Lya

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Lya était une femme très réservée. Il avait réussi à obtenir son nom en échange du sien, mais guère plus. Et comme il ne voulait pas se retrouver à la rue, il n'était pas question de la pousser. Il devait d'abord gagner sa confiance.

Elle l'avait laissé entrer chez elle, lui avait même permis de se servir dans le panier quand elle l'avait vu lorgner sur les quelques fruits qu'il contenait encore, mais elle restait sur ses gardes. Elle s'affairait à présent dans l'unique pièce de vie de la maison, qui tenait lieu à la fois de cuisine et de salle à manger.

Il se tenait près de la cheminée, qui était le point névralgique de la pièce. Un fauteuil en bois était installé d'un côté, tandis que de l'autre pendaient divers ustensiles de cuisine. Un chaudron depuis longtemps noirci par les flammes pendait dans l'âtre au dessus d'un tapis de braises encore rouges dont s'échappaient de rares flammèches.

Il frissonnait à côté de ce pauvre feu, regardant la jeune femme aller et venir entre l'unique table et le chaudron, jetant des légumes coupés en morceaux dans ce qui deviendrait probablement une potée ou une soupe. À chaque passage, elle prenait soin d'éviter de le regarder ou de l'approcher plus que nécessaire.

Il commençait à être gêné de rester là sans rien faire, alors qu'elle s'activait ainsi dans son état. Il décida d'intervenir quand elle se baissa pour ramasser un seau.

« Est-ce que je peux vous aider ? Dites-moi ce que je peux faire, » demanda-t-il en s'avançant.

Comme elle hésitait, il insista :

« Vraiment, je tiens à aider, je ne peux pas rester à rien faire. »

« Je vais juste chercher de l'eau, » finit-elle par répondre.

« Je peux faire ça, » rétorqua-t-il en attrapant l'anse du seau qu'elle tenait encore. « Montrez-moi juste où c'est. »

Elle le regarda quelques instants, surprise, avant de lâcher le seau et d'accepter d'un hochement de tête.

Il la suivit dans la rue et regretta aussitôt de quitter l'abri de la petite maison, où il avait tout juste commencé à se réchauffer. Elle marchait d'un pas sûr, malgré le sol inégal et boueux, les détritus qui parsemaient la rue étroite et un ventre proéminent qui ne devait pas simplifier l'équilibre. Ils arrivèrent au bout de la venelle et tournèrent dans une rue à peine moins étroite. Les gens qui s'y pressaient, bien que peu nombreux, semblaient être une foule dans ce petit espace coincé entre deux rangées de maisons qui paraissaient monter à la rencontre l'une de l'autre.

Il commençait à se demander jusqu'où il fallait aller pour trouver de l'eau dans cet endroit, quand ils arrivèrent enfin devant un puits. Ils durent attendre leur tour pour se servir, ce qui lui permit de voir comment les autres procédaient. Il se chargea alors de puiser l'eau pour remplir le seau. Quand il le souleva, il regretta presque sa bonté d'âme. Ça pesait une tonne ! Il ne pouvait imaginer que cette femme, enceinte jusqu'aux yeux, puisse se débrouiller seule pour porter ça.

« Allez-y, passez devant, » fit-il dans un souffle.

Il faisait son possible pour faire bonne figure, malgré son impatience de repartir pour se débarrasser de sa charge au plus vite.

Le trajet du retour lui parut bien plus long. Après une marche pénible et interminable, ils rentrèrent enfin dans la maison, où il s'empressa de poser le seau plein à l'endroit où son hôte l'avait pris. Bien qu'il ait plusieurs fois changé de main en cours de route, il ne sentait plus ses doigts au delà de l'endroit entamé par la corde du seau. Mais cela n'était rien en comparaison des diverses douleurs qui l'assaillaient jusqu'aux épaules. Ses bras s'étaient probablement allongés.

Il se dévoua encore pour porter le seau et verser de l'eau dans la soupe, puis se contenta de la regarder finir la préparation du repas, estimant avoir fait sa part. Une demi-heure plus tard, elle servait deux assiettes et en posa une vers lui en le regardant brièvement, avant de baisser les yeux et de s’asseoir. Il ne se fit pas prier et vint s'installer en face d'elle. Il n'y avait pas de troisième assiette.

Ils commencèrent à manger en silence. Il était de plus en plus convaincu que son mari n'était plus là, sans doute mort. Il aurait bien posé la question pour en avoir confirmation, mais il se doutait que ce serait un sujet sensible. Comme le silence s'éternisait et qu'il avait besoin de se distraire pour ne pas dévorer trop vite le maigre repas devant lui, il commença à parler de lui et du monde d'où il venait. Il était difficile d'expliquer la vie moderne qu'il avait menée jusqu'à il y a quelques jours, surtout dans la langue d'un monde qui ne connaissait ni l'électricité, ni l'eau courante, mais il se débrouilla en simplifiant. Ce qu'il disait était très approximatif, mais le principal était qu'il avait réussi à capter son attention. Elle le regardait.

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