ensuite le regard, ne voulant pas lui faire face.

- Regarde-moi, dit-il en lui tournant un peu la tête sur le côté.

La jeune femme prit le poignet du garçon pour qu’il le retire de son menton, mais il n’en fit rien. Faible dû à son état de choc, elle recommença tout de même en reculant un peu la tête cette fois. Il lâcha son menton et la prit par la nuque et ramena sa tête proche de la sienne. Il captiva alors son regard pour la deuxième fois.

- Regarde-moi, ne regarde pas à côté. Fais comme moi, prend une grande inspiration et expire longuement, préconisa-t-il.

May l’imita, non sans mal, et se calma petit à petit. Elle se demandait pourquoi cet intérêt soudain pour son état de santé. Malheureusement, elle connaissait déjà la réponse. Il avait tout intérêt à ce qu’elle se porte bien s’il voulait l’échanger ou la vendre. Elle imagina ce qu’elle ferait, si elle arrivait à fuir. Si cela est, ils avaient changé de pays, de quoi vivre comme une sans papiers et de ne pas pouvoir revoir son chez soi de sitôt. Et puis à quoi bon ? Tout dans sa vie l’ennuyait. Son seul bonheur c’était les séries qu’elle regardait dès qu’elle avait du temps pour elle. Mais, tout cela valait-il le coup d’en arriver là ? Elle risquait peut-être de se faire tuer en suivant ce jeune inconnu. Qu’elle s’enfuie ou qu'elle suive Chase, dans tous les cas, son avenir était incertain. Elle se dit qu’en le suivant elle aurait peut-être la chance de vivre quelque chose d’extraordinaire avant de mourir. Par conséquent, elle fit et fera semblant de ne rien comprendre à la situation.

May étant enfin revenue à un état stable, le jeune homme sortit d’une de ses poches comme une clé - carte de voiture et appuya sur l’un des boutons. Il se releva et observa le ciel. May se tourna pour suivre son regard. Une forme triangulaire semblait se distinguer dans les nuages. Cette forme semblait avoir comme un voile d’invisibilité et se rapprochait de plus en plus de la falaise. May se doutait bien qu’il ferait venir un engin spatial, mais de l’imaginer ou de le voir en film, c’est rien comparé au fait de le voir en vrai. Bouche-bée elle observa ce phénomène en repassant dans sa tête toutes les fois où elle avait vu un vaisseau spatial dans les films et séries qu’elle avait dévorées.

Les propulseurs faisaient pression sur le feu qui finit par s’éteindre. Une fois posé à terre, le garçon désactiva le voile d’invisibilité. La jeune femme s’attendait à tout sauf à ça. Elle fut encore plus surprise par ce qu’elle était en train de voir. Plus elle examina le vaisseau spatial, plus elle se retenait de rire.

- Dis-moi, c’est juste un style la version peinture bleu-vert fatiguée, presque indiscernable, les rayures sur tout le long et l’effet déglingué ? railla-t-elle. Rassure-moi, on ne va pas aller dans l’espace avec ça ?

- Tu vois d’autres engins ? Je te signale qu’il est plus vieux que toi et plus solide que certains qui ont encore à peine volés, confessa-t-il. Attends… Je pensais que tu serais du genre : « À mais tu viens vraiment de l’espace ? ». Avec un air dépité et tout ce qui va avec. T’es pas effrayée ?

- Que je le sois ou pas, ça change quoi ? La plupart des gens n’y croit pas, mais t’as de la chance je suis hyper ouverte d’esprit, dit-elle avec un sourire fier.

- C’est bien, tu as l’air d’aller mieux on dirait, constata-t-il. T’es prête ? demanda-t-il en ouvrant la passerelle. Parce que là tu n’as pas d’excuses, c’est pas un téléporteur, tu sais très bien où tu vas.

- Ben, en fait, je suis un peu claustrophobe sur les bords, alors…je vais peut-être me raviser, fit-elle en hésitant.

- Parce que tu crois, que je te demande vraiment ton avis ? Monte. Et dépêches-toi, j’ai pas que ça à faire, dit-il en s’impatientant.

May fit la moue et monta en même temps que Shadow qui l’accompagna. Elle découvrit alors un intérieur qui n’était pas à l’image de l’apparence extérieure du vaisseau. Il était à la fois spacieux et à la fois petit. Tout à l’avant il y avait l’espace de pilotage – le cockpit, sur le côté droit il y avait un lit, qui devait faire une place et demie, dont le sommier était bas et en métal, et sur le côté gauche des espaces de stockage, deux sièges et une petite table. La jeune femme, très intéressée et curieuse, alla voir les commandes de l’engin. Il y avait des boutons et des petits leviers. De quoi donner mal à tête. L’air à l’intérieur était frais. Un peu plus frais que celui de dehors.

- Touche à rien, intima Chase en fermant la passerelle. Bienvenue à bord, dit-il en passant devant la jeune femme pour s’installer sur le siège du pilote. Installe-toi sur un des deux sièges derrière. Attache-toi et reste-le jusqu’à ce que je te dise d’enlever ta ceinture.

May obéit sans broncher, le loup, quant à lui, partit s’allonger dans ce qui semblait être son espace personnel. Il se résumait à une sorte de vieille couverture marron, pliée grossièrement, posée sur le sol entre le lit et un petit mur qui séparai l’arrière de l’appareil et le reste. Le vaisseau se mit ensuite à décoller et repassa en mode invisible le temps de quitter l’atmosphère.

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