-Chapitre 9,5-

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Je suis prisonnière. Prisonnière, enfermée dans un coin. Elle m'ignore. Elle a peur de moi. Ça me fait rire. Comment a-t-elle pu croire que j'avais disparu ? Je ne la laisserai pas. Jamais. Je suis elle et elle est moi. C'est simple. Ça a toujours été comme ça. Son corps est aussi le mien.

Depuis toujours je fais partie de sa vie. Quand elle est née, un beau jour de mai, j'étais là. J'ai vu ce petit être brailler en même temps qu'on la sortait du confort du ventre maternel pour l'exposer à tous les dangers du monde.

J'avais envie de la protéger. Je savais déjà, rien qu'au regard de son père, que sa vie serait mouvementée.

Et ça n'a pas loupé. Ils l'ont traité comme un monstre. Et moi je devais me contenter d'observer. Parfois, tard le soir, je parvenais à entrer en contact avec la jeune fillette qu'elle était. Elle m'appelait son amie imaginaire.

Ses parents ont toléré ma présence au départ. L'ami imaginaire les faisait sourire. Quand elle leur racontait et leur décrivait les images que je lui montrais, il avait cette expression amusée qu'ont les adultes face aux idioties dites par des bambins.

Ils ne la prenaient pas au sérieux. Je détestais ça. J'avais envie de les tuer.

J'étais en colère. Ma colère a grandi en même temps qu'elle. Petit à petit, l'ami imaginaire devenait un sujet qu'il fallait éviter dans cette famille. La petite n'osait même plus contredire ses parents quand ils lui disaient qu'elle était folle, que quelque chose n'allait pas chez elle.

Selon un certain point de vue, il y avait bien quelque chose qui la différenciait des autres enfants, en effet. Mais elle n'était pas folle. J'existais !

Elle a alors commencé à essayer de m'ignorer. J'avais beau montrer ma présence en bougeant ses affaires, en l'effleurant, rien n'y faisait. Elle fermait les yeux. Elle frissonnait. C'était tout.

Son frère, par contre, était de mon côté. Sa façon de parler de moi comme d'un être fantastique me faisait toujours sourire. Si seulement il savait... Mais qu'importe, sa joie redonnait confiance à la jeune demoiselle.

Un soir, après s'être encore disputée avec ses parents, elle a commencé à m'insulter, à me mettre sur le dos toutes les horreurs qui lui arrivait. Ses parents. Sa soi-disant amie. Sa sœur. Elle disait que personne ne l'aimait. C'était faux. Moi je l'aimais bien cette petite sotte.

Aussi étrange que cela pouvait l'être, j'aimais sa fragilité. Elle pleurait souvent. Elle n'était pas douée en sport et tombait tout le temps. Mais j'aimais bien cela. J'aimais ce côté si humain. J'aimais son caractère. J'aimais ce qu'elle était. Une fille qui n'avait pas l'intention de prétendre être plus que ce qu'elle n'était. Elle était humble, pleurnicharde. Elle avait aussi un caractère de merde qui variait souvent sans qu'on ait le temps de s'en rendre compte. Mais ça faisait son charme.

Puis, après une énième erreur de parcours, une tromperie de la vie qui semblait s'acharner à vouloir la détruire mentalement, Minho était né. Une part d'elle. Une part de moi. Un petit bout qui avait permis à Thara d'avancer alors que tous se dressait contre elle.

Un autre être chétif, fragile et qui m'émouvait tout autant que sa mère. Je les aimais. Je voulais les protéger.

Alors j'ai feins de ne plus être. Parce que je savais que ma présence les empêcherait de construire leur monde. Au départ, Thara semblait un peu inquiète. Elle m'appelait la nuit, répétant le surnom qu'elle m'avait donné. Qu'elle avait donné à son ami imaginaire.

Promesia. Dérivé du mot promesse. Nom qu'elle avait inventé et que j'aimais sans trop aimer.

Je mourrais d'envie de lui répondre durant ces moments-là. Je m'en suis abstenue. Sans pour autant arrêter de les observer, bien entendu. Par la suite, Minho a commencé à accaparer tout la place dans son cœur. Promesia a finit par être oubliée.

De cela, je n'en ai jamais voulu au gamin. A la fille, par contre, c'était une tout autre affaire. J'avais l'impression d'avoir été trahie. Son ami imaginaire était oublié. Comment cela pouvait être possible ? Je lui avais tout donné !

Celle qui avait veillée sur elle depuis toujours, qui l'avait aidé en toutes circonstances, qui la faisait sourire en lui montrant des images de paysages lointains, qui la berçait en chantant doucement la nuit des musiques qu'elle seule pouvait entendre.

Tout avait été oublié. C'était comme si je n'avais jamais existé.

Il aura fallu que cet homme arrive pour que je retrouve la force d'agir. Cet Alpha pitoyable. La violence de la colère de la demoiselle, que dis-je, de sa haine à l'égard de cet idiot m'avait revigoré. J'ai pu de nouveau parler comme bon me semblait. Je n'avais plus à me contenter de quelques mots brefs pour lui rappeler que j'étais toujours là.

Mais, comme quand elle était petite, elle a tenté de m'ignorer. Elle avait fermé les yeux. Elle avait frissonné.

De nouveau, j'avais souris de sa réaction. C'était tellement elle. J'étais heureuse de la retrouver. Elle m'avait entendu. Elle avait compris. Enfin ! J'avais de nouveau accès à ses pensées.

J'existais de nouveau dans son cœur, dans sa tête, en elle. J'étais là. J'existais.

Bientôt, tout changera. Encore une fois. L'équilibre sera rompu. Et moi, je serai là pour accomplir mon rôle. L'aider. La soutenir. Je serai là pour elle. Parce que malgré tout, malgré la rancœur qui subsistait, elle était moi et j'étais elle. C'était simple. Non ?

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