-Chapitre 4-

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Comment avais-je pu ne pas flairer le piège ? Franchement, je n'en savais rien. Ma tête tournait, mes yeux menaçaient de sortir de leur orbite, ça par contre, je le savais. Et malheureusement, ce n'était ce genre de connaissance qui allait m'aider à me sortir de là. Parce qu'il était hors de question que je reste cinq minutes de plus ici ! Que ce soit bien clair !

Tout d'abord, je devais rester calme. A vouloir aller trop vite, je risquais de manquer quelque chose d'indispensable à ma survie. Je devais me concentrer, restée vigilante sur le moindre petit détail concernant ce qui m'entourait.

Déjà, j'étais attachée à une chaise et mes yeux étaient bandés. Je n'étais donc ni dans la possibilité d'examiner mon environnement ni même de pouvoir faire le moindre geste. Mes attaches étaient trop bien nouées pour qu'à la seule force de mes poignets malingres, je ne puisse parvenir à les desserrer. Et par-dessus le marché (bah oui c'était pas suffisant, voyons !), j'étais dans l'incapacité de garder un certain équilibre. Soit le sol tanguait violemment, soit on m'avait drogué. Je penchais, au sens propre comme au sens figuré dans mon cas, plus pour la deuxième proposition.

« On en fait quoi ? Il me semblait pourtant que Monsieur-je-sais-tout avait un plan...

-Ferme-là bouffon !

-Vous êtes des plus exaspérants quand vous vous y mettez. Je n'ai pas que ça à faire et vous le savez. Donc ce serait bien de s'occuper de cette erreur au plus vite. »

Mon sang ne fit qu'un tour en entendant la voix du dernier interlocuteur. Et il n'y avait pas de doute, c'était elle. Je reconnaîtrai entre mille son accent traînant, sa voix chantante mais grave, presque envoûtante. Madame Jones. La vipère qui m'avait prise pour une débile avant de m'enlever comme si c’était là, la chose la plus normale de nos jours.

Sous le coup de la pression, mon estomac se retourna littéralement et je rendis mon maigre repas. J'entendis des exclamations s'élever tandis que, malgré la douleur que je ressentais encore dans ma gorge, un sourire de satisfaction naquit sur mes lèvres. Au moins, je leur en aurai fait voir de toutes les couleurs, leur laissant un bon souvenir de moi. Il ne restait plus qu'à espérer que cela laisserait une trace qu'il ne pourrait pas effacer, même armés de la plus féroce des déterminations.

« C'est dégueu ! Cria fortement une voix nasillarde qui semblait se rapprocher de moi en se pinçant le nez. T'es allée beaucoup trop fort sur la dose Jones ! »

On m'avait donc bel et bien administré des substances pas très nettes. Génial. Et comment j'étais censée me dépatouiller si j'étais droguée plus qu'il ne le fallait ?

« Pour vous mon cher Brad, ce sera Madame Johnson, rétorqua-t-elle sèchement. Connor, allez donc me chercher de quoi essuyer tout ça.

-Compris. »

Un bruit de pas sembla alors s'éloigner tandis qu'une main se posait à l'arrière de mon crâne, en profitant pour défaire mon bandeau. Celui-ci tomba négligemment autour de mon cou tandis qu'une lumière vive débarqua soudainement dans mon champ de vision. Je mis plusieurs minutes à m'y habituer et, quand je pus enfin découvrir le lieu où on me retenait captive, je poussais un immense soupir.

Je n'étais pas dans une cave, ou un autre lieu de ce type, comme j'avais pu le croire. En fait, à mon plus grand étonnement, je me tenais face à une immense baie vitrée qui, pour sa part, donnait sur un parc verdoyant. Une vue à couper le souffle.

Les arbres, vieux de je-ne-sais combien d'années, semblaient vouloir effleurer les rares nuages présents dans le ciel et qui suivaient tranquillement le chemin indiqué par le léger vent, à en juger par les rares mouvements du feuillage. D'immenses bosquets de fleurs avaient également de quoi attirer le regard. Des couleurs vives à vous en rappeler les teintes d'un arc-en-ciel et une sorte d'organisation par rapport à la taille qu'ils atteignaient. Son propriétaire devait être un sacré maniaque, fut la première remarque qui me traversa l'esprit face à ce rangement plus que perturbant et intriguant.

Finalement, malgré l'épaisse végétation, on parvenait à distinguer une vieille cabane de bois, comme engloutie par la verdure alentour. Il se dégageait d'elle une impression de chaleurosité qui faisait défaut à la maison dans laquelle je me tenais.

En effet, malgré les quelques touches colorées qu'on retrouvait dans les babioles dispersées un peu partout, l'ensemble était d'une impersonnalité affolante. Des meubles ternes se présentaient ici et là, respectant l'idée qu'on se fait d'un salon, d'une cuisine ou d'une salle à manger. Et tout était de la même couleur : gris souris. Pas de doute possible, le jardin et l'intérieur avaient été décorés par la même personne, obsédée par l'ordre.

« Adam a été clair ! Et en tant que Bêta je...

-Bêta de mes deux oui ! La tuer n'arrangera rien et ce caprice de la part de notre Alpha ne mérite pas le luxe de perpétuer de tels actes ! Et puis, de toute façon, te connaissant, tu comptes en tirer profit pour ternir un peu plus sa réputation, je me trompe ? N'essaie pas de mentir Brad, tout le monde sait que tu louches carrément sur sa position ! Et votre amitié dans l'histoire ?! »

Ma tête m'élança si soudainement que je grinçais des dents. J'avais l'impression qu’elle allait littéralement exploser. Voir encore qu'on y faisait à l’intérieur des travaux avec un marteau-piqueur. Rien que de l'entendre hurler à plein poumon toute sa colère me faisait jongler. Je mourrais d'envie de lui hurler de la fermer, mais je n'en fis rien en constatant qu'ils avaient de nouveau porté leur attention sur moi.

Madame Jones portait des vêtements plus que léger, comme la fois où elle avait débarqué au garage dans sa somptueuse voiture de luxe. Ses habits lui allaient à merveille : une robe rouge remontant au-dessus des genoux (même un peu plus haut je dirais), où le dos nu pouvait faire jalouser n'importe quelle personne. Je n'en menais pas large non plus en constatant que mon style vestimentaire ne lui arrivait pas à la cheville.

Ses yeux verts me fixaient avec une lueur moqueuse, comme fière de ce qu'elle m'avait fait, tandis que ses cheveux d'or avaient été attachés en un banal chignon, dont quelques mèches s'échappaient à certains endroits.

A sa droite se tenait un homme à la carrure de rugbyman. Il était grand, tout en muscle et ses bras croisés, ramenés contre son torse, ne fit que me conforter dans l'idée que mon plan de fuite était impossible. Ses cheveux bruns coupés courts encadraient un visage beaucoup plus doux qu'on aurait pu le croire. Ses yeux marron dominaient majoritairement le tout, bien qu'il fallut également noter ses lèvres charnues et son nez aquilin. Ou encore, ses pommettes saillantes et sa mâchoire contractée. En un mot ? Canon.

Il ne semblait pas énervé ou heureux de cette situation. Au contraire, il semblait même s'en vouloir. Mais ce n'était pas pour autant que j'avais toute sa confiance. Il suffisait de voir sa posture défensive pour le comprendre. Il compatissait et se disait sûrement ne jamais vouloir être dans ma situation, tout au mieux.

Comme pour insister sur le fait qu'il était l'exact opposé du précédent jeune homme, un second se tenait de l'autre côté de Madame Jones. Il semblait être sorti du lit, tant ses cheveux étaient ébouriffés et que son regard trahissait une certaine lassitude (de celle qu'on a le matin en se réveillant). Lui aussi était brun, mais en beaucoup plus prononcé que son compagnon, au point que je crus au premier regard qu'ils étaient d'un noir charbon.

Et, tout comme l'élégante femme à son côté, il arborait une couleur d'iris plus que magnifique. D'un vert prononcé (plus que l'autre vipère) qui semblait s’éclaircir ou s’assombrir en fonction du lieu où il se tenait. Beaucoup plus menaçant que le premier homme, il s'approchait de moi, sans cacher le danger qu'il pouvait éventuellement représenter à mon égard.

Lentement, mon regard roula vers le côté, sans doute sous l'effet de la prise de stupéfiants. Il roula pendant un moment si long qu'il me parut durer une éternité. Puis, finalement, il finit par s'arrêter sur deux autres personnes. Un homme et une femme.

L'homme avait le regard vide de ceux à qui la vie n’a pas fait de cadeau. La fille, pour sa part, semblait s’amuser de la situation, à en juger par le regard gourmand qu’elle lançait à toutes les personnes présentes. Et, sans pouvoir me l'expliquer, je sus directement qu'ils étaient père et fille. Mais il émanait d'eux une telle tristesse et un tel sentiment de colère, de rancœur, que je voulus presque immédiatement détourner les yeux tant je me sentais clairement de trop.

Quand quelque chose commença à broyer ma gorge, je ne trouvais même pas la fore de me débattre. C'est comme si, le simple fait d'être confrontée à ces deux personnes, s'affrontant du regard d'une manière totalement silencieuse, me vidait de mes forces en un rien de temps. L'air commençait pourtant à me manquer. Ma tête tournait de plus en plus. Mais rien à faire. J'étais obnubilée par eux.

Je compris ce qu'il en était vraiment quand son regard trouva le mien. Quand un froid violent descendit jusqu'à mes pieds. Quand je fus prise de soubresauts de plus en plus brusques. Elle était morte. Et son père aussi.

D'abord étonné, la jeune femme analysa brièvement la situation avant d'agir. Presque aussitôt, la baie vitrée face à moi, à laquelle mes ravisseurs tournaient le dos, explosa littéralement en éclat. Les morceaux de verres volèrent dans la pièce et une bourrasque de vent les projeta tous dans ma direction. Non, pas dans la mienne, en direction de l'homme (le second, beaucoup plus terrifiant) qui m'étranglait jusqu'alors.

Madame Jones eut à peine le temps de le tirer à elle en criant son prénom (« Brad!! ») que tout retomba dans un bruit comparable à un déchirement du ciel, lors de terribles orages. Et, encore haletante, sous le choc, je regardai complètement impuissante ce Brad se faire entailler à chaque endroits qu'il n'avait pas eu le temps de protéger en se recroquevillant en boule avant l'impact final. Son dos sembla soudain très apprécié par tout ce cristal tranchant, qui se teinta rapidement de rouge, quand il ne restait tout simplement pas coincé dans la peau de la victime.

« Il n'a que ce qu'il méritait…, souffla doucement une voix au creux de mon oreille tandis qu'installée derrière moi, on me serrait dans des bras invisible pour qui ne sait pas les voir. Mais toi, toi tu peux nous distinguer. Tu peux nous aider. Je t'ai sauvé de mon aimé. Sauve-moi de mon péché. »

Puis elle disparut sans bruit, comme si le vent eut emporté les dernières poussières de son existence, me laissant complètement abasourdie. Ça recommençait. La vie n'était qu'une boucle d'actions qui se répétait. Finalement, depuis le début, je ne faisais que tourner en rond et j'arrivais maintenant au point de départ. Encore une fois.

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