Avec Adélie

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J'ai dû rester immobile de longues minutes sur le lit de ma grand-mère, en train de réfléchir à toute vitesse. Maman, maman, maman. Qui sait seulement ce qui a pu lui arriver ? Où pouvait-elle être ?

Adélie doit savoir. C'est sa mère après tout, elle lui a forcément dit quelque chose...

En me levant trop vite, je dois réprimer un gémissement de douleur. Mes jambes sont trop engourdies, elles me font mal mais je m'en fiche, je dois voir si elle est rentrée du marché.

  • Apolline ? Viens m'aider à ranger, ma puce.

Au lieu de répondre, je serre les dents, furieuse.

Nous rangeons les courses, muettes, nos mains se frôlent tandis qu'elles alternent entre fruits frais et produits laitiers.

  • Est-ce que ça va, ma chérie ? Tu es bien silencieuse aujourd'hui, remarque-t-elle.

Si elle savait ! Je me mords la lèvre, surtout que je l'ai retrouvé dans sa chambre, mais...

  • J'ai trouvé son mot, lâché-je en tendant le bout de papier portant son message.

Les yeux de ma grand-mère s'arrondissent de surprise, avant de se plisser de colère et de tristesse :

  • Apolline ! Tu as fouillé dans ma chambre ?
  • Je la rangeais ! Et je te signale que tu m'as caché l'existence de cette lettre pendant trois ans... Comment as-tu pu ? Pourquoi ?

Elle soupire, se passe une main dans ses cheveux gris clair, l'air las et peiné. Mais ça aussi, je m'en fiche, pourquoi elle ne me répond pas ?

  • Calme-toi, ma chérie.
  • Ne m'appelle pas comme ça !

Maman... Elle me surnommait ainsi, quand elle était fatiguée de mes caprices et qu'elle voulait me faire dormir. Ma pauvre mère...Ma voix gonfle maintenant, mes yeux brûlent de larmes contenues. Merde quoi, c'est sa fille ! Pourquoi Adélie ne me dit rien ?

  • Qu'est-ce qui lui est arrivé ? Dis le moi ! exigé-je, la voix hoquetante.
  • Assieds-toi.

Son visage ridé par les années semble se friper comme de la dentelle. Elle appuie sur mes épaules pour me faire asseoir sur une chaise accolée au mur.

  • C'était la décision de ta mère de partir, tu sais, fait-elle valoir, le regard vague.
  • Partir où ?

Elle secoue la tête.

  • Je ne peux pas te le dire. Je ne suis pas sûre de le savoir moi-même...

Je me lève, la poitrine en feu, le regard cinglant. J'ai sur la langue comme un goût amer d'insultes de plus en plus difficiles à retenir. Pourquoi ?

Ces trois dernières années, j'ai fait de mon mieux pour ne pas me mettre en colère ni pleurer sur ma situation. Mais ce mot, le refus obstiné de ma grand-mère de m'expliquer quoi que ce soit... Je n'en peux déjà plus. J'ai quinze ans ! J'ai fini mes classes, je ne suis plus une gamine, pourquoi ne veut-on toujours rien me dire ? Pourquoi devrais-je supporter les moqueries des autres si je ne peux même pas retrouver ma mère ? C'était aussi pour elle que je m'étais résignée à rester ici. À l'attendre.

Alors, à quoi tout ça aura-t-il servi ? Qu'ai-je fait de mal ?

  • J'vais aller marcher.
  • Apolline, reviens...

Avant d'entendre le reste de sa phrase, je sors en claquant la porte.

Marre d'elle, marre d'eux. Marre de tout.

Reviens, je t'en supplie.

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