Lendemain

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Je suis arrivé en avance au bar. Ma pression posée devant moi, je regarde attentivement les prévisions météo des prochains jours sur le petit écran de télévision situé en hauteur. Du beau temps pour toute la semaine. Je dirige ensuite mon regard vers le bar, où les employés s'appliquent à créer des cocktails tout en plaisantant avec la clientèle. Je porte mon verre à mes lèvres et boit une petite gorgée de bière avant de vérifier l'heure. 18h47.

- Alors, on s'impatiente ?

Je reconnais la voix guillerette d'Hanna, qui arrive main dans la main avec son partenaire d'hier. Elle s'approche de moi et je me lève pour lui faire la bise.

- Comment ça va l'artiste ?

- Très bien, et étant donné ce que j'ai pu voir hier soir j'imagine que tu ne te portes pas trop mal toi aussi !

Elle rit et regarde son compagnon, qui sourit sincèrement. Il à l'air un peu timide mais très sympathique.

- Je te présente Maxime. Maxime, je te présente Jules, mon meilleur ami depuis l'école primaire.

- Et toujours fidèle au poste. dis-je en serrant immédiatement la main fine qu'il me tend. Enchanté !

- Moi aussi ! Encore merci pour hier, j'espère que ça s'est bien passé et que ça t'as plu.

- Disons que cétait original. Dans le bon sens du terme bien sûr !

Je me rassois, et ils suivent mon mouvement en se calant confortablement dans les chaises mattelassées présentes autour de la table. Hanna se saisit de la carte des boissons et la contemple longuement, pendant que je me présente à Maxime, et inversement. Je lui explique mon travail, il me parle de ses études. Il était en école de design pour devenir modeleur 3D pour finalement tout lâcher et faire du mannequinat, avec l'encouragement de ses parents. Je lui parle de ma rencontre avec Louise, ma petite amie, et il m'apprend qu'il est en couple avec Hanna depuis un mois. Elle ne m'a rien dit, mais je ne lui en veux pas, elle n'a jamais aimé s'étendre sur sa vie sentimentale.

Mon amie se lève pour aller commander sa boisson et celle de Maxime.

- Je vais prendre un ricard citron. Tu prends quoi chéri ?

- Une Guinness s'il-te-plaît.

- C'est parti !

Alors qu'elle se dirige vers le bar, je la regarde avec des yeux ronds. Elle boit du ricard maintenant ? Habituellement elle se contente d'un verre de vin rouge ou rosé. J'entends un petit rire qui me fait comprendre que visiblement, mon étonnement ne passe pas inaperçue.

- Je suis sûr qu'elle vient de choisir au hasard. Elle m'a dit hier soir qu'elle voulait "goûter de nouveaux alcools dans sa deuxième vie". me confie mon nouvel ami.

- Comment ça ?

- Elle va sans doute te l'expliquer mieux que moi, mais comme nous ne sommes plus aux servives de l'agence depuis hier soir, on à prévu tout les deux de changer complètement de cap. C'est un nouveau départ dont on a besoin elle et moi. De mon côté de vais reprendre mes études, et je m'arrangerai pour bosser à côté. J'ai 24 ans, alors je devrais m'en sortir.

Je ne sais pas vraiment quoi répondre. L'information me paraît très soudaine, mais la confiance que je viens d'entendre dans ses paroles me donne envie de l'encourager.

- Tant que tu fais quelque chose qui te plaît vraiment, ça en vaut le coup.

C'est une réponse totalement cliché, mais elle le fait tout de même sourire. Je reprends une gorgée de ma pression alors qu'Hanna revient vers nous et s'installe à nouveau. Je repose mon verre et lui adresse la parole.

- Alors comme ça madame nargue l'oenologie ?

- Pour une fois que je peux me le permettre ! Je ne sais pas quel goût peut avoir un ricard au citron mais même si c'est immonde, je boirais mon verre en entier.

Elle replace ses cheveux derrière sa nuque et pose ses coudes sur la table en laissant ses mains soutenir sa tête. Ses yeux se dirigent sur Maxime, puis sur moi, qui lui lance une regard signifiant "tu n'aurais pas quelque chose à me dire par hasard ?". Hanna sourit.

- Tu lui a expliqué nos petits projets Max ? dit-elle en se tournant vers son amant.

- J'ai juste pris le temps de parler des miens. Je te laisse faire le reste si tu veux.

Elle pouffe et l'embrasse sur la joue.

- Je vais devenir boulangère. Tu te souviens de ma tante Geneviève qui venait parfois me chercher à la sortie du collège ?

Je hôche la tête.

- Et bien elle a besoin de main d'oeuvre depuis que mon oncle est parti à la retraite. J'en ai longuement discuté avec elle. Gentille comme elle est, elle a refusé dans un premier temps que je vienne l'aider parce qu'elle avait peur pour ma carrière de mannequin. Mais à force de lui expliqué la dureté du travail et mon ras-le-bol, et avec l'agrandissement de leur magasin en plus, elle a fini par céder. Le rythme sera différent et le travail sera complètement nouveau pour moi mais en étant bien formée et motivée j'y arriverai.

Je suis surpris et très fier pour elle à la fois. Je la vois étrangement bien en train de pétrir de la pâte et de faire prendre forme à des baguettes croustillantes.

- C'est super que vous ayez trouvé quelque chose tout les deux. Un autre photographe qui était présent hier soir se demandait si vous alliez vous en sortir, et j'avoue que cette question me travaillait un peu les méninges jusqu'à maintenant, mais je suis rassuré.

Maxime et Hanna rient discrètement et me regardent avec un air attendri. Un barman souriant approche et dépose les boissons des tourtereaux accompagnées de l'addition avant de rejoindre son poste au pas de course pour servir d'autres clients. Maxime regarde sa bière irlandaise et prend la parole.

- A vrai dire, après notre délire d'hier soir je n'étais pas sûr qu'on reparte vivant, vu comment Émilio et nos employeurs étaient enragés.

- C'est vrai. confirme Hanna. On a dû se faire enguirlander pendant au moins quinze bonne minutes. Comme quoi on faisait honte à l'agence et au travail d'un créateur d'exception. Qu'on avait un sérieux problème mental et qu'il fallait grandir un peu. Et qu'on était bien évidemment plus jamais les bienvenus sur un défilé de mode.

Elle se saisit de son verre et en avale une grande gorgée.

- Ah, pas de chance. C'est dégoûtant.

Je soupire un "ahlala" en prenant moi aussi un peu de ma bière. Maxime, qui n'a toujours pas touché à sa pinte, poursuit la discussion.

- Je suis soulagé d'être parti. Un an et demi que j'y étais, et un an demi que j'avais envie de m'en aller. J'ai évité de le faire pour mes parents, et parce qu'il y avait Hanna, mais travailler avec Émilio et devoir me conformer aux exigeances demandées par l'agence, ça me plombait le moral.

- "Mais non les enfants, il ne faut pas sourire mais que ce soit vous qui fassiez sourire le public !" imite Hanna avec une voix légèrement plus grave qu'à la normale. "Mais non ma grande, il ne faut pas relâcher le haut, ça serre exprès." "Soignez bien vos chaussures, faites attention aux matières fragiles, soyez beaux...". C'était le genre de chose qu'il nous disait à chaque fois. On a dû faire près d'une dizaine de défilé pour lui, je ne sais pas comment on a tenu le coup.

Maxime prend un peu de sa Guinness et renchérit :

- C'est une très bonne question. Et ne parlons pas de l'agence qui surveillait notre régime alimentaire à la calorie près et qui nous convoquait tout les quatre matins pour faire des shooting photo pour "mettre nos profils à jour".

Il reboit un coup, suivi par Hanna, qui hôche la tête en silence. Un peu gêné, je cherche une réponse qui devra détendre l'atmosphère.

- Alors on va trinquer à la réussite dans vos futurs projets. Et à votre glorieuse démission.

- C'est vrai qu'on a mis le feu hier soir ! s'exclame tout d'un coup ma meilleure amie. On a déçu plein de monde mais on est libres !

Je lève ma pression en l'air et la fait s'entrechoquer contre les verres de mes compagnons de table, qui lâchent un joyeux "santé !" avant de reboire un coup. Nous reposons tout les trois nos boissons sur la table. Je me râcle discrètement la gorge pour reprendre la parole.

- Rassurez-moi vous deux, vous allez quand même vous reposer un peu avant de recommencer à travailler non ?

- Oh ça tu n'as pas idée ! s'exclame Hanna.

Maxime lui lance un regard complice et se tourne ensuite vers moi.

- On va se faire un tour de France en camping-car pendant deux semaines. On part dans trois jours.

- Et on a prévu de goûter toutes les spécialités régionales, de jour comme de nuit ! Il faut qu'on prenne du volume. Surtout lui.

- C'est sur que ça me ferait pas de mal. Mon estomac doit se préparer à digérer un maximum de fromage dans les quinze prochains jours. dit Maxime en riant.

- Moi j'aimerais avoir des fesses plus rondes. C'est tellement plus séduisant que de ressembler à une planche à pain ! Ne sois pas surpris si toutes les photos que tu vois pendant les deux prochaines semaines sur mon compte Instagram sont des plats en tout genre.

J'écoute ensuite la longue liste des gourmandises qu'ils avaient déjà repérées tout en continuant tranquillement de boire. Je les observe en train de se châmailler pour savoir si le camembert est meilleur que le brie, et leurs voix semblent s'éloigner au fur et à mesure que je me concentre sur leurs visages.

Hanna est bien plus rayonnante aujourd'hui que la veille et Maxime, malgré son corps squelettique, semble être en pleine forme. Je me perds dans mes pensées quand je réalise qu'Hanna agite sa main devant moi.

- La Terre appelle Jules, vous nous recevez ?

- Pardon, je réfléchissais.

- C'est la liste des fromages normands qui faisait l'objet de tes réflexions ?

Je m'apprête à lui répondre quand je réalise que Maxime me tend son portable.

- On aimerait que tu prenne une photo de nous trois, tu veux bien ?

- Moi ?

- Tu vois un autre photographe professionnel autour de cette table ? me lance Hanna d'un ton sarcastique.

Je prends le téléphone de son copain, ce dernier est déjà ouvert sur l'appareil photo. Je passe l'objectif en mode selfie et me penche vers la droite pour me rapporcher de Maxime. Il est déjà en train de sourire. Hanna se repose sur son épaule et fait une duckface.

- Han.

- Quoi ?

- Arrête ça tout de suite.

Elle me tire la langue en grimaçant, Maxime laisse échapper un rire, je souris, et j'immortalise ce moment.

FIN.

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