Chapitre 41 - Une tasse de thé chez Cendrillon

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Le valet, serré dans une veste noire en queue de pie avec des boutons dorés, fait pénétrer Javotte dans le salon du palais. La jeune femme se trouble à la vue de tant de splendeur. Des lustres en cristal pendent au plafond, décoré d’angelots peints sur une voûte céleste, aux nuages blancs. Le sol est carrelé, brillant, tandis que des meubles de style victorien, mais aux couleurs pastels (roses, vertes et bleues), se mélangent en un bel arc-en-ciel. Javotte s’installe délicatement sur un canapé au tissu fleuri, s’asseyant sur l’extrême bord, comme par crainte d’abîmer le sofa. Mal à l’aise devant tant de richesses, la jeune femme reste immobile, les mains croisées sur ses genoux, attendant son hôte. Elle patiente, regardant les tableaux peints aux murs, admirant les couleurs automnales des paysages contrastant avec les lourds rideaux de velours. Dire qu’il a suffi d’une citrouille et d’une chaussure de vair pour qu’une fille sans argent et famille réalise son rêve, pense Javotte.

Une porte s’ouvre dans un bruit de froufrou. Cendrillon, ses voilages ivoire dansant autour de ses jambes, s’assoit face à sa demi-sœur, une table de verre les séparant. Une domestique dépose dans des gestes délicats, un service à thé en porcelaine coquille d’oeuf, décoré de roses bleues.

— Merci, Rose-Rouge, dit gentiment la princesse.

Une fois seule avec Javotte, elle sert le breuvage de ses fines mains blanches. Une odeur de menthe sucrée envahit la pièce.

— Cendrillon, je sais que nous ne sommes pas très amies toutes les deux…

— Exact, acquiesce sa demi-sœur sans aucune méchanceté.

— Hum, Javotte toussote, tentant de s’éclaircir la voix. Crois-bien que si j’avais pu demander à quelqu’un d’autre je l’aurais fait, seulement…

— Oui ?

— Seulement, c’est de toi dont j’ai besoin.

La princesse boit une gorgée de son breuvage encore chaud, pose sa tasse sur le plateau et dans un geste inconscient place une main protectrice sur son ventre. Javotte le remarque aussitôt. Abasourdie la jeune femme ne peut s’empêcher de s’exclamer sur un ton jaloux.

— Tu es enceinte !

Cendrillon sourit.

— Oui, d’à peine quelques semaines. Seules quelques personnes sont au courant.

Javotte hésite à poursuivre la conversation sur le thème du bébé, mais son égoïsme reprend le dessus. À vrai dire le sujet ne l’intéresse pas beaucoup. Elle décide de parler de ce qui lui tient vraiment à cœur.

— Cendrillon, je suis désolée de te demander ça, mais il faut que tu me rendes service. Oublie toutes les méchancetés qu’Anastasie et moi avons pu te faire, s’il te plait.

La princesse réfléchit. Si elle veut être sincère avec elle-même, elle doit s’avouer qu’elle n’aime ni Javotte, ni Anastasie. Les deux sœurs, cruelles, se sont plusieurs fois moquées d’elle, l’humiliant, lui confiant les plus basses besognes à faire dans leur maison. Malgré tout, pour Cendrillon, le conte de fées s’est réalisé. Au bal, son regard bleu croisant les yeux verts du prince, un amour naquit que concrétisa un mariage où elfes et lutins partagèrent des parts de gâteaux fondants. Pour Javotte et Anastasie ? Rien de tout cela. Pas d’amis véritables, pas de fiancés et elles vivent toujours avec leur mère dans une maison sombre et bien trop grande pour trois personnes. Cendrillon a bon cœur. Elle décide de mettre sa rancœur de côté, de l’oublier. Elle adresse un sourire sincère à sa demi-sœur et interroge :

— Qu’est-ce que je peux faire ?

Alors, Javotte lui raconte tout, l’agression de Circella, l’enlèvement d’Anastasie, le chantage du chat et les projets de la sorcière. La princesse écoute, hoche la tête et finit par dire.

— La petite Alice peut venir quand elle le souhaite, le parc du château lui sera toujours ouvert. Le chat n’avait même pas besoin de marchander… c’est de bon cœur que j’accueillerai cette enfant.

— Et pour Anastasie, pourras-tu faire quelque chose ? implore Javotte.

Cendrillon lui tend une assiette de pâtisseries à la crème et au chocolat tout en expliquant.

— Que faire ? Je peux demander à quelques membres de l’armée d’essayer de neutraliser la sorcière et de délivrer ta sœur, mais j’ai peur que Circella ne tue tous ces hommes grâce à des sorts.

— Justement, réplique Javotte d’une voix timide, en parlant de magie… j’avais une idée…

— Oui, laquelle ?

— Je pensais que nous pourrions faire intervenir ta marraine la fée.

Cendrillon quitte le canapé Louis XVI où elle s’était installée et se dirige vers une des larges fenêtres de la pièce. Elle colle son front à la vitre froide, regardant au-dehors. Le feuillage des arbres s’agite sous le vent, quelques villageois, des paniers en osier à la main se promènent en direction du marché. Elle se retourne vers son invitée et dit :

— Sincèrement Javotte, je ne sais pas. Oui la Bonne Fée a de grands pouvoirs, cependant Circella est bien plus puissante et menaçante. Je tiens à Bédélia et ne souhaite pas qu’il lui arrive malheur.

— Mais sans elle, comment aider Anastasie ?! Et même l’armée que tu veux envoyer aura besoin de magie, affirme Javotte bien décidée à convaincre Cendrillon.

— Oui, peut-être, la princesse hésite. Je vais d’abord lui en parler. Rentre chez toi, je te rejoindrais plus tard.

— Merci Cendrillon, soupire Javotte reconnaissante.

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