Maman

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Je n'ai jamais su ce que ça faisait d'avoir des frères ou des soeurs. Pour cause : je suis la fille d'une mère qui n'avait même pas quinze ans quand je suis née. "Une fille des rues", disaient les enfants à l'école, en rigolant un peu puisque c'est un gros mot.

Pourtant, maman n'était pas une mauvaise personne, loin de là. On allait à l'église du village le dimanche, on respectait le carême et on n'oubliait jamais de faire l'aumône.

Mais ça ne suffisait pas pour qu'ils arrêtent de me regarder de travers, les parents qui prenaient leurs gosses par la main quand je m'approchais. Ils ont fait ça dès mon entrée à l'école, à mes six ans, parce que tout le monde connaissait son métier.

Tous se moquaient de sa couleur de cheveux - parce que le roux, c'est la "couleur du Diable"- ou sur son nom de fleur. D'autres me regardaient avec pitié. J'étais gamine, ça ne me faisait pas grand-chose alors, parce que je ne comprenais pas ce qu'elle pouvait bien faire de si mal. Pour moi, elle partait de temps en temps en semaine, où j'étais alors gardée par Adélie jusqu'à son retour.

Je n'ai jamais été dérangée par ces départs ; Adélie, ma grand-mère, prépare de si délicieux gâteaux de toute façon ! Et puis, une maman est une maman. La mienne avait beau être un peu brusque de temps à autre, elle restait celle qui me caressait les cheveux quand je faisais des cauchemars ou qui m'achetait de belles poupées pour mes anniversaires. C'est vrai qu'en grandissant, je me suis un peu éloignée d'elle, avec ses absences nocturnes qui se prolongeaient et les regards de connivence que se jetaient les hommes entre eux quand on partait faire les courses... Mais dans l'ensemble, même si elle me mettait mal à l'aise, on s'entendait très bien toutes les deux, entre rires et disputes, câlins et encouragements.

Et pourtant, un jour, l'impensable est arrivé.

Lorsque j'ai eu douze ans, elle est partie, m'a laissée avec Adé et n'est jamais revenue. Sans même un mot pour moi...

Du moins, c'est ce que j'ai cru pendant longtemps.

"Apolline,

Quoi que tu fasses, ne fais jamais la même erreur que moi. Reste à l'école et étudie bien. Trouve-toi un bon travail et, je t'en supplie, ne tente pas de me retrouver. Cela ne te causerait que des ennuis."

Le problème ?

Ça fait maintenant trois ans que ce message moisit ici. Ma grand-mère ne me l'a jamais donné, tout comme elle ne m'a jamais fourni d'explications... C'est en faisant le ménage que je viens de mettre la main dessus.

Je ne sais pas quoi faire.

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