PORTE DE SORTIE

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Dehors, il trouva le Sergent qui sortait à peine de son inconscience. Il se leva en chancelant, Auker lui conseilla :

— Vous devriez partir d'ici, sinon Je pense que vous risquez de gros ennuis !

L'autre ne se le fit pas dire deux fois. Il prit ses jambes à son cou, et dévala le chemin menant au village. Le général le suivit des yeux en pensant : "Sur Ikos, il ne serait même pas un Epsilon !" Puis, il oublia tout cela et commença à attendre...

*****

Xavier arriva derrière la maison, pour emprunter l'entrée donnant sur la cuisine. Celle-ci jouxtait le salon. La porte menant à la pièce où se tenait Naël, était entrouverte. Le rebelle s'approcha et dressa l'oreille. Des bruits de voix arrivaient jusqu'à lui. Il jeta un coup d'œil discret par l'interstice.

Le fugitif remarqua un homme d'une cinquantaine d'années qui aidait Naël à se relever, il le fit asseoir dans un fauteuil. Xavier l'entendit demander à l'hermaphrodite :

— Cela ira-t-il ?

— Dieux ! Je... Je... Papa ! Cet homme... Il voulait tuer Lita !

— Oui, mais à présent, il est neutralisé. N'aie plus de peur.

Il contemplait l'être-double qui disait encore :

— Mais qu'est-ce qu'il lui a pris d'investir mon domicile ainsi ? Et toi, que venais-tu faire ici, avec ce... Général ?

La voix d'une troisième personne intervint, celle de Sunny. Naël l'avait presque oublié. Quant à Dreen, il n'avait pas vraiment remarqué sa présence. Le jeune homme se relevait péniblement, il disait :

— Tout est ma faute !

Dreen étonné demanda :

— Comment ça, ta faute ?

— J'ai cru voir le soldat d'Ikos, près de la ferme de Naël, hier matin. Et... Je... J'ai appelé... enfin le numéro.

Naël, stupéfait le regardait. Sunny ajouta très vite :

— Mais je sais, à présent, que c'était une erreur. Sans doute que ce n'était qu'un braconnier qui relevait ses pièges. Je suis navré, Naël, vraiment. Je t'en prie, pardonne-moi. Vous aussi, M. Dreen.

Il les fixait d'un air suppliant en se tenant son épaule qui finalement n'était que légèrement blessé. Naël détourna le regard. Le ministre dit avec sévérité :

— Avant d'alerter toutes les forces armées de la galaxie, tu devrais réfléchir davantage, mon garçon !

L'hermaphrodite, pour sa part, déclara :

— Vas-t-en, il est trop tôt pour que je t'accorde ce pardon que tu demandes.

Bien qu'accablé, Sunny comprenait la réaction de Naël. Il quitta la maison, sans un mot et la tête basse.

Dreen se rapprocha de son enfant, se mit à sa hauteur, le fixa dans les yeux, puis demanda à brûle-pourpoint :

— Tu n'as vraiment pas vu ce soldat ?

Celui-ci se troubla, puis baissa la tête et balbutia :

— Non... Je... Jamais !

Doucement, Dreen souleva le menton de l'être-double. Il murmura :

— Tu n'as jamais su me mentir, tu le sais !

Il soupira et ajouta :

— J'espère qu'il en vaut la peine, je souhaite que, comme tu sut choisir le père de ta fille, tu ne t'es pas trompé pour celui-là non plus.

— Voyons papa, que racontes-tu ?

— Et toi, comme tu dois l'aimer.

Un silence suivit cette affirmation. Dreen se leva en disant :

— Je vais devoir te laisser. Il ajouta sur le ton de la conversation :

— Tu devrais prendre quelques vacances, afin d'oublier tout ceci ! Partir en voyage, par exemple.

Sans comprendre, Naël répéta :

— Un voyage ?

— Cela fait combien de temps que tu n'as pas vu ton cousin Ulian ?

— Mon cousin ?

— Oui, celui qui est devenu religieux, après avoir renoncé à une brillante carrière militaire. Il est allé s'enterrer dans ce monastère perdu, dans l'hémisphère sud.

— Oui, je me souviens de lui !

Naël se demandait bien où son père voulait en venir. Dreen sourit et reprit :

— Tu devrais aller le voir !

Stupéfait, Naël déclara :

— Tu veux que je traverse la moitié de la planète pour aller voir mon cousin ?

— Tu sais, ce n'est pas si mal d'être prêtre. Il y a des inconvénients, bien sûr, mais aussi quelques avantages. Le moindre n'étant pas de pouvoir voyager, partout dans la galaxie, sans contrôle. Un croiseur religieux, par exemple, n'est jamais abordé ou arraisonné. La plupart des nations planétaires ont signé un traité allant dans ce sens avec eux, même l'empire d'Ikos. Ce qui est étonnant !

Naël, qui comprenait enfin, répondit avec émotion :

— Un très long voyage !

— C'est vrai, mais tu as besoin de te changer les idées.

Sur cette phrase, il embrassa son enfant, et aussi Lita, qui, enfin calmée, s'endormait, dans les bras de son parent. Il ajouta avant de sortir :

— Si tu pars, tu devras te trouver un régisseur ; tu veux que je t'aide ?

— Si je pars en voyage, papa, je vendrais la ferme !

La tristesse fondit sur le Ministre. Il l'étreignit doucement, en murmurant :

— Tu vas tellement me manquer !

Il les embrassa, puis se redressa. Il lui adressa un dernier sourire, et enfin sortit de la demeure de son enfant et Xavier rentra dans le salon.

*****

Le rebelle d'Ikos s'approcha de Naël. Il se mit à sa hauteur, puis dit :

— Je suis désolé, mon amour !

L'être-double lui sourit, avant de demander :

— Où étais-tu ?

— L'alarme ne s'est déclenchée que pour la deuxième navette ! J'étais de l'autre côté de la propriété vers la serre numéro dix. j'ai fait aussi vite que possible.

Il prit sa main et ajouta :

— Je ne sais pas exactement ce qui s'est passé, mais j'ai cru comprendre que Lita avait été menacée ?

— Oui, par l'aide de camp d'Auker, son Colonel, il a agi sans ordres.

— Mais ? Cela n'arrive jamais, je veux dire à part moi.

Il était étonné. Puis il décida de s'en préoccuper plus tard. Il demanda :

— D'après ce que j'ai entendu, ton père a tout compris ?

— Je n'ai jamais su lui mentir.

Xavier cilla. :

— Ton père m'a offert une porte de sortie, pourquoi ?

— Parce qu'il me fait confiance. Il sait que si je t'ai choisi, c'est que tu en vaux la peine.

Il ajouta en soupirant :

— Mais atteindre l'île d'Owag demandera des mois ! Il faudra éviter, les grandes agglomérations, les aéroports, les astroports. Donc emprunter les bateaux, les petites routes, et s'approvisionner dans les villages. Mon père ne m'a rien précisé, mais je pense que les contrôles seront maintenus quelque temps. D'où son conseil d'utiliser la voie religieuse.

— Je n'y aurais jamais pensé moi-même. Dis-moi, tu étais sérieux quand tu as dit, que tu voulais vendre ta ferme ?

— Très sérieux.

Un bruit de navette qui décollait, les alerta de brèves secondes. Naël se leva, posa Lita dans son berceau, puis alla se poster devant la fenêtre. Il vit la seconde navette décoller, l'autre était déjà loin. L'hermaphrodite se demanda : "Est-ce la fin de nos ennuis ?" Il l'ignorait. Il se dit donc : "En tous les cas, c'est toujours ça de pris !"

Il retourna auprès de Xavier, qui lui dit :

— Tu m'accompagnes alors ?

— Tu y vois un inconvénient ?

— Naël, tu feras de moi le plus heureux des hommes, mais c'est un voyage long et périlleux. Tu dois bien réfléchir. Pense à ta petite Lita !

L'hermaphrodite le contempla, avant de répondre :

— Quand j'ai épousé Quaïtir, j'ai renoncé à trois choses : Ma boutique de vêtements préférée, une carrière au Ministère de l'Économie, où mon père m'avait réservé un poste et enfin une multitude de demandes en mariages, venant d'hommes beaux et riches, qui mettaient leur fortune à mes pieds. Je l'ai fait sans hésiter, sans me retourner, et je ne l'ai jamais regretté ! Tu sais pourquoi ? Parce que j'ai fait le choix de l'amour. J'ai gagné des trésors inestimables, comme ma petite Lita. Aujourd'hui, je fais aussi le choix de l'amour et je peux te garantir, que je ne regretterai rien non plus.

Il prit la main de l'homme dans la sienne. Xavier en avait les larmes aux yeux ! Il parvint à dire :

— Ce que je peux t'aimer, toi.

— Moi aussi, éperdument. Ils partagèrent un tendre baiser.

Ensuite, Naël s'écarta légèrement de son amant et ajouta :

— J'ai une autre raison pour t'accompagner, bien-aimé !

Il posa la main large de l'homme sur son ventre. Il révéla ensuite :

— Je veux que tu connaisses ton enfant.

La navette était partie depuis cinq bonnes minutes, quand Auker, agacé par le mutisme de Dreen demanda à brûle-pourpoint :

— Vous avez parlé à votre enfant ?

— Oui !

La réponse était sèche et inamicale. Pourtant, le Général insista :

— Alors ?

— Rien ! Apparemment notre informateur s'est fourvoyé. Il ne ressort de tout ceci, qu'une immense frayeur pour mon enfant et une tentative d'assassinat sur ma petite-fille !

— Il ne l'aurait pas vraiment fait.

Dreen objecta durement :

— C'est vous qui le dites, pour ma part je l'ai trouvé déterminé.

Le Général rétorqua :

— Je sais que l'attitude de mon officier, est très discutable, mais cela aurait pu marcher.

— Dans la mesure où mon enfant n'a rien à se reprocher, j'en doute.

Il y eut un court silence, brisé par Dreen qui dit :

— Pour moi, l'affaire est close. Si vraiment votre fugitif a échoué dans le secteur, il est mort de froid quelque part. Dans ce cas, son corps sera retrouvé, quand le dégel sera bien avancé. Nous vous enverrons alors sa dépouille mortelle.

- Vous suspendez les recherches ?

- Elles seront maintenues une dizaine de jours encore. Ensuite seuls les aéroports et les spatioports, seront étroitement surveillés. Si votre homme a survécu, il voudra quitter Espar, le cas échéant, nous le coincerons à ce moment-là

— Pouvez-vous m'affirmer que tous les bâtiments, qu'ils soient civils où militaires, seront fouillés de fond en combles, et les identités vérifiées ?

— Nous serons efficaces !

Auker soupira :

— Je devrais m'en contenter....

Le ministre le fusilla du regard, sa voix claqua sur un ton sans appel :

— Soyez certain que vous évitez le pire ! Et, pour que nos gouvernements gardent de bonnes relations, je ne saurai trop vous conseiller de ne pas vous attarder sur Espar. Ne croyez pas que le président et les autres membres du gouvernement, ne seront pas d'accord avec moi.

Le Général ne répondit pas. Qu'aurait-il pu dire ? Dreen avait raison, c'était terminé. La faute du Colonel avait anéantie toute chance de récupérer X212, dans l'immédiat au moins.

Le Général ferma les yeux, il contacta son croiseur. Il transmit : "Préparez le vaisseau pour le retour sur Ikos."

Ce fut tout. Le court trajet en navette se poursuivit, dans un silence total...

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