Les couleurs m'avaient quittée pour aller en réconforter d'autres, pour en faire rêver d'autres. 

  Seul le gris était resté, dans toute son entité et son infinité. Il m'avait effleurée, m'avait enlacée, pour remplir mon existence. 

   J'ai commencé à exister sans vivre, à exister au ralenti, à sentir le poids du monde peser sur mes épaules. Le quotidien toujours renouvelé était trop difficile à surmonter. 

   Je me suis enfoncée dans cette routine épuisante, prenant un masque gris souris pour tromper les foules. Mon cœur s'est fissuré sans le sang rouge qui lui permet de vivre. J'étais en train de mourir par petites touches. 

   Enfin, après dix mois de torture lente et douloureuse, les couleurs sont revenues m'habiter. Un peu de douceur pour cette nouvelle vie qui s'annonçait, et avec elle une multitude de nouvelles odeurs, de nouveaux goûts, de nouvelles couleurs, de nouvelles visions...

   Le ciel bleu, le sang rouge, le soleil jaune, la nature verte, les rues marrons, les fruits oranges, les rares nuages blancs, et même l'immensité grise se sont mêlés avec grâce et légèreté pour former dans mon univers coloré un gigantesque arc-en-ciel estival.