-Chapitre 4,5-

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Il fut un temps, lointain à mes yeux, où votre futur vous importait peu. Une période durant laquelle l'innocence s'incarne sur vos traits et vous protège pour vous épargner le fait de comprendre les horreurs de la réalité. L'enfance. Moment rempli de princesses, de grenouilles devenant princes, de dragons pour certains. Moment rempli de légèreté et de rêverie un peu plus rationnelle pour d'autres, en avance sur leur camarade ou juste renfermés sur eux-mêmes. Épisode par lequel chacun de nous est passé, définissant plus ou moins celui ou celle que nous serons plus tard.

Très tôt, j'ai compris ce que moi j'étais. Grâce aux regards de ma famille, aux regards des médecins et d'autres qui ont eux aussi leur part de responsabilité dans cette histoire. Mais un seul trouvait en moi, une source d'émerveillement inépuisable. Une source d'inspiration continuelle. Mon frère. Maxime Becker, le cadet de la famille.

Il a toujours été d'une prévenance exemplaire. Il l'est toujours, même aujourd'hui. Et c'est bien le seul Becker avec qui j'ai gardé un certain contact. Ça a été l'un des rares à comprendre l'étendue des « dons » que j'avais. C'était l'un des rares qui ne me traitaient pas comme une abomination.

C'est une personne qui, doté d'une intelligence pointue, parvient toujours à trouver les mots justes pour m'encourager à poursuivre mon chemin. Et il a toujours su qu'un jour où l'autre, je finirai par me détacher, à m’éloigner de notre famille.

Cette idée l'avait même fait sourire quand je l'avais laissé entendre. Nous étions alors dans le jardin de nos grands-parents, adossés au tronc d'un arbre chargé d'histoire.

D'après les Becker, cet arbre les avait tous vu s'unir avec l'homme ou la femme de leur vie. Et nous devions nous aussi perpétrer, quand le jour serait venu, cette tradition familiale. Mais quand moi et Maxime avions décidé de nous y installer, nous ne pensions qu'à nous en moquer en imitant les adultes se demander en mariage.

Les discussions joyeuses et les rires dérivèrent rapidement. On avait fini par parler de moi et d'une énième visite médicale, qui s'était de nouveau soldée par une mauvaise nouvelle pour nos parents. Maxime ne les aimait pas, ces médecins obsédés par l'argent, et il me le fit bien comprendre en grimaçant à chaque fois que je disais leur nom.

Il les traita de menteur et s'allongea dans l'herbe, la tête posée sur mes jambes. Par réflexe, et aussi parce que je savais qu'il adorait ça, j'avais commencé à caresser lentement ses cheveux.

« Je suis content que tu sois ma sœur, Thara, avait-il dit innocemment, les yeux fermés. »

J'avais souris bêtement sans cesser de jouer avec ses mèches brunes. Puis, quand je me rappelais le visage de ma sœur aînée, mon sourire se ternit. Maxime ouvrit alors les yeux à ce moment-là et, plongeant son regard de ce bleu si particulier aux gens de ma famille, m'avait demandé ce qu'il se tramait dans ma tête.

« Aelis n'est pas de ton avis, elle.

-Aelis est jalouse. Parce que je t'aime plus qu'elle. Puis, maman et papa passent plus de temps avec toi et ça l’énerve parce qu’elle aime bien être au centre de l’attention.

-Oui, mais s'ils le font, c'est pour me dire que je leur fait honte avec ma malédiction...

-C'est pas une malédiction ! »

Il avait alors hurlé cette phrase en se redressant d'un coup. Ainsi assis face à face, il prit mes mains et les serra dans les siennes.

« Tu as un pouvoir magique fabuleux. C'est un don petite sœur. A ton avis, pourquoi je t'appelle ma petite fée ? »

Ce surnom nous avait fait rire de nouveau et, en courant l'un après l'autre, il s'était mis à le crier haut et fort. Notre mère nous avait alors demandé, du bas de la pente, près de la maison qu'elle ne quittait jamais quand on venait ici, de baisser le volume. Nos voix aiguës l'empêchaient de se concentrer dans sa discussion avec nos grands-parents.

Sans doute parlait-elle encore de moi pour se plaindre de la charge que j'étais pour elle, et dont elle se serait bien passée.

Avant d'aller la rejoindre, Maxime me prit dans ses bras comme on tient la chose la plus précieuse et la plus fragile de ce monde. Puis, au creux de mon oreille, il me souffla des paroles que jamais je ne pourrai oublier. Même après que le temps ai fait de moi une adulte, même après qu'il m'avait fait voir la réalité des choses en face :

« Tu vaux mieux qu'eux. Ne les écoute pas. Si un jour tu viens à couper contact avec les Becker, je serai de ton côté. Parce que tu es ma sœur chérie. Parce que je tiens à toi et surtout, parce que je ne veux pas te perdre. Alors promets-moi une chose. Continue de sourire, même si les circonstances ne s'y prêtent pas toujours. Parce que ça te va si bien petite fée. Promets-le. »

Et c'est ce que j'ai fais. J'ai promis.

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