14 - Rafaël

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Rafaël

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   Je suis intimement persuadé que Ariana a comploté contre moi. Qu'elle a tout orchestré afin de me mettre dans la panade, car elle était au courant, que je détestais cette activité.

Les courses, encore et toujours.

Sauf qu'aujourd'hui, au lieu d'être seul face à mon caddie avec ma liste, j'ai en plus deux petits boulets aux chevilles, qui s'arrêtant à chaque rayon pour cacher des articles qui ne figurent pas sur ma liste.

— Mikky, non, je le reprends en sortant un paquet de barres chocolatées.

Je lui agite le paquet sous le nez, et le replace dans le rayon, avant de reprendre ma route, les yeux rivés sur la liste.

Deux activités s'offraient à moi cet après-midi : les courses avec les jumeaux, ou bien la virée chez le coiffeur pour Damian et Samuel. Autant dire qu'à la dernière minute, ma petite amie s'est rappelée qu'elle rêvait depuis longtemps de se faire décolorer la pointe des cheveux.

Arnaqué sur toute la ligne, double peine pour moi : courses, et jumeaux.

— Allez Raaaf, s'il te plaît ! Juste un paquet, on dira rien à Ariana.

— Danny, je viens de dire non à Mikky, alors c'est non pour toi aussi.

Il gonfle les joues, et croise les bras avant de partir, vexé.

Il leur reste une semaine de vacances, et nous ne cohabitons que depuis peu, mais eux comme moi n'en pouvons déjà plus de la vie commune. Damian ? Passe encore, c'est un gamin, mais un gamin qui se croit adulte, et qui agit donc en conséquence. Entre ses clopes et son café, il pense faire illusion, et moi ça me va bien. Les jumeaux en revanche... ils me donnent envie de m'arracher les cheveux. Pour le choix du programme à la télévision, ils se hurlent dessus. Pour le service à table, ils crient, se frappent même parfois. Mikky court tout le temps, Danny se la joue savant à toujours ramener sa science, alors que bien souvent ce qu'il avance est totalement faux.

— Je te garantis que si tu oses toucher à ce paquet de mini-saucisses, je t'abandonne dans ce magasin.

Mon grognement fait mouche : Danny s'éloigne du petit paquet en traînant des pieds, grommelant quelque chose en espagnol qui doit relever de l'insulte.

— Et si tu veux me pourrir, t'es mignon tu le fais dans une langue que je comprends ?

— Ta gueule.

— Quoi ?!

Éberlué, je le fixe, et il se couvre la bouche de la main, visiblement étonné d'avoir parlé à voix haute.

Je le fusille du regard, et m'en veux presque immédiatement. Ses yeux se gonflent de larmes – de crocodile – et il se met à sangloter au milieu du rayon.

Je suis à deux doigts d'appeler Ariana pour lui demander de venir récupérer ces deux horreurs, mais me retiens. Il me faut assurer, montrer que je suis capable de les gérer.

Au bout du rayon, une silhouette se rapproche de nous, et avant que je n'aie pu réagir, l'individu se baisse pour inspecter l'état de Danny.

— Pourquoi tu chiales ? Arrêtes un peu, on dirait une fillette.

Le petit cesse presque instantanément de se donner en spectacle, et offre un large sourire à l'homme.

Ou plutôt, il offre un grand sourire à H. Danny l'étreint, et Mikky le salue d'un large sourire, avant de venir lui offrir un câlin.

L'aîné des Cortez se redresse pour se tourner vers moi, et m'inspecte d'un œil critique, avant de me tendre la main :

— Rafaël je présume ?

Autant je connais tout de lui par le biais de mon enquête, autant je ne m'attendais pas à ce qu'il me reconnaisse, et surtout qu'il connaisse mon nom.

— C'est ça. Hugo ?

— H, mais ouais.

Je serre énergiquement sa main, constate une poigne forte et puissante, puis je le détaille un peu. Il ressemble aux photos que j'ai de lui, avec un air plus avenant. Après tout, nous sommes dans le cadre public, cela explique peut-être son sourire.

Voyant que je m'interroge, il ajoute avec un rire :

— Samuel et toi, vous avez les même yeux, et il a déjà parlé de toi à certains de mes gars. Dam aussi m'a pas mal vendu tes mérites.

Entendre le nom de mon petit frère dans la bouche de ce chef de gang me fait étrange. Un peu comme si un tueur en série parlait de dessins animés, deux choses qui ne devraient pas se retrouver au même endroit, au même moment.

— Tu connais mon petit frère ?

— Pas personnellement, mais comme il est bien pote avec le mien, je l'ai déjà aperçu, et puis il était à la soirée d'Halloween chez Julio. J'y suis passé en coup de vent, je l'ai vu là-bas.

Je hoche pensivement la tête, et apostrophe Mikky, qui s'éloigne discrètement du chariot pour rejoindre un autre rayon ; H m'observe faire, et m'adresse un regard interrogateur.

— Je suis baby-sitter pour l'après-midi, je marmonne.

— Bon courage mano, ils sont teigneux. Peut-être pas plus que Dam, mais quand même. C'est Ari qui t'a missionné ?

Un instant, je réfléchis à mes options : lui avouer que je sors avec sa sœur, et prendre le risque qu'il le prenne mal, ou bien jouer la carte du simple voisin généreux, avec la possibilité qu'il découvre la supercherie en un tour de main.

— Je vis avec elle donc, on se partage les tâches.

— Ah ouais ? Depuis quand ?

Il a plutôt l'air de bien prendre l'information, mais je reste méfiant.

— Une semaine environ.

— Cool, sourit-il en se massant la nuque. J'ai pas besoin de te faire le speach du grand frère qui s'inquiète pour sa petite sœur, mais rappelle-toi seulement que j'ai une jolie collection de flingues à la maison.

Il rigole, fait passer ça pour une simple plaisanterie, mais la menace reste là : humour ou pas, ce qu'il dit est véridique.

Je me contente de rire avec lui, et m'apprête à repartir, lorsque contre toute attente, il me propose d'un air détaché, de se joindre à lui et ses ''hermanos'' pour une bière entre mecs.

— Si t'es avec Ari, t'es de la famille, lance t-il d'une voix grave.

— Ouais euh... pourquoi pas ?

— Perfecto ! Dam devait venir, viens avec lui. Et emmène tu hermano. On va se marrer.

Il réajuste son tee-shirt, et me tape gentiment l'épaule, avant de m'adresser un dernier sourire mielleux.

— On se voit ce soir alors ? Ramène des bières cunado !

Il s'éloigne, et je me penche vers les jumeaux, qui m'observent d'un drôle d'air. L'un est sceptique, l'autre ahuri.

— Quoi ?

— Il propose pas à beaucoup de gens de picoler avec lui, m'explique Danny.

— Oh, alors je devrais me sentir honoré ?

— Hum, ouais.

Je soupire, et reprends ma route, dépité.

C'est à la fois une bonne nouvelle pour l'enquête que je mène, et un désastre pour ma vie sentimentale : Ariana va me tuer, et la connaissant, elle ne fera pas dans la dentelle.

   Sur le départ pour la ''petite bière'' avec H et ses hommes, je constate le regard furieux de Damian braqué sur moi, alors qu'il enfile ses baskets. Ses yeux sont comme deux revolvers qui me fusillent à chaque mouvement, et après l'épisode chaotique du retour des courses, où les jumeaux m'ont tout bonnement balancé, je ne me sens pas d'affronter un autre Cortez.

Il n'appréciait déjà pas que je sorte avec sa sœur, mais alors marcher sur ses plates-bandes au sein du gang, sacrilège.

— Tu comptes arrêter de me regarder comme ça ?

— Et toi, tu comptes arrêter quand d'empiéter sur ma vie ?

Il me crache ça avec mauvaise humeur, alors je préfère ne pas relancer, et laisser couler.

Samuel, très solidaire, a décidé de ne pas nous accompagner. Il préfère rester aux côtés de Ariana qui doit ce soir lui apprendre à faire des tortillas. Une bonne excuse, lorsqu'on sait que la véritable raison est que H lui fout une peur bleue.

En parlant du loup, il descend les escaliers, et étreint l'épaule de Damian, qui s'adoucit presque aussitôt.

— Tu surveilleras Raf ?

— Pardon ? Si l'un de nous doit bien surveiller l'autre, ce serait plutôt l'inverse non ?

— Tu insinues quoi là ?

— Que c'est pas moi qui ai retapissé la salle de bain de l'étage après une soirée déguisée.

Grondement sourd, Samuel le prie de rester calme et lui passe une main dans les cheveux.

Depuis qu'il est revenu la semaine dernière, il ne fait que ça : être tactile, tourner autour de la petite peste, lui faire de grands sourires dégoulinant de miel. Même chose de l'autre côté, avec l'aspect cucul en moins. L'amour se manifeste différemment selon les individus, Samuel et Damian en sont les preuves personnifiées.

Hier matin, Ariana a osé me dire que leur ''amitié'' était très ''fusionnelle''. J'ai failli lui demander si par ''fusionnelle'' elle entendait la langue de mon frère dans la bouche du sien, mais me suis abstenu. Après tout, je n'aime pas avoir cette image dans la tête, alors autant ne pas la lui imposer.

Damian termine de lacer ses baskets avant de se redresser, et de partir vers la porte d'entrée d'un bon pas.

Il tape du pied, marque son impatience à la façon d'un gosse pourri gâté que j'ai l'espace d'un instant, envie de placarder au mur, avant de me calmer. Rester calme : il est visiblement la coqueluche de son frère et des membres du gang, alors je dois bien me comporter avec lui, au moins ce soir.

— À tout à l'heure, je lance à Samuel en lui ébouriffant les cheveux.

— Oui à toute ! Dami, peace and love !

Damian lui répond d'un sourire et d'un « Je vais essayer » peu engageant, avant de quitter la maison.

Je le suis d'un bon pas, après avoir remarqué son désir à peine dissimulé de me semer.

— Tu sais, je lui lance en le rejoignant. Il va vraiment falloir qu'on apprenne à se tolérer. Et crois-moi, ça me fait pas plaisir non plus.

— Pourquoi ne pourrait-on pas juste s'ignorer ? Tu l'as dis toi-même, ça t'arrangerait.

— Parce que ça risque de très vite devenir invivable pour tout le monde.

— Fallait y penser avant de venir poser tes valises chez nous. T'as encore une maison, et elle est juste en face. Libre à toi d'y retourner si ma présence te gène.

Il accélère le pas, et je l'imite pour pouvoir rester à sa hauteur.

C'est bien ce que je me disais ; il n'a pas du tout digéré que je concrétise ma relation avec Ariana. Pire que ça, il ne semble pas prêt à faire d'efforts pour adoucir la tension qui nous lie. Pour lui, je suis l'ennemi désormais. Et moi qui pensais que seul les grands frères s'inquiétaient du sort de leur petite sœur, je m'étais bien trompé. Néanmoins, s'il s'entête à jouer le frère possessif à outrance, je me devrais de l'imiter et me chargerai de garder une main mise sur Samuel. On verra bien qui craquera le premier.

— Damian, tu es bien avec mon frère, et je ne dis rien. Je n'approuve pas, mais je ne dis rien.

— Grand bien te fasse si tu aimes tout garder pour toi. Personnellement, j'ai pas l'habitude de garder ma langue dans ma poche.

— Hum, langue de pute un peu.

— Tu sais quoi, arrête de me parler, tu me gonfles.

Nous passons une bonne partie du trajet dans le silence. Lui gronde en marchant vite, moi je suis en espérant pouvoir trouver les mots qui sonneront juste à ses oreilles. Sa colère est sourde et dévastatrice, je me demande comment Samuel fait pour la contenir.

Nous arrivons chez son frère deux minutes plus tard, et je constate avant même d'arriver, la présence d'effluves d'herbe dans l'air, ainsi qu'une musique urbaine latine. Les voisins doivent être ravis, je pense en passant le portillon.

Tout un groupe d'hommes est éparpillé sur les marches, d'autres sur des chaises pliantes. En leur centre, une pile de bouteilles d'alcool et de bière, un large cendrier, et d'autres choses dont je préfère ignorer l'utilité.

— Holà el principe !

Un mec immense, du genre armoire à glace, se lève et vient entrechoquer son poing dans celui de Damian. Son visage est carré, l’œil imposant et en contraste avec sa peau sombre. Autant H peut paraître avenant, autant celui-là pourrait faire peur à John Wayne Gacy.

— Les gars, lance H en me désignant depuis le haut de ses marches, voici Raf, le nouveau mec de Ariana. Viens t'asseoir mon frère.

Je hoche la tête, salue les différents membres en tentant de retenir leurs noms, ou plutôt leurs surnoms, avant de déposer mon pack de bières au centre du cercle et de m'asseoir à proximité de H.

Damian m'a déjà oublié, en grande conversation avec celui que je localise comme étant Donni, le bras droit du chef.

— Alors Ariana vraiment ? s'enquit un type à ma gauche. T'as du courage gars.

— J'avoue qu'elle a un sale caractère, mais tout de même.

— Non, non. Putain H, il est pas au courant ?

L'aîné Cortez secoue la tête, et porte un joint à ses lèvres, le regard vague.

L'homme à côté de moi me sourit d'un air entendu, avant de me raconter comment Ariana, durant sa grande époque au sein du gang, a paralysé son ex petit-ami d'une balle dans la colonne.

Un frisson me parcourt, et je me hâte de cacher mes doigts, qui je le sens, commencent à trembler.

— Il avait fait quelque chose de grave ?

Rire nerveux général, regard fuyant de Damian.

— Un peu ouais, il a essayé de se taper Lina, sa frangine.

Un instant, mon monde reste figé. La vie continue, les paroles s'échangent et les impressions se donnent, mais je n'arrive pas à y participer.

Une sœur ? Mon dossier n'en fait pas mention. Je n'ai jamais entendu Ariana en parler, ni même Damian ou les jumeaux. Sur les photos, dans la maison, ils sont toujours quatre ou cinq, selon si H se trouve avec eux ou non.

Hugo surprend mon air ailleurs, et me donne un coup du bout de sa basket.

— Reviens parmi nous mec. C'est de l'histoire ancienne, pas la peine de te biler.

Facile à dire. Mes chefs ne vont pas être ravis que je sois passé à côté d'une telle information : on parle tout de même de la constitution initiale de la famille.

Instinctivement, je tourne la tête pour vérifier l'état de Damian qui un verre entre les mains, vient de descendre une quantité non négligeable de rhum brun.

Je fronce les sourcils, et n'obtient en réponse qu'un sourire narquois.

— Et alors mec, tu fais quoi comme job ? Tu deales ? T'as une tête de dealer.

— Pas du tout, je ris en m'essuyant le front du revers de la main. J'évalue les risques, ce genre de chose. Un peu barbant, mais ça paye bien.

Donni tchipe, secouant la tête avec désapprobation, et je le vois donner un coup de coude à Damian avant de lui désigner son sac à dos. Je n'avais même pas remarqué qu'il l'avait pris avec lui.

En un instant, tous deux se lèvent et disparaissent à l'intérieur de la maison, sous l'indifférence totale des autres membres.

Un type sur le trottoir nous apostrophe, et s'attire les exclamations de H et tous ses hommes. Crâne rasé, regard fier, le type remonte l'allée et salue tout le monde, avant de s'arrêter face à moi, un drôle d'air au visage.

— Wouah, el hermano de Samuel, sourit-il en me tendant la main. Julio, bienvenido.

Je la serre et le regarde s'asseoir à côté de moi. J'aimerais bien savoir comment ou plutôt pourquoi, tous ces types se rappellent du prénom de mon petit frère. Peut-être est-il plus en lien avec eux que ce qu'il m'a laissé entrevoir. Si c'est le cas, il va entendre parler du pays : entre mes recommandations à ce sujet, et notre propre tragédie familiale, il n'a tout simplement pas le droit de trop s'en approcher. J'accepte déjà avec douleur le fait qu'il ait Damian dans la peau, alors autant éviter qu'il devienne la coqueluche numéro deux des Cortez.

Mon portable vibre alors que je m'apprête à répondre à une question posée par Julio ; un message de Samuel, qui me picote l'épiderme et me perturbe un peu.

« Désolé de te déranger mais... Ariana est pas bien, elle vient de recevoir un truc chelou dans la boîte aux lettres. Je garde les jumeaux, Elle est sorti voir une amie à elle, Elena je crois. Damian est bien avec toi ? » - Samuel.

Mon cœur cogne plus fort dans ma poitrine. Je balaye l'assemblée du regard, et constate que Damian n'est pas ressorti de la maison.

— Ils font quoi à l'intérieur, Dam et Donni ?

Julio hausse les épaules, et s'allume une cigarette. Hugo l'imite, alors je décide d'aller vérifier par moi-même.

J'attends un peu, afin que ma manœuvre ne se remarque pas trop, et demande ensuite à aller aux toilettes.

— Salle de bain, la porte est dans le salon, me lance distraitement un type sur une chaise.

J'acquiesce, et me redresse pour rejoindre l'intérieure, où j'espère retrouver la petite peste.

Rien dans la cuisine, personne dans la salle à manger. Un léger bruit m'interpelle néanmoins, du côté du salon. Précautionneux, j'y passe la tête, et me fige en constatant Donni, acculant Damian contre un mur, un flingue sous le menton. Le gamin est blanc, mais je constate un regard dur, quelque chose de froid et de défiant, qui ne devrait pas avoir lieu d'être en ces circonstances.

Ne pas intervenir, écouter, rester calme. Mon sang bat fort à mes tempes ; à tout moment, ce type peut presser la gâchette, et pour peu que le flingue soit chargé, répandre la cervelle de Damian sur tous les murs du salon.

— Tu sais très bien que c'est hors de question, murmure le type en faisant remonter l'arme le long de sa mâchoire.

Pétrifié de peur, Damian ne bouge pas d'un millimètres, ses grands yeux verts voilés d'un rideau d'effroi. Au mouvement de l'arme, le masque est tombé, s'est fissuré avant d'exploser. La stabilité et le calme ont laissé place à la peur viscérale, celle de sentir le froid métallique contre sa peau, de dépendre du bon vouloir d'un type aussi peu avenant que Donni.

Ce dernier, un sourire tordu aux lèvres, presse le canon contre ses lèvres, et l'oblige à y laisser entrer le bout de l'arme. Je vois Damian lutter au début, refuser en serrant ses lèvres avec force, avant que le doigt de l'autre ne gars ne commence lentement à caresser la détente. Son geste me perturbe, c'en est presque trop lascif pour n'être qu'une simple intimidation. Un frisson de dégoût me remonte le long du dos, et je me mords l'intérieur de la joue pour ne pas grogner.

— Tu vas pas abandonner maintenant princesa ? Juste ça, et tu seras des nôtres. T'as pas envie de décevoir H... ? … ou Ariana ?

Hochement de tête tremblant de Damian, qui fait sourire l'autre. Il retire son arme, et l'abaisse avec lenteur, laissant le temps à sa victime d'en suivre la route.

— En tout cas, bravo pour ça, ajoute t-il en lui tapotant la joue d'une liasse de billet. T'es doué mon grand, lâche pas tout maintenant.

Il s'éloigne enfin de lui, et je recule de quelques pas, afin de feindre la coïncidence lorsque nous nous croiserons à l'entrée du salon.

Il émerge dans la pièce où je me trouve, et je l'interpelle d'un sourire :

— S'cuse, je cherche les toilettes.

— Au fond du salon mec, dans la salle de bain.

D'un hochement de tête, je le remercie et pénètre dans le salon où Damian s'est laissé glisser le long du mur. Les genoux contre la poitrine, il y a enfouit son visage, et tremble comme une feuille. J'ai l'impression qu'à chaque tremblement, ses genoux s'entrechoquent avec violence.

Je n'ai jamais eu de flingue dans la bouche, mais aucun doute que ça ne doit pas être une sensation agréable.

— Dam, tout va bien ?

J'hésite à lui avouer que j'ai tout vu, mais préfère attendre, voir s'il prendra l'initiative de parler de lui-même.

À l'entente de ma voix, il redresse légèrement la tête, et me coule un regard éteint, les yeux ternes.

Je me rapproche, et m'accroupis en face de lui, avant de poser une main sur son épaule. À mon grand étonnement, il ne se dérobe pas, et préfère inspirer en tremblant, les larmes au bord des yeux.

Je passe mon autre main dans ses cheveux, et attends un instant avant de lui proposer de rentrer. Lentement, il secoue la tête, et relève un visage humide vers moi.

— T'as rien vu, d'accord ?

Tremblement dans sa voix alors qu'il se relève, les jambes flageolantes, pour s'éclipser du salon après s'être essuyé les yeux.

Je comprends ce qu'Ariana voulait dire par le regarder s'autodétruire. À cet instant, que pourrais-je faire ? Il ne semble pas décidé à en parler, et il s'agirait de ma parole contre la sienne.

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