Chapitre 24 - Visite de Merlin à Pétunia

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Le lendemain matin, un brouillard vaporeux cache le village. La nouvelle du décès du chasseur a déjà circulé dans tout le bourg. Aussi, lorsque Merlin vient voir le cercueil avant de se rendre chez Pétunia, un attroupement de curieux et d’amis, veille le mort. Le centaure Crégor, tient la main tremblante d’Agatha dans la sienne, alors que le chaperon rouge sanglote ouvertement dans les bras d’Angéline. Le regard de cette dernière ne peut se détacher du corps de son mari.

Des anonymes ont déposé des gerbes de lys, tandis que d’autres, étrangement, ont mis des potirons transformés en lanterne, autour du cercueil. Merlin contourne tout ce petit monde, se faisant discret, et ses pas l’amènent chez les sœurs Sinistrel.

(Décidément, on entre chez les sorcières comme dans un moulin !)

— Pétunia Sinistrel ! tonne Merlin.

Pas de réponse.

L’Enchanteur ne voulant pas s’égosiller en vain, décide de faire le tour du château afin de découvrir la magicienne. Il traverse le couloir, puis de spacieuses pièces vides, pour finalement se retrouver à nouveau dans le hall. Entendant comme des bruits de souris, il entrouvre une porte à gauche du grand escalier et fait face au derrière de Pétunia ! L’Enchanteur se trouve dans la cuisine. Le frigo est entrebâillé et la tête en plus de la moitié du corps de la sorcière disparait dedans.

Merlin étouffe un gloussement.

— Euh Pétunia ?!

Cette dernière, surprise, sursaute, agitant son fessier, serré dans une robe qui la boudine. Lorsqu’elle se retourne, elle porte dans ses bras, un reste de fond de tarte au citron, dont des miettes traîtresses bordent encore ses lèvres. À la vue de son ennemi, la sorcière déglutit avec peine.

— Que fais-tu là ?

— Moi aussi je suis ravi de te voir, s’amuse Merlin.

D’un coup de pied, la magicienne ferme la porte du frigo.

— Qu’est-ce que tu veux ?

— Tu ne devines pas ?

— Thomas ? grogne Pétunia.

— Oui, pourquoi as-tu fait cela ?

— Parce que je suis une sorcière. Je suis méchante, c’est dans ma nature, répond-elle en faisant la coquette.

— Pas de fariboles avec moi s’il te plaît ! Je veux la vérité.

L’Enchanteur s’installe sur une chaise peinte en vert pomme, accolé au mur. De sa baguette, il fait jaillir deux verres de citronnade avec glaçons qui se posent sur la table ronde d’une couleur assortie aux sièges.

— Assieds-toi face à moi, Pétunia, je suis certain que ta part de tarte passera mieux avec une boisson fraîche.

L’ensorceleuse s’installe, soupçonneuse.

— Où est ta charmante sœur ? demande l’Enchanteur d’une voix affable.

— Elle suit une formation et ne rentrera que dans quelques jours, répond la sorcière de mauvaise grâce.

— Vraiment ? Et qu’apprend-t-elle ?

— Des astuces pour devenir encore plus méchante.

Merlin glousse :

— Voilà quelque chose d’utile et intéressant. Je suis persuadé que cela doit lui plaire.

Pétunia hausse les épaules, indiquant qu’elle n’en sait rien, ou alors qu’elle s’en moque.

— Vous êtes là pour Thomas, pas pour ma sœur… donc, venons-en au fait.

— Thomas est mort, dit simplement le magicien.

— De toute évidence.

— Pourquoi l’avoir tué ?

— Je suis méchante, je n’ai pas besoin de raison.

— Circella est ainsi, pas toi. Ta sœur est cruelle, elle aime le mal. Toi aussi, mais dans une moindre mesure. J’ai pu remarquer que tu étais plus dans la taquinerie… comme une enfant mal élevée et trop gâtée.

Pétunia commence à se trémousser sur sa chaise.

— Et ?

— Je pense que Thomas a fait quelque chose qui t’a contrarié et que tu as décidé de le punir. Seulement, je n’arrive pas à savoir comment ce pauvre garçon a pu te déplaire.

— Qu’est-ce que ça peut bien faire ? s’énerve la sorcière. Il est mort, c’est tout ce qui compte.

— Non, justement, lui est-il rétorqué d’une voix douce, je voudrais le sauver.

— Pff, souffle Pétunia dédaigneusement. Il n’y a plus rien à faire.

— Nous vivons en harmonie avec la magie, il y a toujours un contre sort. Dis-moi lequel.

— Non !

Merlin trempe les lèvres dans son breuvage quelque peu acide et reprend sur le ton d’une banale conversation :

— Un moment, j’ai pensé que tout ceci pouvait avoir un lien avec la prophétie, mais je ne saisis pas le rôle de Thomas.

— La prophétie ? ! la sorcière fait mine de ne pas comprendre.

— Ne me fais pas croire que tu ignores de quoi il s’agit ! s’agace le Magicien. Toi et ta sœur l’avez volée ! Vous savez que vous allez mourir !!!

Se levant brusquement, Pétunia laisse tomber la chaise derrière elle. Son visage est empreint de peur et haine mélangées.

— C’est faux, la prophétie le raconte, mais je ne le permettrais pas !

Merlin se met debout et réplique calmement :

— Il n’y a aucun moyen d’empêcher ce qui doit arriver.

— Je ne veux pas mourir, pleure la sorcière, sauve-moi !

— Dis-moi ce qui s’est passé avec Thomas, et comment le secourir, alors seulement je t’aiderai.

— C’est vrai ? demande Pétunia envahie d’un nouvel espoir.

— Oui.

— Bon, alors dans ce cas… le loup a volé la prophétie pour Circella et moi. Nous avons découvert que nous allions perdre la vie, mais sans savoir quand et comment. Ma sœur n’a pas l’air horrifiée par tout ça, mais moi si. Je me suis dit que s’il n’y avait rien à faire pour changer cela, je souhaitais au moins vivre certaines émotions…

— C’est-à-dire ?

— Plus jeune, j’ai aimé…

Merlin relève un sourcil, ne pouvant cacher sa stupéfaction… puis soudain il comprend.

— Thomas ?

— Oui, j’ai toujours cru qu’il aurait pût avoir des sentiments pour moi, s’il n’avait pas rencontré Angéline… et là, de savoir que je pouvais mourir n’importe quand… je ne sais pas, j’ai voulu en avoir le cœur net… peut-être ai-je eu envie de connaître la douceur d’un baiser.

— Et ?

— Il m’a rejetée ! J’ai même menacé sa fille de mort, mais rien n’y a fait !!!

Pétunia braille son humiliation, sa peine, sa colère, sa douleur.

— Et pour le punir de ne pas t’aimer, tu l’as tué.

— J’ai eu plaisir à faire en sorte que ce soit son meilleur ami qui lui donne le coup fatal ! ricane l’ensorceleuse.

— Si tu espères que je t’aide, il va falloir me dire comment conjurer le sort.

La sorcière tire une langue d’un rose violacé à l’adresse de son ennemi.

— Tu peux me faire toutes les grimaces que tu veux, tu n’as pas le choix.

Pétunia s’avoue vaincu.

— Bon, d’accord.

Et se rapprochant de Merlin, elle lui chuchote à l’oreille comment ramener Thomas à la vie.

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