-Chapitre 10-

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Elle était moi et j'étais elle...

Je me réveillai soudain d'un rêve étrange, cette phrase tournant toujours en boucle dans ma tête, sans que je ne puisse parvenir à savoir d'où elle venait. Soudainement, coupant court à mes réflexions, la voix de Finn s'éleva dans l'habitacle restreint de la voiture.

Il klaxonna sans retenue et hurla des obscénités qui, instinctivement, me firent me tourner en direction de mon fils. Lentement, lui aussi ouvrait les yeux et reprenait conscience. Mais il ne semblait pas avoir entendu les paroles du conducteur. Tant mieux, je ne tenais pas à ce qu'il se mette à parler aussi grossièrement.

Connor sembla lui aussi s'en soucier car, après avoir jeté un coup d'œil dans notre direction, il donna une légère claque à l'arrière du crâne de son ami en lui rappelant qu'un enfant se tenait à l'arrière. Tout compte fait, il n'était peut-être pas aussi insensible que cela.

« On va où Maman ? demanda le petit d'homme en frottant ses yeux. »

Je risquais un regard en direction d'Adam. Ce-dernier se contenta de lancer un regard songeur et critique à la fois en direction du petit. Il semblait presque curieux, l'observant ouvertement comme s'il voulait mémoriser chacun des traits de Minho. Presque aussitôt les paroles de Lacey me revinrent en tête. Je me crispai sans pouvoir me retenir.

Selon elle, il était dur pour les gens comme eux, d'accepter l'enfant d'un autre. Généralement, le futur de ces-derniers n’était pas des plus glorieux et se terminait dans un bain de sang. Cela avait d'abord freiné mon envie de mêler mon fils à cette histoire mais, hélas, je ne me voyais pas poursuivre le chemin sans lui.

Minho s'en sortira. Toute cette histoire ne peut que lui être bénéfique. Arrête de jouer la mère poule un peu. Tu l'étouffes en le surprotégeant de la sorte !

« On va chez moi, répondit tranquillement l'Alpha. Je suis sûr que c'est un endroit qui va te plaire. Les petits de ton âge aiment bien courir et jouer dans la forêt ou dans les prairies donc... »

Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase car, en tournant la tête au même moment, il croisa mon regard étonné. Lui qui semblait répugner l'idée que j'ai un enfant, le voilà en train d'essayer de créer un dialogue. Bon, certes c'était maladroit et hasardeux mais tout de même. Face à mon air toujours ahuri, il poussa un soupir théâtral avant de reprendre la parole.

Au bout d'un moment où je les observais échanger comme si de rien n'était, la voiture s'arrêta pour faire une halte à une aire de repos. Minho défit sa ceinture à toute vitesse et se mit sur moi pour poser sa tête au creux de mon cou. Je pouffai de rire et, comme à mon habitude, je lui caressai patiemment les cheveux.

« Je peux m’avérer raisonnable par moment, Thara. »

J'observai silencieusement l'Alpha qui observait un point invisible droit devant lui. Je ne pouvais m'empêcher de douter de ses paroles. J'avais bien vu sa réaction avec Brad, quand il tendait le cou. Était-ce raisonnable de se rendre de la sorte, de capituler alors qu'on est censé être l'exemple pour toute une communauté ?

Pour mon plus grand déplaisir, Madame Jones apparut (avec toute la grâce qu’elle exultait en permanence) et s'accouda à la fenêtre ouverte d'Adam. Elle ricana et lui répondit avant que je n'eus le temps de le faire.

« En même temps petit blondinet, dit-elle en lui donnant une petite pichenette du bout du doigt, tu avais plutôt intérêt. Je ne suis pas sûre que Tara t'aurait loupé si tu t'en étais pris au gamin d'entrée de jeu. Elle t'aurait sans doute réservé le même sort qu'à Brad. »

Sa remarque me vexa au point que je ne pris même pas la peine de m'attarder sur le geste étrangement affectueux de la femme. Je serai sans aucun doute entrée dans une colère noire en temps normal, mais comme je n'étais pas à l'origine de l'explosion des vitres et que je savais la dame très têtue, je n'avais nullement l'envie d'en arriver à de telles extrémités. Je me sentais lasse de me prendre la tête une fois de plus, je n'avais même pas la force d'exiger des excuses.

Un coup d'œil jeté en direction de Minho me permit de me rendre compte qu'il avait remarqué l'effet des paroles de la femme et qu'il ne les avait pas appréciés non plus. Mon petit d'homme, même s'il ne pouvait pas faire le poids face aux adultes, avait plusieurs fois déjà manifesté son mécontentement face aux jugements qu'on me portait.

C'était mignon et désarmant pour moi. Avais-je donc l'air si affectée au point que même mon fils pouvait s'avérer plus fort mentalement que sa propre mère ?

Ne le prend pas comme ça bon sang !

J'enrageai et la voix, le sentant, se tut brusquement.

Madame Jones combla le silence par une autre de ses déclarations ciblées qui commençait à sérieusement m'énerver au bout du compte. Et sa voix de crécelle qui me tapait sur le système ne faisait qu'en rajouter une couche. Ma fatigue commençait à perdre du terrain désormais.

« En fait, je ne serai pas étonnée d'apprendre que Thara soit une sorcière, déclara-t-elle avec légèreté, un sourire narquois aux lèvres. Pas toi Adam ?

-Maman n'est pas une sorcière ! Mais vous si ! Vous en avez l'apparence et vous sentez mauvais ! Vous avez une odeur de brûlé ! »

La voix de Minho fendit l'air. Le silence suivit sa répartie et soudain, se rendant compte de ce qu'il venait de faire et surtout sous le regard froid de la femme insultante, il se recroquevilla sur lui-même, se cachant d’autant plus dans mon cou. Et, prenant tout le monde par surprise, Jones éclata de rire.

Comme ça. Aussi soudainement que possible, sans raisons apparentes. Son corps était lui aussi parcourue de tremblements dus à son hilarité, au point qu'elle dut se tenir à la portière pour ne pas chanceler. Quelle étrange femme...

Connor qui était revenu du magasin et s'était réinstallé à l'avant de la voiture se joignit à la conversation. Comme s'il l'avait entendu de loin, il n'eut pas de problèmes d'incohérence et savait déjà de quoi il était question.

« Au moins, on sait de qui il tient son caractère ! dit-il en riant. »

Heureusement qu'il n'avait pas celui de son père, ne pus-je m'empêcher de penser. Malheureusement, le mince sourire provoqué par la déclaration de Connor disparut en voyant les regards échangés entre Adam et Jones, cette-dernière ayant apparemment réussi à s'arrêter de rire. N'aimant pas du tout leur réaction, je m'emportai et réclamait des explications, comme une enfant capricieuse qui réclame que les grands lui accordent plus d'attention.

De nouveau, un soupir d'exaspération s'échappa de la bouche de l'Alpha.

« Laisse tomber. Tant qu'on aura pas vérifié la véracité de mes hypothèses, aucun de nous deux ne se prononcera. »

Puis, comme si le fait de m'avoir à ses côtés l'épuisait, il sortit une bouteille d'alcool d'en dessous de son siège.

Un moment je crus rêver. Mais il en avait combien des planques de boissons ? Même Madame Jones ne parut pas enchantée par ce triste spectacle que lui offrait le jeune homme. En plus, Minho le regardait. Les yeux bleus de ce-dernier luisaient d'étonnement et je m'empressai de le mettre en garde. Hors de question qu'il devienne un ivrogne !

« Surtout p'tit chef, bois avec modération quand tu seras plus grand. Compris ? »

Minho hocha la tête en me souriant pleinement. Connor, pour changer de sujet et chasser la gêne ambiante, offrit une barre chocolatée au petit qu'il avait pris le temps d'acheter dans la petite boutique. Après s'en être saisi avec gourmandise et sous mon regard intransigeant, il se rappela ne pas avoir dit la formule de remerciement et s'empressa de corriger son erreur. Cela fit rire Connor qui déclara que j'étais encore plus sévère que des chefs militaires.

Un mouvement sur ma gauche me fit tourner la tête, juste à temps pour voir qu'Adam n'avait pas apprécié la remarque que j'avais faite à mon fils et qu'il avait rangé sa bouteille, non sans agacement.

« Thara ? »

Madame Jones m'interpella.

« Le père de Minho était-il comme Adam, Finn ou Connor ? »

Un loup ? Qu'est-ce que j'en avais à faire de ce pauvre type ? Qu'il reste loin de moi et du petit d'homme, ça valait mieux pour tout le monde !

Finn revint à son tour et reprit sa place au volant. Devant mon mutisme, Jones choisit d'insister.

« Écoute, peu m'importe ce qu'il t'a fait. J'ai pas demandé à avoir des détails sur toute ta vie. Juste sur l'homme avec qui tu as eu ton gosse. En ignorant ma question, tu te comportes comme une gamine. C'est plus seulement de toi qu'il s'agit. Alors mets de côté ta putain de fierté et répond ! »

Le fantôme de la fille avait eu à peu près le même discours.

« Tu veux savoir ? C'était un connard de passage dans ma vie. Je ne sais rien de plus ! Je le connais même pas assez pour savoir quel âge il avait ou d'où il venait !

-Et son nom ? Tu dois forcément t'en souvenir.

-Non. J'ai assimilé son image au groupe nominal : connard de première classe. Du coup son nom m'est passé au-dessus. D'autres questions ou l'interrogatoire est fini ?! »

Il suffisait de voir son visage pour comprendre que non, ça ne lui suffisait pas. Mais de nouveau, Minho prit son courage à deux mains (correction, à une main, l'autre tenait sa barre chocolatée déjà bien entamée) et intervint.

« J'aime pas mon Papa. Il a rendu Maman triste. Il faut pas parler de lui. Il est un méchant monstre et si on appelle un monstre par son prénom, il viendra le soir pour nous embêter durant la nuit. »

Adam concentra une nouvelle fois son attention sur l'enfant. Puis, son regard dévia et glissa jusqu'à moi. Il haussa un sourcil, comme pour me demander d'en dire plus à ce sujet. Je préférai l'ignorer. Mais il persista et essaya même de me faire réagir en me donnant de discrets coups de pieds dans la jambe. Quel gamin !

« Je n'ai pas de compte à rendre à un ivrogne, finis-je par lâcher, ayant assez de son petit jeu enfantin qui n'amusait que lui. »

Là-dessus, la colère prit le pas chez ce qui semblait se rapprocher le plus de la compassion. Je ne voulais pas de sa pitié, il pouvait se la garder. Il s'emporta et répondit sarcastiquement, sans se départir d'une moue narquoise au coin de son visage.

« Mais ça ne t'a pas empêché de l'embrasser, cet ivrogne. »

La moutarde me monta littéralement au nez et je sentis mes poings se crisper. On m'en voudra si je lui fous mon point dans le visage ? Parce que ça me démangeait vraiment beaucoup en cet instant.

Finn et Connor riaient sous cape et le premier ne fut s'empêcher de faire remarquer que notre vie de couple entre moi et l'Alpha promettait du rêve. Préférant plutôt me concentrer sur la personne du vaniteux à qui j'allais faire ravaler son sourire, je répondis rapidement à sa provocation.

« Et si je ne l'avais pas fait, tu ne seras pas là aujourd'hui. Mais ça, tu l'as sans doute oublié vu le peu de mémoire que tu possèdes... Faut dire qu'avec tout ce que tu bois, ça doit être rouillé là-haut. »

Dans la pagaille qui commençait à s'installer à cause des différentes discussions se croisant, Minho décida d'y participer aussi. Son visage étonné était également aussi rouge qu'une tomate.

« Mais si veux tout savoir, en bas, ça va très bien. J'aurai pu te le prouver si t'étais pas aussi coincée comme fille ! vociféra Adam

-Tu l'as vraiment embrassé Maman ? demanda Minho en se redressant d'un coup sur mes jambes. »

Où donner de la tête ? L'Alpha, toujours dans sa colère, se tourna vers Minho et grogna que cela ne le regardait pas, qu'il était juste un môme et qu'il devait se mêler de ce qui le regardait. Je m'emportais d'autant plus et hurla à mon tour qu'il n'avait pas à parler comme ça à mon fils. Madame Jones lâcha un "Je te l'avais bien dit" à Adam avec un sourire moqueur. Sans en tenir compte, le chef de meute plus bête que ses pieds reprit.

« Je pense avoir fait suffisamment d'efforts avec ton gamin ! J'en peux plus ! Tu ne sais pas ce que c'est toi ! Tu ne comprends pas que ce gosse ne va m'apporter que des torts ! T'as imaginé ce que vont penser les autres chefs de meute ?! »

Il inspira un grand coup et repartit dans sa tirade.

« En plus, tu le couves de trop ! Sérieusement, on a l'impression qu'à chaque pas, tu crains que le ciel ne lui tombe sur la tête ! En temps normal, au sein de MA meute, les petits de son âge sont déjà détachés de leurs parents !

-Parce que maintenant, tu penses avoir le droit de me donner des conseils pour gérer ma vie ?! Mais laisse-moi rire sale chien ! De nous deux, le plus pitoyable, c'est toi et tes bouteilles d'alcool que tu trimballes partout ! »

Pendant ce temps, je remarquais à peine que Finn et Connor avaient déserté l’habitacle de la voiture, ce-dernier emmenant Minho avec lui. Jones les rejoignit tout aussi discrètement, visiblement peu encline à se trouver mêlée à des échanges aussi viruleux.

La dispute continua un long moment. A dire vrai, quand nous ne trouvâmes plus rien à dire, la nuit était déjà tombée. Nous restâmes donc comme deux idiots, chacun de son côté, sur la banquette arrière d'une voiture désertée.

Le silence me fit du bien et cela eu l'air d'être son cas également. Mais la colère ne diminua pas pour autant. Elle était toujours là, dans mon ventre, dans ma gorge, prête à bondir quand il le fallait.

Puis, sans que je n’aie le temps de protester, il tira mon pied dans sa direction et je glissai sur le dos le long de la banquette. Il ne mit pas plus d'une seconde pour se placer au-dessus de mon corps, désormais complètement allongé sous lui. Instinctivement, je sus que cette position était dangereuse. Et je ne me trompais pas.

Son regard n'était plus celui d'un humain.

C'était la bête qui vivait en lui qui me fixait. Qui prenait du plaisir à me voir ainsi, complètement à sa merci. Une seule solution s'imposa dans mon esprit. Et quand je le vis se pencher vers moi, je n'hésitais pas plus longtemps.

Je relevais soudainement le genou et touchait ses bijoux de famille. Pas assez violemment pour qu'il aille à l'hôpital, mais suffisamment pour qu'il reprenne ses esprits et me laisse tranquille.

Mon plan fonctionna d'ailleurs à merveille : avec un cri qu'il réussit à étouffer rapidement, il se retira et je pus alors me redresser. Ses gémissements de douleur me rassurèrent un instant. Le reste du groupe ne tarda pas à revenir en courant. Connor, après avoir ouvert la portière s'enquit immédiatement de la santé de son supérieur tandis que derrière moi, accoudée à ma fenêtre cette fois-ci, Jones observait la scène avec amusement.

« La petite sorcière que tu es a plus d'un tour dans son sac à ce que je vois, murmura-t-elle en m'adressant un clin d'œil qui me surprit. »

Puis elle retourna près de sa moto et démarra le moteur de la bête.

Adam, sans grand étonnement, décida finalement de prendre place à l'avant, échangeant de position avec Connor qui ne cacha pas sa joie à l'idée de pouvoir faire plus ample connaissance avec Minho. Le reste trajet se déroula ainsi dans un silence coupé, en de rares occasions, par les rires enfantins du petit d'homme insouciant.

Nous arrivâmes finalement et, avant que nous ne puissions sortir, Lacey accourait déjà dans notre direction. Elle trouva rapidement Minho et, succédant à une tristesse amère qu'elle enfouit au plus profond d'elle-même, elle lui offrit son plus beau sourire. Son accueil jovial rendit encore plus maussade son propre fils qui s'empressa de se diriger vers elle.

Et, comme un enfant, il lui reporta l'incident de la voiture. Encore un autre incident, pensai-je. Je ne pus m'empêcher, en repensant à ce qu'il m'avait dit de la relation entre les parents et les enfants au sein de SA meute, de rire ouvertement de lui.

« Un détachement hein ? N'empêche qu'en ce moment, tu rapportes tout à ta mère comme un gamin pleurnichard. Même Minho n'agit plus de la sorte. »

Lacey esquissa un mince sourire. Adam le remarqua et, vexé que tout le monde se retournait contre lui, se transforma.

Il n'y avait pas à dire et même à ce moment-là, alors que je lui en voulais toujours, je ne pouvais m'empêcher d'éprouver envers cette autre aspect de lui-même, une certaine forme de respect. Peut-être même un peu d'admiration face à sa forme lupine.

Toujours était-il que Minho, lui, prit peur. Il se mit à crier, attirant le regard de l'animal dans sa direction. L'enfant apeuré courut pour se réfugier derrière moi et je m'empressai de le prendre dans mes bras.

Lentement, les reniflements primèrent sur les sanglots tandis que j'effectuais de légers mouvements censés bercer le petit d'homme. Je préférai de loin le voir sourire qu'entendre ces bruits déchirants. Je déposai des baisers sur la joue de Minho qui se cramponna encore plus à moi.

Sans le vouloir, je croisais le regard ambré de l'animal qui, ne bougeant toujours pas de la place où il se tenait là depuis cinq bonnes minutes, m'observait avec le même regard que celui qu'Adam avait posé sur le petit d'homme. A la fois songeur et critique.

Tu es belle quand ton instinct maternel prend le dessus.

Mais, et j'en étais sûre et certaine, ce n'était pas la voix de Promesia qui avait résonné dans mon esprit tandis que l'animal Adam regagnait les bois alentours pour se cacher.

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