Remkor

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Remkor le Borgne avançait lentement dans l’épaisse forêt de l’île Q’Osh. Il avait vogué vers elle pendant une bonne semaine, délaissant la magie runique, préférant naviguer à l’ancienne. La magie rendait fainéant, atrophiait les muscles, corrompait l’âme par sa facilité. Il fallait se frotter à l’adversité, à l’exercice, à la fatigue.

Le chaman étira son long corps dégingandé quand il déboucha dans une clairière où reposaient six impressionnantes silhouettes en terre, en bois, en pierre... Ses articulations craquèrent. Il était bel et bien rouillé. Il s’assit sur une grosse racine recouverte de mousse. Une chaleur poisseuse rendait le moindre effort exténuant. L’île de Q’Osh possédait une particularité qui faisait fuir les Haches : l’utilisation de la magie y était presque impossible. Presque. Pour Remkor c’était le mot qu’il ne fallait pas prononcer. Il n’y avait pas de presque dans son vocabulaire. Cela était soit possible soit impossible. Dans ce dernier cas, il le rendrait possible. Q’Osh fut un chaman particulier, étrange. Très jeune il s’était exilé sur cette île perdue. Ce n’est qu’à la fin de sa vie qu’il était revenu pour enseigner l’art des runes de modelage. Une magie jugée trop dure à développer, trop exigeante physiquement, moralement et qui tomba petit à petit dans l’oubli. Remkor l’avait découvert à ses dépens lors d’une aventure dans les sous-sols de la Baronnie des Tortes. Le cuir qui recouvrait son œil manquant constituait le sacrifice involontaire consenti pour progresser. Il passa plus de deux heures à contempler les masses qui lui faisaient face, se levant parfois pour les caresser. Il pouvait sentir à travers les âges la puissance de ces fabrications. Il visualisait parfaitement les agencements entre ces fins éléments qui composaient toutes les matières, vivantes ou non. Les créations de Q’Osh. Le secret perdu des Golems.

Remkor enleva ses chaussures, pour mieux se sentir connecté à la terre. Il se focalisa sur sa respiration, fermant son oeil pour ne pas se laisser distraire. Il écouta le vent, sentit le froid et la chaleur circuler sous lui. Les bruits de la forêt environnante se turent petit à petit. Ses mains entamèrent une danse complexe. La sueur couvrait sa peau d’un linceul brillant. Une douleur atroce s’infiltra progressivement le long de ses jambes, neutralisant ses muscles, irradiant à travers ses nerfs une souffrance indescriptible. Une peur panique lui disait d’arrêter, de partir, de ne pas mourir aussi bêtement. Curieusement, ce fut le sourire goguenard, légèrement moqueur de Marl de la Marche du Sud qui le ramena vers la réalité. Remkor, au bord de l’inconscience, ne lutta plus contre la torture, au contraire, il la laissa l’envahir, pour ensuite la diriger vers ses doigts. Il souleva sa paupière. Des mottes de terre s’arrachèrent du sol, pour venir flotter devant lui. Des morceaux prenaient forme dans une aura qui changeait constamment de couleur, passant du vert clair au vert foncé, de l’or scintillant au blanc neigeux. Le calme se fit dans son être. La peur le quitta. Le Golem de terre se dressa, titanesque, goûtant à la vie nouvelle qu’il venait d’acquérir. Il pencha sa tête difforme vers son créateur, attendant son bon vouloir. Remkor chassa le sourire qui commençait à naître : il avait grossièrement donné les traits de Marl à sa création.

  • La bienvenue à toi ! Voyons si je peux te donner des frères et sœurs dans d’autres matières…

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