25 - Damian

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Damian

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   Il y a beaucoup de façons d'humilier quelqu'un dans la vie. Comme je suis un expert en la matière, je pourrais en citer une bonne dizaine, mais aucune n'atteint la honte de celle-ci.

Comme quoi, comme l'a dit Donni, la roue finit par tourner, et par écraser les gens qui en abusent.

Ce matin, Donni m'a conduit chez un tatoueur, qui après m'avoir largement anesthésié à coup de tranquillisant, a pu me tatouer l'emblème des Cortez sur la nuque. Le même que ma sœur, le même que H, un C stylisé et fin, qui pourrait presque passer inaperçu pour quelqu'un qui ne nous connaît pas.

Je l'ai vu me fixer, durant toute la durée de l'encrage, attendant la faille, attendant la déchéance : elle n'est pas venue. S'il croit que je vais craquer pour ça, il se met le doigt dans l’œil, et jusqu'au cerveau.

Puis, ça a été le nouveau coup de seringue dans le cou – sommeil de plomb.

Je me suis réveillé il y a peu, dans une sorte de salle d'interrogatoire dépourvue de table ou de chaise, Donni à mes côtés, encore et toujours.

Il a osé me demander comment j'allais, si je ne me sentais pas trop nauséeux.

J'ai simplement craché à ses pieds. Il n'a rien rétorqué, et m'a simplement informé de la venue prochaine de ses ''collaborateurs'', pour un examen en règle de son produit.

C'est au ralenti que j'ai compris que par ''produit'', il parlait de moi.

Alors, nous en sommes là. Toujours dans la même salle, trois hommes sont apparus, ont salué Donni avec une familiarité déconcertante, avant de se tourner vers moi.

Tous les trois ont entre trente et quarante ans, se ressemblent un peu avec leurs cheveux sombres coupés courts et leurs peaux noires encrées à outrance.

L'un d'eux a haussé un sourcil en me voyant.

— Tu l'a choppé à la sortie du collège celui-là ?

— Première année de lycée, le corrige Donni avec un rictus amusé aux lèvres. Quatorze ans.

— Il pourrait plaire à ma clientèle, mais non. Il est trop... jeune. Là pour le coup, je peux pas.

— T'as de l'éthique maintenant ?

— Il a un an de moins que mon fils. Je me retire des propositions. Les gars, je vous le laisse.

Nos regards se sont croisés, puis il a quitté la salle, sans un mot, sans un regard en arrière. Ne pas m'acheter, ok, mais me laisser en pâture à ses deux comparses moins scrupuleux, c'est ok ? Quelle ironie, la roue du karma ne pourrait-elle pas le renverser lui aussi ?

L'un des deux hommes restants me fait lever d'une main sous le menton, et commence à inspecter mon visage sous toutes les coutures.

— Très beaux yeux, note t-il. C'est rare un vert aussi clair. Il a un joli visage, ouais.

Son acolyte hoche la tête, et s'approche à son tour pour détailler mes cheveux, mon cou.

— Déshabille-le, ordonne t-il à Donni.

C'est là, que l'humiliation commence vraiment. Celle de se retrouver dévêtu devant deux inconnus – trois si on compte Donni – qui me reluquent, me détaillent et m'analysent comme un simple morceau de viande sur un marché. Je gronde au début, tente d'échapper aux mains de Donni qui me retirent tee-shirt et jean, en vain. Niveau force physique, je n'ai pas la prétention de lui arriver à la cheville.

On me tâte, on me fait tourner, l'un d'eux prend mes mensurations, l'autre inspecte mes muscles.

J'ai le ventre noué, mais rien d'aussi alarmant que ne devrait engendrer ce genre de situation.

Ces hommes sont en train de m'évaluer pour m'acheter, et à la façon qu'ils ont d'insister sur mon corps, je me doute du trafic dans lequel je viens d'atterrir. Je devrais être terrifié, hors de moi, supplier qu'on me laisse tranquille, qu'on me laisse partir. Mais non.

Ce qui me rassure au fond, ce qui me porte et me garde debout, c'est de penser à Ariana. À l'heure qu'il est, elle doit déjà être sur ma trace, c'est obligé. Elle va me retrouver, et buter Donni.

C'est pour ça que je reste droit et fier : je n'ai pas peur.

Pas encore.

— C'est vraiment un beau bébé que tu nous ramènes là Don, sourit un homme en prenant mon visage entre ses mains. Expérience ?

— Plutôt ouais, une bonne petite salope ce gamin-là.

Je gronde, montre les dents, et m'attire le rire amusé du second homme.

— Du caractère en plus, j'adore. En plus il est marqué, c'est parfait, ça augmente la valeur. Tu as dû galérer pour le trouver.

— On va te le prendre, finit par trancher son acolyte. Une pépite comme ça, qui passerait à côté ?

Quelqu'un avec un minimum de dignité et de respect pour l'être humain, je pense en le regardant tendre une liasse de billets à mon geôlier.

Je bats des cils, les regarde rire et discuter, tout en me rhabillant.

Je viens d'être... vendu ?

Et moi qui pensais que ce genre de chose n'arrivait que dans la fiction, que dans les mauvais films ou les séries B.

Un instant, mes yeux convergent vers la porte, l'unique porte de la salle : elle n'est pas verrouillée, je le sais. Il me serait facile de l'atteindre en courrant, mais pour aller où ? 

Mon coeur se tord : je n'ai pas d'issu. 

Donni échange une poignée de main ferme avec son acheteur, fait la même chose pour son acolyte, avant de se tourner vers moi. Grand de taille, il se baisse un peu pour pouvoir me parler en face, et m'adresse un sourire triomphant.

— Y vois rien de personnel Dam, vraiment, j'ai bien aimé travailler avec toi.

— T'es qu'un fils de pute Donni. Je te souhaite de crever la gueule ouverte.

— Et moi de bien t'amuser. Toi qui aimes le cul, tu vas être servi.

Il me tapote la joue, m'ébouriffe les cheveux avant de se redresser pour quitter la salle. Resté seul avec mes deux nouveaux ''acheteurs'', j'essaye de relativiser.

Cependant, à la façon qu'ils ont de me fixer, de rire en me relevant et en me poussant dans un couloir sombre et étroit, je comprends que je devrais vraiment commencer à m'en faire. Arrêter de rester fixé sur une idée, un espoir, qui n'est peut-être pas fondé.

Mon estomac fait un salto, ma gorge se serre, et mon cœur s'emballe.

Reste calme, Ariana est en route. Tout va bien.

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